Plus la signature d’un accord sur le programme nucléaire de l’Iran approche, plus la lutte pour accéder à son marché se durcit. Les États-Unis agissent notamment pour que Moscou renonce à la transaction pétro-commerciale avec Téhéran, en cours de négociation.
Des sources du gouvernement russe reconnaissent qu’il s’agit d’une "forte pression" et notent que dans le même temps, les USA s’abstiennent de critiquer l’Inde qui négocie pourtant avec l’Iran une transaction similaire. Les experts russes appellent Moscou à ne pas "s’autocastrer" au profit de Washington, écrit jeudi le quotidien Kommersant.
Les États-Unis cherchent à dissuader la Russie d’intensifier sa coopération économique avec l’Iran, par tous les contacts et entretiens bilatéraux dont ils disposent. Selon une source du gouvernement russe, il est question d’une "forte pression" avec des menaces de sanctions économiques contre les entreprises et les organisations financières russes qui participeraient à la transaction.
Moscou et Téhéran négocient en effet la possibilité de livrer en Russie du pétrole iranien (jusqu’à 500 000 barils par jours), et en échange l’Iran recevrait des marchandises et des équipements russes. La Maison blanche, le Conseil de sécurité nationale des États-Unis et le département d’État ont annoncé qu’un tel accord irait à l’encontre des sanctions contre l’Iran et des accords intermédiaires sur le programme nucléaire iranien.
Les sources du gouvernement russes répondent que les sanctions américaines contre Téhéran sont considérées comme illégitimes par Moscou et que les accords sur le programme nucléaire iranien n’ont rien à voir avec la coopération économique russo-iranienne. Elles soulignent également l’absence de réaction américaine aux communiqués concernant une transaction similaire entre l’Iran et l’Inde.
Washington n’a pas encore officiellement réagi. Les experts américains affirment que le silence de la Maison blanche "ne veut rien dire". "Tout pays qui enfreindrait les lois américaines ferait l’objet de sanctions", a déclaré Colin Kahl du Centre for a New American Security et ex-conseiller adjoint du secrétaire à la Défense. "Si la Russie acceptait cette transaction, cela réduirait la pression économique sur l’Iran et mettrait en évidence des différends au sein des six médiateurs internationaux sur le programme nucléaire iranien", explique-t-il, ajoutant que si Téhéran signait déjà des contrats avec des pays étrangers, il serait moins intéressé à tenir ses engagements. "Ce serait une catastrophe. La Maison blanche ne pourrait plus faire renoncer le congrès à adopter des sanctions supplémentaires contre l’Iran. Et cela enterrerait les chances de parvenir à un autre compromis sur le programme nucléaire iranien dans les mois à venir", affirme l’expert.
Vladimir Orlov, président du centre PIR, identifie deux raisons à cette réaction nerveuse des USA au rapprochement de Moscou et de Téhéran. "La Maison blanche est effectivement sur le fil du rasoir au congrès : avant l’élaboration d’un accord définitif sur le programme nucléaire iranien toute apparition de la Russie en Iran, qu’elle soit économique ou militaro-technique, provoquerait une tempête au congrès. La Russie serait ravie d’aider la Maison blanche à surmonter ses difficultés au parlement mais pas au prix d’une autocastration. L’analyse, par la Russie, d’une éventuelle transaction pétrolière avec l’Iran doit être saluée, et c’est même une mesure tardive", estime Vladimir Orlov.
Depuis le lancement du processus de déblocage du problème nucléaire iranien en novembre des délégations d’affaires britanniques, chinoises, italiennes, autrichiennes, suédoises et d’autres pays se sont déjà rendues à Téhéran. Les représentants d’entreprises françaises y sont attendus début février. Les compagnies américaines cherchent également à entrer en Iran : une source diplomatique russe a rapporté que, selon certaines informations, les USA et l’Iran avaient récemment créé une Chambre de commerce commune.
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