Le 9 mai est, depuis quelques années, institué « journée de l’Europe » et c’est l’occasion d’une vaste promotion (certains diraient propagande…) pour les bienfaits de l’Union européenne, présentée comme seul et unique horizon glorieux des habitants du continent européen et parfois au-delà, puisque l’Union n’est pas, ne se veut pas, une entité purement géographique ni même seulement « européenne »…
Que ce 9 mai soit l’occasion de présenter l’Union européenne, son histoire et ses institutions, ses projets et ses perspectives, cela n’a rien en soi pour me choquer. Mais, que cela soit juste une « opération séduction » sans véritable discussion, sans évocation des débats importants qui se posent en U.E., sans esprit critique ni recul même par rapport à certains problèmes actuels (cf la crise de la zone euro…), cela me semble fort malsain et s’apparente à la politique de la « République obligatoire » qu’a pratiquée la IIIe République à travers sa stratégie scolaire, si peu respectueuse des traditions et des libertés provinciales mais aussi de l’histoire française au point, parfois, de la travestir de façon ridicule.
En veut-on un exemple ? alors, prenons l’événement que, justement, l’on commémore ce 9 mai, la fameuse déclaration de Robert Schuman, alors ministre français des Affaires étrangères, le 9 mai 1950 et annonçant la CECA : elle fut préparée dans le plus grand secret, rédigée en fait dans ses grandes lignes par Jean Monnet ; les ministres français, pourtant collègues de Schuman, tout comme les diplomates du Quai d’Orsay, ne furent même pas prévenus de ce qu’elle contenait, mais, par contre, Schuman en informa … le chancelier fédéral d’Allemagne de l’Ouest et les dirigeants états-uniens… Comme le signale Michel Clapié, auteur du manuel « Institutions européennes » (Champs Université ; Flammarion ; 2003), et à qui je dois d’avoir beaucoup appris sur la manière dont s’est construite et se construit toujours l’U.E. : « La gestation de cette Déclaration ne fut donc pas un « modèle de transparence démocratique » »…
D’autre part, il serait intéressant de relire cette fameuse déclaration qui annonce aussi la stratégie européiste vers ce que Schuman appelle la « Fédération européenne » : on comprend mieux alors pourquoi De Gaulle s’y oppose et pourquoi Schuman, dès le retour du Général à la tête de l’Etat, rentre dans une opposition acharnée à l’homme du 18 juin 40, alors que ce dernier lui avait évité, à la Libération, « un procès que son attitude pendant le conflit [la seconde guerre mondiale] incitait certains à lui faire » (Michel Clapié, dans le livre cité plus haut, page 373). Effectivement, petit détail « amusant », Schuman fut membre du Gouvernement Pétain du 16 mai au 17 juillet 1940, et il a voté les « pleins pouvoirs » au Maréchal Pétain le 10 juillet… De plus, malgré sa foi chrétienne et son anti-nazisme avéré, il se refusera à rentrer dans la Résistance, préférant (mais après tout, pourquoi pas ?) une vie monastique pendant laquelle il prie pour la paix, en attendant des jours meilleurs… On peut néanmoins préférer la foi combattante d’un Honoré d’Estienne d’Orves, d’un Colonel Rémy ou d’un De Gaulle…
Alors, je veux bien que l’on fête l’Union européenne le 9 mai ou un autre jour, mais cela ne doit pas empêcher de penser librement à l’Europe sans céder à la tentation de la propagande ou de la sacralisation…