La pauvreté n’a jamais été aussi répandue en Allemagne depuis la réunification de 1990 : 15,5% de la population, soit 12,5 millions de personnes, seraient concernées, indique l’association Paritätische Gesamtverband, qui s’intéresse aux services sociaux.
Elle conclut que les parents isolés et les chômeurs sont les plus touchés. 43% des parents isolés et près de 60% des chômeurs sont considérés comme pauvres. L’association a repris la définition de l’UE de la pauvreté : est considérée comme pauvre toute personne qui vit avec moins de 60% du revenu médian. Ainsi, en Allemagne, un parent isolé qui perçoit moins de 892 euros par mois est considéré comme étant pauvre. Le seuil grimpe à 1872 euros pour un foyer avec deux enfants.
Les retraités et les plus âgés ne sont pas épargnés, puisque 15% d’entre eux entrent également dans cette catégorie.
Selon l’un des auteurs du rapport, Christian Woltering, les lacunes de la politique sociale allemande sont directement responsables de cet état de fait. « Le net social, incluant le plan Hartz IV [un ensemble de dispositions régissant les bénéfices sociaux, ndlr] est insuffisant. De plus, nous avons un secteur à faibles salaires qui produit une classe de travailleurs pauvres, qui travaillent, mais ont du mal à vivre de ce qu’ils gagnent ».
Outre les chiffres alarmants sur la progression du nombre de personnes pauvres, le rapport souligne également que les différents Landers allemands présentent de plus en plus de disparités, ce qui fait du pays une « république fissurée ».
Les länders de Berlin, de Mecklembourg-Poméranie Occidentale, et Brême, sont les États les plus touchés par la pauvreté, avec des quotas de plus de 20%. De l’autre côté du spectre, les États de la Bavière, de Bade-Wurtemberg et de Hesse sont les moins affectés.
Woltering ne pense pas que la situation pourrait s’améliorer, compte tenu que les politiciens ne s’emparent pas réellement de ce problème, et ce, malgré l’introduction d’un salaire minimum. « La plupart des personnes qui gagnent le salaire minimum ont des emplois temporaires ou des emplois à temps partiel, ou elles ont des familles pour lesquelles ce salaire ne suffit pas », explique-t-il.
Pour le Dr Wolfgang Strengmann-Kuhn,, qui représente les Verts au parlement allemand, la politique menée par la chancelière Angela Merkel est directement responsable de cette situation, en raison des coupes dans le financement de la sécurité sociale qui ont abouti à des revenus du marché du travail de plus en plus inégaux. « Alors que d’autres pays ont introduit des crédits d’impôts pour les groupes des salaires les plus faibles, cela n’a pas été au programme en Allemagne. La lutte contre la pauvreté n’est pas dans l’agenda de ce gouvernement, pas plus qu’elle ne l’a été dans les précédents gouvernements de Merkel », critique-t-il.
Cependant, un porte-parole du ministère allemand du travail et des affaires sociales nie l’idée d’une hausse de la pauvreté en Allemagne, pointant le fait que dans l’étude, la définition de la pauvreté est basée sur le revenu médian, qui ne reflète guère la qualité de la vie. « D’autres facteurs importants, tels que le patrimoine, la santé, l’éducation, la propriété ou les services sociaux ne sont pas pris en compte. De plus, l’indicateur n’est pas très fiable en raison de fluctuations aléatoires du revenu médian. Cela signifie que de faibles fluctuations aléatoires du revenu médian peuvent induire des changements importants dans les taux de pauvreté ». En clair, la définition allemande de la notion de pauvreté pourrait être très différente de celles de pays plus pauvres, comme la Grèce, par exemple…