Jérôme Fenoglio, peu connu du grand public, vient d’être nommé directeur de la rédaction du journal Le Monde. Retour sur un parcours discret.
En janvier 1995, le nom de Fenoglio apparaît dans la liste de la rédaction permanente du quotidien, qui compte alors 239 journalistes. Il figure dans la section « sport » de la séquence « aujourd’hui ». À l’époque, considéré comme très secondaire, le sport tient très peu de place dans le journal. Les bouleversements réguliers de l’organigramme du journal, suite à la baisse régulière des ventes, bénéficieront à ce petit apparatchik, qui montera d’un cran à chaque changement.
Ainsi, en 2000, il devient rédacteur en chef adjoint du service Société, cette espèce de fourre-tout journalistique. Il signe notamment un article avec Caroline Monnot, qui deviendra la spécialiste des « extrêmes ». En 2003, nouvelle promotion sous l’ère Colombani, l’année même de la torpille La Face cachée du monde, qui aura raison de l’indépendance du journal. Fenoglio passe à ce moment chef du service Société. En 2005, il chapote le département sciences et technologies, pour lequel il signe quelques papiers sur le Japon. Son ascension continue en 2010, avec une nomination en tant que cogérant par la société des rédacteurs du Monde (SRM). En 2011, il est rédacteur en chef chargé du numérique, ce nouveau secteur du développement en parallèle du « print ». Enfin, en mai 2014, il accompagne Gilles van Kote, le directeur du journal, dans l’annonce de la composition de la nouvelle équipe. À cette occasion, il devient le directeur des rédactions. La consécration arrive le 21 avril 2015, lorsque Louis Dreyfus, le président du Directoire, grand manitou du journal, lui accorde toute sa confiance en ces termes :
« Les bons résultats du début d’année doivent beaucoup à Gilles et à son équipe dont le travail a été salué lors de ce dernier conseil. Je suis convaincu que Jérôme Fenoglio, qui travaillait aux côtés de Gilles depuis un an et qui est un des rares journalistes du Monde à avoir assuré des responsabilités éditoriales sur le numérique et sur le print, saura poursuivre dans cette voie avec le talent que chacun lui reconnaît. Aujourd’hui, je lui souhaite, et je nous souhaite, de pouvoir enfin installer dans la durée une direction à la tête du Monde. »
Malheureusement, la SRM ne lui accorde que 55 % de ses voix, alors qu’il en faut 60 pour passer. Une première candidature est donc rejetée le 15 mai, ouvrant une énième crise dans le journal, à la structure bicéphale : SRM d’un côté, actionnaires de l’autre (BNP, ou Bergé-Niel-Pigasse), la Société des Lecteurs comptant pour du beurre. Les actionnaires appuient Fenoglio, qui passera en force. Il est donc le choix des actionnaires, pas des journalistes.
On peut supposer que la souplesse d’échine aura, plus que le talent de plume (il aura signé peu de papiers), permis cette ascension lente, mais sûre. Le 30 juin, Fenoglio est enfin nommé directeur, avec 68 % des voix. En politique, on sait tous la faiblesse et la dépendance de ceux qui sont mal élus.