Il est vraiment incroyable que la campagne présidentielle n’ait pas permis un débat plus en profondeur sur la question de l’euro, dont la crise est tout sauf terminée. Encore une fois, Patrick Artus et le « prix Nobel » d’économie Paul Krugman critiquent la monnaie unique.
Patrick Artus tourne-t-il casaque ?
Le chef économiste de Natixis est réputé pour ses flashs économie qui fournissent souvent des arguments aux intellectuels alternatifs. Pourtant, s’il est critique de la mondialisation, il est toujours resté favorable au libre-échange et à la monnaie unique. Mais il a publié en avril plusieurs notes où il se fait plus critique, au point de se rapprocher fortement du Rubicon. J’avais déjà fait un compte-rendu d’une note qui défendait la baisse du taux de change par rapport à la dévaluation interne.
Le 18 avril, il a publié le flash économie N°288, intitulé « Zone euro : l’erreur de conception est l’oubli de l’hétérogénéité structurelle ; elle peut conduire à l’éclatement de l’euro ». Il souligne les 4 hétérogénéités de la zone euro : niveaux de revenu et de prix, dotations en facteurs de production, fonctionnements des marchés du travail et spécialisations productives. Pour lui, l’union monétaire est « incompatible avec les multiples hétérogénéités entre les pays de la zone euro ».
En l’absence de fédéralisme, il faudrait que les pays aient la même croissance, la même inflation, la même évolution de la compétitivité coût, les mêmes besoins en investissements publics et un solde extérieur équilibré ! Mieux, il souligne que « les divergences de croissance s’amplifient ». Pour lui « ni le taux de change ni le fédéralisme ne peuvent corriger les déficits extérieurs » des pays en crise, qui le paient par une « hausse insupportable des taux d’intérêt et du chômage ».
Et le 19 avril, dans son flash marché N°291, il se demande « quelles possibilités de couverture contre un scénario d’éclatement partiel de la zone euro ? ». Patrick Artus commence par dire que « la sortie de la Grèce, du Portugal et de l’Espagne présente un risque fort, tout en restant probable » car « en l’absence de taux de change comme variable d’ajustement », « ces pays ne supporteront probablement pas que le chômage soit la variable d’ajustement ».
Paul Krugman éreinte les politiques européennes
Le « prix Nobel » d’économie progressiste a tourné casaque sur la monnaie unique européenne, passant de soutien critique à simple critique de cette construction baroque et artificielle en soulignant qu’un démontage serait finalement préférable, comme je l’avais rapporté en février. Paul Krugman en rajoute une couche dans un récent post sur son blog, où il affirme que « l’Europe est au bord du suicide », faisant un parallèle avec la vague de suicides sur le vieux continent.
Concernant l’Espagne, Paul Krugman affirme que « les problèmes budgétaires du pays sont la conséquence de la crise, et non sa cause » et qualifie de « dément » le remède appliqué ! Faisant un parallèle avec l’abandon de l’étalon-or dans les années 1930, il dit que « l’équivalent aujourd’hui serait d’abandonner l’euro et de revenir aux monnaies nationales » et condamne « les dirigeants européens (qui) semblent déterminés à jeter leur économie – et leur société – du haut de la falaise ».
Même les journalistes économiques du Monde finissent par se demander « Austérité : en Europe, trop fort, trop vite », oubliant de rappeler que c’est exactement ce que Nicolas Dupont-Aignan disait à l’Assemblée Nationale il y a deux ans… Jacques Sapir, Gérard Lafay et Philippe Villin ont publié en mars un papier faisant suite à celui de décembre, que j’avais cosigné, affirmant que « Non, l’euro n’est pas sauvé », totalement confirmé par les évènements d’avril…
La crise de la zone euro est loin d’être terminée. Les soubresauts ne prendront fin qu’avec son démontage car cette construction est intenable par nature, comme je l’avais expliqué dans un dossier. Heureusement, ce démontage est parfaitement possible, comme le montre l’histoire économique.