Depuis qu’il travaille pour Canal plus (« la chaîne des bobos », dixit Eric Zemmour), Thierry Ardisson est devenu politiquement très correct.
Verba volant, scripta manent ?
Dès lors qu’elles sont enregistrées, les paroles, elles aussi, restent. Ainsi cette émission radiophonique, Le Libre Journal du regretté Serge de Beketch qui, le 13 octobre 1993, avait invité Ardisson pour son roman, Pondichéry. Eh oui ! il fut un temps où « l’homme en noir » ne dédaignait pas de se rendre dans les locaux de Radio Courtoisie pour y promouvoir ses livres. « Je suis très heureux d’être avec vous, Serge », lui dit-il d’emblée. Par la suite, il lui confiera regretter de ne plus le lire dans Minute. Et de prédire : « Je finirai mes jours en Normandie, écrivant des livres impubliables en vieil écrivain de droite. »
En attendant, il présente son livre comme un éloge du colonialisme : « Je l’ai écrit pour piéger mes copains de gauche. » Aussi approuve-t-il le propos de Bernard Lugan selon lequel « la colonisation est une idée d’avenir » : « La décolonisation a été une catastrophe. » Mieux encore : il salue les bienfaits de la colonisation française en Algérie où catholiques, juifs et musulmans vivaient en parfaite harmonie. « Cela se passait mieux qu’aujourd’hui à Sartrouville », ajoute-t-il pour être sûr d’être bien compris. Rappelant le mot fameux de Léon Blum (« Il est du devoir des races supérieures d’aider les races inférieures »), Ardisson ajoute, rigolard, que Blum « aurait aujourd’hui beaucoup d’ennuis avec M. Gaubert » (NDLR : membre alors éminent de la LICRA).
Tout au long de l’émission, Thierry Ardisson n’aura de cesse d’affirmer ses opinions réactionnaires. « Y a-t-il encore des écrivains de droite ? », lui demande Serge de Beketch. « Il y a moi ! », clame-t-il, précisant : « Il faut faire des romans engagés. Il est temps de reprendre la parole. Souvent, l’avenir nous donne raison. » Il émet enfin des doutes sur le bien-fondé de la démocratie (« C’est un système qui nous convient – et encore [sous-entendu : ce n’est pas certain] –, mais sans doute pas au monde entier. ») Quant à l’avortement, il approuve la position de l’Église : « C’est un crime. J’ai fait autrefois avorter une fille de 18 ans. Je ne le ferais plus aujourd’hui. »
On est assurément loin du Thierry Ardisson qui brocarde dans son émission les valeurs de la droite nationale. Le plus drôle ? Serge de Beketch le félicitant pour son livre, Ardisson répond : « Vu le temps que j’ai mis à l’écrire, je n’ai pas de mérite. » Lorsqu’on sait qu’il fut par la suite convaincu de plagiat pour ce roman, cela ne manque pas de sel !
Marc Laudelout
Source : Revue Présent du samedi 13 septembre 2014, n° 8187.
L’interview de Thierry Ardisson par Serge de Beketch le 13 octobre 1993, partie 1 :
Partie 2 :
Partie 3 :
Partie 4 :