Le billet de Paul Le Poulpe paru dans la dernière livraison de Riposte laïque et intitulé "Alain Soral est-il un résistant ou un islamo-collabo ?" m’a choqué, non par l’opinion de son auteur, mais par l’idée absurde qu’on veuille y faire accroire qu’Alain Soral serait un collabo. Voilà pourquoi il me semble utile de faire part de ma réaction dans le cadre de nos débats laïques.
Le billet est rétrospectivement juste, dans la mesure où il rapporte des faits factuels, vérifiables. Cependant, pour qu’il fût démonstratif et répondre à la question formulée dans le titre, les informations rapportées méritaient qu’on les mît à jour. Est-ce que Paul Le Poulpe a manqué de temps pour approfondir sa documentation et mieux informer les lecteurs de Riposte laïque ? L’objectivité y aurait gagné.
J’avoue que j’ai découvert Alain Soral grâce à ma fille qui, dans nos discussions politiques, parlait de lui de manière souvent élogieuse, paraissant le placer très haut. Et c’est pour mieux la comprendre que je me suis intéressé à ce penseur aussi original que controversé, m’attardant sur son site internet, charmé par sa faconde, jubilant à ses saillies, appréciant ses écrits et ses commentaires de l’actualité, sans partager nécessairement ses analyses et m’interrogeant sur son antisionisme exacerbé.
J’ai ainsi constaté, au fil du temps, qu’Alain Soral a évolué par rapport à certaines questions, l’islam en particulier, nuançant ses prises de position, progressant dans sa réflexion, et j’espère qu’il ne s’arrêtera pas en si bon chemin. Dans son essai désormais célèbre, "Comprendre l’Empire" (2011), un livre qui s’est frayé tout seul son chemin vers le public, qui se vend mieux que les bouquins emplis d’âneries, sans pudeur ni retenue, confectionnés sans patente par l’inénarrable BHL et ses semblables ; un livre qui se traduit dans plusieurs langues étrangères et dans lequel, surprise, Alain Soral identifie très bien « l’islam de collaboration : Arabie Saoudite, Al-Qaïda, Ben Laden » (p. 216-217). Il aurait même pu ajouter Qatar et confrérie des Frères musulmans, car collaboration sous sa plume s’entend à l’Ordre libéral mondialiste.
Quelques pages plus loin traitent de l’islam en France et là, Alain Soral identifie très bien aussi les « islamo-racailles » (jolie expression, au passage), qu’il oppose aux musulmans patriotes (p.233-236). Je cite :
[Ceux-là sont des] « voyous apatrides, désormais ultraviolents, cultivant la haine du Blanc et qui sont effectivement […] ce que tous les observateurs lucides en disent, que ce soit les démographes intègres, la police débordée, le petit peuple, toutes ethnies confondues, et même les Identitaires […] à mettre rapidement hors d’état de nuire avec, pourquoi pas, déchéance d’une nationalité française qu’ils haïssent et billet gratuit vers ces paradis islamiques qu’ils idéalisent : Kosovo, Tchétchénie, Arabie Saoudite… »
Voilà des propos que la rédaction de Riposte Laïque ne renierait pas. Mais admettons qu’Alain Soral se méprenne sur l’importance réelle des musulmans patriotes français, ce passage et bien d’autres ne méritaient-ils pas d’être signalés, ne fut-ce que par allusion, par souci d’objectivité et sens de la nuance ? Auraient-ils échappé à Paul Le Poulpe ?
D’autre part, les critiques désormais réservées par Alain Soral à Tarik Ramadan, agent enfin démasqué de ce qu’il appelle l’Empire, méritaient également d’être signalées. Cela aurait permis aux lecteurs de mesurer l’évolution de notre penseur au sujet de l’agitateur genevois et de ne pas rester sur le reproche, sous-jacent dans le billet de Paul Le Poulpe, sur la proximité naguère affichée par Soral avec ledit Ramadan.
Enfin, sa réaction au vote musulman lors des dernières présidentielles est assez intéressante : puisque les musulmans ont majoritairement choisi ( ?) de voter François Hollande, ils sont assimilés à des cocus. Autre désillusion d’Alain Soral et, qui sait, effondrement de l’hypothèse sur laquelle il a construit sa théorie de la résistance à l’Empire ?
Toutes ces observations montrent qu’il y a une évolution dans l’analyse soralienne, non prise en compte dans le billet de Paul Le Poulpe. S’en rendre compte n’était pas bien difficile, il aurait suffi de visionner la série des dernières vidéos où Alain Soral s’exprime sur ces sujets, dans Egalité et Réconciliation. Il est vrai aussi que celles-ci sont longues et demandent une attention, de la patience et du temps qui, ont peut-être manqué au collaborateur de Riposte laïque. Il en résulte que son billet est non seulement entaché de partialité, mais sa conclusion est en plus fausse. Je dirai plus bas en quoi.
Je voudrais enfin dire un mot sur la vidéo à charge de Jean Robin, référencée dans le billet de Paul Le Poulpe : un assemblage manichéen de séquences qui mélange tout, sans les indispensables repères chronologiques qui permettent de comprendre de quoi il s’agit, quand et dans quelles circonstances. C’est comme si on voulait figer Alain Soral dans une posture immuable et comme s’il lui était interdit d’évoluer ou de changer d’avis sur telle ou telle question. Le procédé manipulatoire et la volonté de discréditer y sont manifestes. Il est regrettable que cette vidéo ait été exhibée sans avertissement signifiant aux lecteurs qu’elle n’engage que la responsabilité de son réalisateur. Mais, suprême ironie, la réponse à ce médiocre petit jeu se trouve comme par anticipation dans un propos d’Alain Soral, qui a sans doute échappé à la vigilance du réalisateur au montage. Je cite encore : « Les sauts dans le temps sont des obscénités intellectuelles. »
Je suis désolé de le dire, Alain Soral et Jean Robin ne jouent pas dans la même cour.
En résumé, Alain Soral dénonce comme nous la dictature de l’Union européenne, sa soumission aux Etats-Unis et le rôle qui lui est assigné de briseur de nations, la nôtre en particulier. Il dénonce comme nous la politique de liquidation de la France conduite solidairement par l’UMPS. Il dénonce comme nous l’imposture du clivage gauche – droite qui permet d’appliquer la même politique avec des personnes supposées différentes. Il dénonce enfin, comme l’a fait si brillamment Jacques Philarcheïn, l’abêtissement du peuple et l’avilissement où il est tombé par sa soumission (apparente ?) au système qui l’asservit. Comme nous enfin, il est la cible de la bienpensance et du politiquement correct des chiens de garde.
Pour toutes ces raisons et en un mot, Alain Soral est aujourd’hui un authentique résistant, certes à sa manière, critiquable à mains égards, mais il n’est assurément pas un collabo.