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Quand Libération confond – sciemment – analyse et délire

Le 17 février, Libération, décidément très sensibilisé par le problème syrien, – sa nouvelle Bosnie, ou son nouveau Kosovo visiblement – consacre deux pages d’analyse sur le sujet, avec un titre angoissant – pour Libération, pas pour nous : « Et si Bachar al-Assad gagnait ? »

L’auteur de ce cri d’alarme est Moustapha Khalifé, un écrivain syrien comme il se doit réfugié en France après avoir passé « treize ans dans les geôles syriennes » (il en a été libéré en 1994), et notamment auteur d’un roman au titre de circonstance – « Prisonnier politique en Syrie » – paru en 2007. Un profil, comme on dit dans les cabinets de recrutement, exemplaire, pour ne pas dire caricatural. Mais lisons ce que Moustapha Khalifé a à nous dire…

De l’alaouisme comme une obsession

Khalifé commence par aligner les considérations liminaires habituelles dans ce type de médias sur ce type de sujet : le régime est donc « d’une extrême brutalité » et « d’un esprit de vengeance hargneuse« , « d’une nature criminelle » et aussi « d’une arrogance hautaine » , et perpètre des « massacres collectifs » aussi naturellement que d’autres font leur jogging.

Ceci posé, Moustapha Khalifé met ses bobos de lecteurs en garde : « Et si ce régime parvenait à vaincre encore une fois son peuple ? » Comment, pourquoi ? A cause, dit Khalifé, de la « dimension communautaire ». Et même de la « mobilisation communautaire » dont joue à fond le régime.

L’écrivain commence cependant par considérer cette structure communautaire de la société syrienne comme une des faiblesses du régime : ça nous vaut les habituels exposés sur la minorité alaouite, tellement minoritaire qu’elle pose un problème de légitimité au pouvoir qui en est issu. Mais notre exilé fait également une courte digression sur les bourgeoisies sunnites et chrétiennes qui contrôlent l’économie et à qui le régime doit faire donc nombre de concessions. C’est l’autre grande faiblesse du régime selon Khalifé.

Il passe ensuite aux « points forts« . Evidemment, il y a « la machine répressive« , et on a droit aux « chabihas« , si populaires dans l’opposition. Il y a aussi les soutiens extérieurs, qu’on ne présente plus. Mais Khalifé stigmatise « l’impuissance » et la « complicité » internationales, et essentiellement celles des pays arabes. Pourtant, quand on voit ce qu’a dit et fait la Ligue arabe vis-à-vis de la Syrie, parler de « complicité » parait pour le moins excessif. Mais jusque-là, on est quand même dans l’analyse, certes sectaire et un rien mensongère, mais « présentable, au moins dans les colonnes de Libération.

Les chabiha lâchés contre les femmes syriennes !

Mais Moustapha Khalifé ne tarde pas à basculer dans le délire. Car le titre de son papier devait être lu en fait ainsi : « Que se passerait-il si Bachar gagnait ? » Et là, c’est gratiné : Khalifé imagine, à partir d’un livre de politique-fiction du général Tlass, longtemps ministre de la Défense de Syrie, un remake d’un plan imaginé parait-il au début des années 80 par Rifaat al-Assad, – oncle de Bachar et responsable de l’écrasement de Hama en 1982 (et aujourd’hui opposant exilé de luxe) -, plan qui prévoyait d’écraser Damas au rythme de « 720 projectiles à la minute » et de livrer la ville au pillage, histoire de s’assurer une obéissance durable de la population !

Et Khalifé d’imaginer que Bachar al-Assad, s’il triomphe de la contestation, pourrait appliquer cet hypothétique plan Rifaat, avec l’aide de ses soldats et, bien sûr, de ses chabihas. Et ce demi-dément de Moustapha Khalifé de donner des détails de ce plan terrifiant : « Sachant qu’une grande partie des richesses se trouver autour des mains et des cous des femmes, tous les bijoux en or passeraient aux mains des chabiha« . Dont, bien sûr, les « perquisitions seraient accompagnées de viols« .

Et les perquisitions, il y en aurait de quoi rassasier le plus cupide ou concupiscent des miliciens bacharistes, puisque Khalifé estime le nombre d’individus recherchés en Syrie pour cause politique « entre 1 et 1,5 million ». Ca vous parait beaucoup ? Pas du tout, car notre romancier recense méthodiquement toutes les catégories et communautés syriennes sur lesquelles la foudre du pouvoir va s’abattre une fois la situation redressée au profit de ce dernier : Kurdes, chefs de tribus arabes, les chabiha d’Alep (oui car ils sont sunnites !), la bourgeoisie (toutes obédiences confondues).

A titre d’exemple de l’analyse et de la prospective de M. Khalifé, sachez donc que les bourgeois, sunnites ou chrétiens, auront, une fois Bachar rassuré sur son avenir, le choix entre être assassinés, emprisonnés et, bien sûr spoliés. Au profit, bien sûr des officiers – évidemment alaouites – qui auraient permis au clan al-Assad de garder ses pouvoirs. Simple, mais il fallait oser l’écrire !

Oui, voilà ce qu’ose publier Libération sur deux pages, sans jamais apposer la mention « fiction » sur les délires de ce malheureux Khalifé. Deux pages de politique-fiction cauchemardesque dont aucun rédacteur de Libération ne pourrait cautionner le sérieux et la vraisemblance, sauf à avaler sa carte de presse. Nous écrivions déjà, à propos de Libération et de ses épigones de la presse française, que ces journaux avaient depuis longtemps confondu information et propagande. Mais là, c’est un grand pas en avant : présenter les fantasmes d’un déséquilibré comme une analyse politique. Trop fort, les gens de Libé !

 






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