Récemment, le président Français Nicolas Sarkozy a tenu des propos peu amènes à l’égard du chef du gouvernement sioniste, Benjamin Netanyahou, en disant qu’il ne pouvait plus le « voir », c’est-à-dire le supporter et que c’était un « menteur ».
Nicolas Sarkozy a dû ravaler ses propos devant le président du CRIF et Ronnie Lauder, le patron du Congrès Juif Mondial venus lui demander des explications.
M. Sarkozy ne pouvait donc pas faire moins que réitérer son amitié pour l’entité sioniste et donc engager la France dans l’éventuel conflit que la dite entité pourrait déclencher contre l’Iran.
En son temps, Henry Kissinger avait lui aussi tenu des propos peu amènes à l’encontre non pas d’un homme, mais des organisations communautaires juives américaines. C’est ce que révèlent des documents remontant aux années 1970 et rendus publics par le Département d’Etat. Ci-dessous, un extrait de l’article du Daily Telegraph de Londres à ce sujet :
Un fonctionnaire de la maison Blanche, Leonard Garment qui disait crouler sous les lettres et appels téléphoniques au nom de groupes d’intérêts juifs, avait demandé aide et conseil à Kissinger. Feu Alexander Haig, alors conseiller de Nixon pour la sécurité nationale, lui avait transmis la lettre de Mme Golda Meir et lui avait dit : « Il nous faudra étudier la meilleure manière de procéder » [NdT : Mme Meir voulait que le gouvernement des Etats unis proteste contre les taxes de sortie du territoire prélevées par l’Union Soviétique auprès des Juifs candidats à l’émigration en Palestine occupée. Eh oui, encore une question d’argent ! Selon les transcriptions rendues publiques par le Département d’Etat, Kissinger qui est Juif et était à cette époque l’adjoint de Haig, avait dit à Garment : "Existe-t-il un groupe de gens plus égoïstes que la communauté juive ?" Garment, également Juif, avait répondu : " Personne au monde ! " A ce moment Kissinger est cité comme ayant dit : "Que diable pensent-ils être en train d’accomplir ?" Et Kissinger de poursuivre : "On ne peut rien dire en confiance à ces salauds parce qu’ils ne le gardent pas pour eux. "
Des avis de spécialistes donc.
Aucun organe francophone ne répercute ces propos sauf le blog Jeune SS (JSS) ou Je Suis un Salaud, et encore en en déformant le contexte.
Je vous propose les minutes d’une conversation de 1975 entre Henry Kissinger et des diplomates Irakiens, dont le ministre des affaires étrangères de l’époque Saadoun Hammadi.
Cette conversation est intéressante à plus d’un titre. Surtout elle montre la conscience aigüe du danger représenté par l’entité sioniste pour la région et pour la sécurité de l’Irak en particulier, ainsi qu’une obsession de l’intégrité territoriale irakienne.
Force est de constater que tous les dangers que craignait le ministre irakien se sont concrétisés et que l’Irak est aujourd’hui laminé et démembré ou sur le point de l’être avec un Kurdistan quasi indépendant. Entre temps, il y a eu une révolution en Iran et le rapprochement esquissé par Kissinger s’est alors concrétisé dans la guerre déclenchée ensuite par le régime de Saddam Hussein. Des erreurs de jugement et des fautes stratégiques qui ont fait le jeu de l’entité sioniste et ont abouti à la destruction de l’Irak.
On peut aussi constater que les calculs de Kissinger et de ses amis ont échoué, c’est-à-dire que leurs tentatives de réduire l’influence du lobby sioniste aux Etats Unis avec l’idée de faire de l’entité sioniste un petit Etat parmi d’autres dont les Etats unis garantiraient la sécurité ont capoté.
Le lobby sioniste a su en effet contourner les restrictions posées par la législation électorale et il est plus puissant que jamais et a presque la haute main sur le parlement bicaméral des Etats Unis. Benjamin Netanyahou y a reçu récemment une standing ovation comme aucun chef de l’Etat US n’en a jamais connu !
Par ailleurs, le petit pays dont il parlait a vu sa population exploser avec l’afflux de ces Juifs (ou pseudo Juifs) en provenance d’Union Soviétique puis des ex républiques soviétiques. Des gens dotés souvent d’un bon niveau de formation soit dit en passant.
Saadoun Hammadi évoquait l’expansionnisme de l’entité sioniste. Pour l’instant cet expansionnisme se manifeste avant tout en Cisjordanie et au Golan, deux régions livrées à la colonisation juive, le Golan syrien ayant été effectivement annexé par Tel Aviv.
Cet expansionnisme ne manquera pas de se manifester à nouveau au Liban et probablement en Syrie quand il en aura l’occasion. Sans oublier les menaces régulières d’agression contre l’Iran que profèrent ses dirigeants.
Autant d’éléments qui doivent donner à réfléchir. Kissinger l’avait fait en son temps puisqu’il déclarait à ses interlocuteurs que l’entité sioniste « nous fait plus de mal que de bien dans le monde arabe ».
MEMORANDUM DE CONVERSATION
The Middle east Quarterly (USA 2006) traduit de l’anglais par Djazaïri
Le texte original est introduit par Kenneth Stein, professeur à l’Emory University
PARTICIPANTS :
Saadoun Hammadi, Ministre Irakien des affaires étrangères
Falih Mahdi ‘Ammash, ambassadeur d’Irak en France
L’assistant du ministre
Dr. Henry A. Kissinger, Secretaire d’Etat
Isa Sabbagh, Public Affairs Officer, American Embassy Jidda Peter W. Rodman, membre du National Security Council Date et heure : mercredi 17 décembre 1975, 12h 20 – 13h 18
Lieu : Résidence de l’ambassadeur d’Irak Rue d’Andigne, Paris XVI
Kissinger : Nos deux pays n’ont guère eu de contacts l’un avec l’autre ces dernières années, et je voulais saisir cette opportunité pour nouer le contact. Je sais que nous n’allons pas résoudre tous les problèmes en une seule réunion. Il en faudra au moins deux [rires]. Je pense qu’un bref échange de vues pourrait être utile et j’apprécie la courtoisie de votre accueil.
Hammadi : Je suis heureux de rencontrer son Excellence. Nous n’avons pas eu de contacts pour des raisons que vous connaissez et que nous connaissons. Il est toujours utile d’échanger des points de vue.
Kissinger : Notre idée de base est que nous ne pensons pas qu’il y a un conflit fondamental entre les intérêts nationaux de l’Irak et ceux des Etats Unis. Pour diverses raisons, l’Irak et les Etats Unis se sont retrouvés dans des camps opposés. Mais nous avons réussi à normaliser nos relations avec la plupart des autres pays arabes. Sous des aspects purement nationaux, nous ne voyons pas d’obstacles insurmontables de notre côté. Peut-être voyez-vous les choses différemment.
Hammadi : Nous voyons bien sûr les choses autrement, et je vais vous dire pourquoi. L’Irak fait partie du monde arabe. Nous pensons que les Etats Unis ont été le facteur le plus important dans le renforcement d’Israël tel que nous le voyons aujourd’hui.
Kissinger : C’est vrai.
Hammadi : Elle a été créée en 1948 et n’aurait pas pu survivre jusqu’à ce jour sans les Etats Unis.
Kissinger : L’Union Soviétique était active à l’époque aussi [en faveur de la création de l’entité sioniste]
Hammadi : C’est juste. C’est pourquoi les relations avaient été quelque peu tendues avec l’Union Soviétique. Nos bonnes relations avec l’Union Soviétique sont assez récentes. Les communistes n’étaient pas très populaires auprès des masses à l’époque. Mais la différence est que vous croyez qu’Israël est ici pour rester. Nous pensons qu’Israël a été créé par la force et que c’est un cas évident de colonialisme. Israël a été établi sur une partie de notre patrie. Ce n’est pas ce que vous pensez. Mais ce n’est pas le fin mot de l’histoire. Israël est maintenant une menace directe pour la sécurité nationale de l’Irak.
Kissinger : Comment ça, pour l’Irak ?
Hammadi : Israël a développé une puissance militaire qui peut menacer l’Irak, compte tenu notamment des informations que nous avons lues récemment sur la fourniture d’armes sophistiquées par les Etats Unis. Alors ce n’est pas seulement le monde arabe qui est menacé mais, l’Irak faisant partie du monde arabe, l’Irak lui-même. Nous pensons que les Etats Unis renforcent Israël pour qu’il ait la haute main sur la région. Même sur le Liban dont ils disent qu’il affecte la sécurité d’Israël. Un Israël fort, puissant, nucléarisé avec la haute main sur la région. Tout événement dans le monde arabe est interprété comme une menace pour Israël. Même un changement de gouvernement en Irak serait interprété de la sorte.
Kissinger : Mon impression est que si vous changiez de gouvernement en Irak, ils n’auraient pas d’objections [rires]. Je comprends votre problème.
Hammadi : C’est le paysage que je vois – jusque vers 1980. Vous dites que les Etats Unis mettent tout leur poids en faveur d’un règlement. Mais un règlement n’est pas la paix. Une nouvelle vague de troubles et d’affrontements commencera parce qu’Israël n’est pas un Etat du genre à rester dans ses frontières. Parce que s’ils [les sionistes] en ont l’occasion, ils chercheront l’expansion. C’est ce que montrent les faits. Et ils ont l’appui de la plus grande puissance dans la région. Ce que font les Etats Unis ne consiste pas à apporter la paix mais à créer une situation dominée par Israël, ce qui créera une nouvelle série d’affrontements.
Kissinger : Je comprends ce que vous dites. Quand je dis que nous voulons améliorer les relations avec l’Irak, c’est quelque chose dont nous pouvons nous passer. Mais c’est notre politique d’aller vers de meilleures relations. Je pense que, si on regarde l’histoire, quand Israël a été créé en 1948, je ne crois pas que quiconque y ait compris quelque chose. Son origine tenait à des questions politiciennes propres à l’Amérique. C’était lointain et peu compris. Alors ce n’était pas un projet de l’Amérique pour avoir un bastion de l’impérialisme dans la région. C’était bien moins compliqué. Et je dirais que jusqu’en 1973, la communauté juive avait une influence énorme. C’est seulement depuis ces deux dernières années, suite à la politique que nous suivons, que ça a changé.
Nous n’avons pas besoin d’Israël pour influer sur le monde arabe. Au contraire, Israël nous fait plus de mal que de bien dans le monde arabe. Vous dites vous-même que votre problème avec nous est Israël. En dehors du fait peut-être que nous sommes des capitalistes. Nous ne pouvons pas négocier l’existence d’Israël, mais nous pouvons réduire sa taille à des proportions historiques. Je ne suis pas d’accord pour dire qu’Israël est une menace permanente. Comment une nation de trois millions d’habitants peut-elle être une menace permanente ? Ils ont un avantage technique pour le moment. Mais il est inconcevable que des peuples avec les richesses, les compétences et les traditions des Arabes ne puissent pas développer les capacités nécessaires. Alors je pense que dans dix ou quinze ans, Israël sera comme le Liban, à lutter pour son existence et sans influence sur le monde arabe.
Vous avez mentionné de nouvelles armes. Mais elles ne seront pas livrées dans un futur prévisible. Tout ce que nous avons accepté, c’est d’étudier les demandes et nous n’avons accepté aucune livraison à partir des stocks actuellement disponibles. Donc beaucoup de ces armes ne seront pas fabriquées avant 1980, et nous n’avons pas encore accepté de les livrer à ce moment là.
Notre politique est d’aller vers la paix et d’améliorer nos relations avec le monde arabe. L’Irak n’est pas partie prenante aux négociations de paix, mais je pense que la politique de l’Egypte et de la Syrie visant à améliorer les relations avec nous nous Assistant à mettre la pression pour un règlement.
Les israéliens vous préfèrent à Sadate [le président Egyptien] parce qu’ils aiment que les choses soient posées en terme de problème USA – URSS. Nous ne coulons pas que vous ayez des relations inamicales avec l’Union Soviétique, nous n’interférons pas dans vos relations avec l’Union Soviétique. Mais fondamentalement, les Israéliens préfèrent le radicalisme arabe.
Si le problème est l’existence d’Israël, nous ne pouvons pas coopérer. Mais si la question porte sur des frontières plus normales, nous pouvons coopérer.
Nous avons avancé vers la normalisation avec les autres – sauf le Yémen du Sud et la Libye -, nous avancerons en ce sens.
Hammadi : Nous sommes de l’autre côté de la barrière. Nous sommes en droit de soulever de nombreuses questions.
Kissinger : S’il vous plait.
Hammadi : Compte tenu du passé, qu’est-ce qui peut nous faire croire que les Etats Unis ne continueront pas la politique de soutien illimité [au sionisme] des vingt dernières années.
Kissinger : Tout dépend de ce que vous entendez par soutien illimité. Un changement important en Amérique… Sabbagh était avec moi quand j’ai rencontré le roi Fayçal pour la première fois. Je lui avais dit que ça prendrait quelques années ; nous devions y aller doucement. C’est ce que j’ai dit à tous les Arabes. Nous en sommes arrivés au point maintenant où les attitudes ont changé en Amérique. Quand je rends compte devant les commissions parlementaires, je me retrouve devant des questions de plus en plus hostiles à Israël. Personne n’est pour la destruction d’Israël – ne vous leurrez-pas – et moi non plus.
Mais notre soutien dans les années 1960 se montait à 200 – 300 millions de dollars. Il atteint maintenant 2 à 3 milliards de dollars. C’est intenable. On ne peut même pas avoir une telle somme pour New York. Ce n’est qu’une question de temps avant que ça change – deux ou trois ans. Après un règlement, Israël sera un petit pays ami sans droit de tirage financier illimité. Aussi bizarre que ça puisse paraître, Israêl sera affecté par notre nouveau code électoral. Ainsi l’influence de certains de ceux qui finançaient les élections auparavant n’est plus si grande. On ne s’en est guère aperçu. Il faudra plusieurs années avant qu’on le comprenne vraiment.
Je pense donc qu’il y a un rééquilibrage américain. Si les Arabes – permettez-moi d’être franc – ne font pas quelque chose de stupide. S’il y a une crise avec l’Union Soviétique dont des organisations en Amérique pourraient faire une croisade anticommuniste.
Hammadi : Vous pensez donc que la politique des Etats Unis ne serait plus la même après un règlement [du conflit] ?
Kissinger : Nous voulons qu’Israël survive mais pas qu’il domine la région. Personne ne peut conquérir le monde arabe. Même s’ils [les sionistes] s’emparent de Damas, d’Amman et du Caire, vous serez là et la Libye sera là. Alors si Israël veut survivre en tant qu’Etat comme le Liban – en tant que petit Etat – nous pouvons le soutenir.
Hammadi : Qu’en pensent les israéliens ?
Kissinger : En premier lieu, ils veulent se débarrasser de moi. Parce que je les renvoie dans les cordes. Deuxièmement, ils veulent provoquer les Arabes en 1976 – en Syrie, au Liban – parce qu’ils pensent que s’il y a une guerre, ils peuvent la gagner et créer beaucoup de chaos. Troisièmement, ils veulent faire passer une législation en Amérique de nature à provoquer l’hostilité d’autant d’Arabes que possible. Nous avons ainsi les lois anti-discrimination, anti-boycott et anti-vente d’armes. Ils espèrent que les Arabes reviendront à une situation comme celle de 1967-1973, quand les Syriens et les Egyptiens avaient adopté une ligne anti-américaine. Ils pourront ainsi dire qu’ils sont les seuls amis de l’Amérique au Moyen Orient. Ce qu’ils veulent, c’est ce que vous prédisez – être le seul ami. Nous voulons d’autres amis pour réduire la portée de cet argument
Assistant : Votre excellence, pensez-vous qu’un règlement dans la région peut se faire sans les Palestiniens ? Quelle est votre lecture ? Avez-vous le pouvoir de réaliser une telle chose,
Kissinger : Pas en 1976. Je dois être très franc avec vous. Je pense que l’identité palestinienne doit avoir une forme de reconnaissance. Mais nous avons besoin d’une coopération approfondie des Arabes. Il faudra un an ou un an et demi pour l’avoir et ce sera un effort immense. Une évolution est déjà en cours.
Assistant : Vous pensez qu’ils [les palestiniens] feront partie d’une solution ?
Kissinger : Il le faut. Aucune solution n’est possible sans eux. Mais la situation politique interne aux Etats Unis devient favorable. De plus en plus de questions sont posées au Congrès en faveur des palestiniens.
Hammadi : Pensez-vous qu’un Etat palestinien est possible ?
Kissinger : Nous ne l’excluons pas par principe. Il n’est pas possible pour l’instant.
Hammadi : Et au sujet des réfugiés Palestiniens ? Les territoires palestiniens sont maintenant surpeuplés – Gaza et la Cisjordanie.
Kissinger : Ils devraient avoir le choix, soit de rester là où ils sont, soit d’aller dans un Etat palestinien.
Hammadi : Pensez-vous que certains, par exemple la région de Galilée, pourraient choisir de quitter Israël pour intégrer le nouvel Etat palestinien
Kissinger : En Galilée ?
Hammadi : les Arabes Israéliens.
Kissinger : J’ai dit à des amis que la paix n’était une fin en soi. Ailleurs, les guerres commencent entre des pays qui sont en paix. Il n’y a qu’au Moyen orient que des guerres commencent entre des pays qui sont en guerre. Mais nous soutenons l’’existence d’Israël. La destruction d’Israël est notre ligne rouge à ne pas franchir.
Assistant : Les palestiniens ont déjà écarté cette idée. C’est mon opinion personnelle. Parce que les israéliens essayent d’acheter des terres en Galilée, et qu’il y a de la résistance. Le parti communiste de cette région en tire argument pour les élections municipales. Est-ce que c’est parce que les Israéliens s’attendent à la création d’un Etat palestinien qu’ils veulent acheter ces terres ?
Kissinger : Ce pourrait être leur idée. Je ne suis pas au courant.
Assistant : Le Parti Communiste s’en sert d’argument dans cette région. Les Israéliens savent que vous, Américains, êtes derrière l’idée d’un Etat palestinien.
Kissinger : Nous devons être prudents et avancer progressivement. La presse israélienne m’accuse. J’ai dit que nous ne pouvons pas faire un pas en direction des palestiniens tant qu’ils n’acceptent pas l’existence de l’Etat d’Israël et la résolution 242 du Conseil de Sécurité. Je n’ai jamais exclu une reconnaissance de l’OLP. Je l’ai toujours liée à la reconnaissance d’Israël et de la 242. Ce qui implique que nous ferons un geste s’ils reconnaissent Israël et la 242.
Assistant : Kaddoumi Kaddoumi [Farouk Kaddoumi, un dirigeant de l’OLP] a dit : « Comment pouvons-nous reconnaître Israël s’il ne reconnaît pas l’OLP ? »
Kissinger : Sauf votre respect, ce qu’Israël fait est moins important que ce que font les Etats Unis.
Hammadi : Votre Excellence, vos points de vue et les nôtres sont différents. Vous êtes pour l’existence d’Israël, pas nous. Nous ne pouvons donc pas être d’accord sur ce point. Peut-être pouvons-nous parler d’autres aspects. Nous ne sommes pas contre une amélioration des relations avec n’importe quel Etat, même ceux avec lesquels nous avons des divergences fondamentales. Nous lisons dans les journaux que les Etats Unis livraient des armes au mouvement kurde dans le nord de l’Irak. Notre attitude n’est pas basée là-dessus les journaux] ; nous avons des raisons de croire que les Etats Unis continuent à le faire. Quel est votre avis ?
Kissinger : Quand nous pensions que vous étiez un satellite de l’URSS, nous n’étions pas opposeé à ce que l’Iran faisait dans la région kurde. Maintenant que l’Iran et vous avez résolu ce différend, nous n’avons aucune raison de faire ce genre de chose. Je peux vous dire que ne participerons pas à des activités contre l’intégrité territoriale irakienne et que nous ne participons à aucune.
Hammadi : C’est un résultat de cet accord [avec l’Iran] ? Que vous pensiez que nous ne sommes pas un satellite de l’URSS ?
Kissinger : Nous avons une compréhension plus élaborée maintenant. Nous pensons que vous êtes un ami de l’Union Soviétique lais que vous agissez selon vos propres principes.
Hammadi : L’an prochain, si nous signons un traité économique avec l’Union Soviétique, reviendrez-vous à l’autre façon de voir ?
Kissinger : Je ne serais pas ici si nous n’étions pas désireux d’avoir une relation nouvelle avec l’Irak. Si vous entretenez des relations économiques avec l’Union Soviétique, c’est votre affaire. Nous n’interférons pas. Notre façon de voir est que vous menez une politique indépendante. Nous n’aimons pas ce que vous faites de votre propre chef [rires]. Nous évoluons vers des relations plus complexes avec les Arabes. Notre politique actuelle est compatible selon nous avec l’intégrité et la dignité de l’Irak.
Hammadi : Nous voyons les choses autrement. Nous avons des relations avec l’Union Soviétique ; nous importons des armes soviétiques. Ce qui a amené les Etats Unis à intervenir et à encourager un mouvement qui pourrait disloquer notre pays.
Kissinger : Vous allez trop loin. Nous n’étions pas le principal pays engagé dans cette affaire.
Hammadi : Mais les Etats Unis y ont participé, à leur manière, avec des armes.
Kissinger : D’une certaine manière.
Hammadi : Et les Kurdes veulent découper l’Irak en morceaux.
Kissinger : Il est inutile de remuer le passé. Je peux seulement vous dire ce que sont nos intentions. Je comprends vos inquiétudes et vos soupçons ! Nous pouvons attendre. Nous ne sommes pas obligés de tirer des conclusions pratiques de cette rencontre.
Hammadi : Ce qui nous préoccupe est de savoir si les USA ont vraiment changé leur position. Qu’est-ce qui nous assure que cela ne va pas se reproduire à l’avenir ? Chaque fois qu’un pays exerce son droit souverain, les Etats Unis sont impliqués dans des actions qui touchent à l’intégrité de ce pays.
Kissinger : Prenez la Syrie. La Syrie tient toutes ses armes de l’Union Soviétique. Les Syriens peuvent confirmer que nous n’avons jamais interféré dans leurs affaires et que nous n’avons jamais interféré dans leurs relations militaires avec l’Union Soviétique. Nous avons essayé d’agir diplomatiquement pour influer sur leur politique, ce qui est normal. Donc, avec des relations plus matures avec les Arabes, c’est [l’ingérence] exclu. »
Hammadi : Et pour le Liban ?
Kissinger : Nous nous sommes tenus à l’écart au Liban. Nous n’avons rien fait au Liban. Mon point de vue est que le poids des Musulmans [dans la vie politique du pays] devra augmenter. Nous avons eu beaucoup de discussions avec les Syriens et les saoudiens, mais nous ne nous sommes pas lancés dans des activités d’espionnage. Ce que je peux vous dire, c’est que nous collectons de l’information mais pas d’armes.
Hammadi : Les Etats Unis ne sont pas favorable à une partition du pays ?
Kissinger : Nous y sommes opposés.
Hammadi : Les Etats Unis ne sont pas impliqués mais s’opposeraient [à une partition].
Kissinger : On ne nous l’a pas demandé, mais si on le faisait, nous nous y opposerions. J’ai fait plusieurs déclarations publiques en faveur de l’intégrité du Liban.
Hammadi : Je suis heureux de vous l’entendre dire parce que nous, en Irak, sommes très sensibles sur l’intégrité territoriale. Pourquoi êtes-vous opposés [à une partition] ?
Kissinger : Parce que nous pensons que l’intégrité des Etats de la région est fondamentale pour la paix au Moyen Orient. [Avec une partition] on aurait deux fragments de plus. Un Etat chrétien devrait chercher un soutien à l’étranger, un Etat musulman devrait chercher un soutien à l’étranger. Ce serait plus d’instabilité. Sachez que nous sommes pour l’unité du Liban.
Hammadi : Nous sommes préoccupés par une intervention israélienne.
Kissinger : Nous avons averti fermement les Israéliens à ce sujet. Ils n’y gagneraient que quelques centaines de milliers d’Arabes en plus et rendraient un règlement du conflit impossible.
Hammadi : Quelqu’un, au niveau international, est-il favorable à une partition ?
Kissinger : Personne, à ma connaissance.
Hammadi : Aucune des grandes puissances ?
Kissinger : Les Européens aiment jouer sans prendre de risque. Au Moyen orient, on ne peut pas jouer sans risques. Je vous le dis platement, nous n’y sommes pas favorables. Nous sommes disposés à coopérer en faveur de l’unité du Liban. Nous craignons seulement que, si nous devenons actifs sur ce dossier, l’Union Soviétique devienne aussi active. Nous an avons discuté avec la Syrie, l’Arabie Saoudite, l’Egypte et l’Algérie.
Hammadi : Je voudrais résumer _ ce qui nous intéresse, c’est nos relations bilatérales. Nous différencions entre relations politiques et autres sortes de relations. Il y a quelques années, nous avions tout amalgamé. Economiquement et techniquement, l’Irak n’est pas fermé aux Etats unis. Nous n’avons pas d’objections à développer des relations avec les Etats Unis aux niveaux culturel et économique. Mais seulement sur la base de la non ingérence dans nos affaires intérieures. Il y a quelques entreprises américaines en Irak, et elles ont l »assurance d’être traitées équitablement. Au niveau politique, nous avons rompu les relations pour une certaine raison, et nous pensons que cette raison est toujours d’actualité.
Kissinger : En mettant de côté les relations diplomatiques – et vous voudrez y réfléchir – si nous voulons échanger nos points de vue ; nous pourrions envoyer des personnes de rang plus élevé dans les sections d’intérêts dans nos capitales respectives.
Hammadi : Mais plus le niveau de représentation est élevé, plus nous nous rapprochons des relations diplomatiques.
Kissinger : Mais alors comment faire ? Via la mission diplomatique à l’ONU ? Où par vos personnels à Washington ?
Hammadi : Nous pouvons procéder sur la base du cas par cas.
Kissinger : Très bien. Quand vous venez à new York, nous pouvons nous rencontrer. Nous pouvons le faire sur la base du cas par cas. Vos verrez : notre attitude envers l’Irak n’est pas inamicale. Ne me croyez pas sur parole, jugez sur pièce.
Hammadi : Nous sommes un petit pays. Nous devons être plus prudents.
Kissinger : Les choses vont évoluer. Nous pouvons rester en contact via Washington et New York.
Hammadi : Pour finir, je voudrais dire que ce problème kurde est d’une importance vitale pour nous.
Kissinger : Je peux vous assurer qu’il n’y aura plus de problème. On ne peut pas revenir sur le passé.
Hammadi : Pas toujours.
[Le ministre des affaires étrangères accompagne le Secrétaire d’Etat Kissinger et ses collaborateurs vers la porte.]