La Russie réduit de 40 % les livraisons de gaz quotidiennes vers l’Allemagne. Un élément qui pourrait renforcer l’envie de l’Union européenne de « renforcer » sa coopération énergétique avec l’État hébreu en réponse au « chantage » russe.
Le géant russe Gazprom a annoncé mardi baisser de plus de 40 % sa capacité quotidienne de livraison de gaz vers l’Allemagne via le gazoduc Nord Stream, des équipements nécessaires n’ayant pas été livrés par le groupe allemand Siemens.
« Les livraisons de gaz via le gazoduc Nord Stream ne peuvent être assurées que jusqu’à un volume de 100 millions de m³ de gaz par jour au lieu des 167 millions de m³ par jour prévus », a indiqué le groupe dans un communiqué publié sur la messagerie Telegram. En raison, entre autres, de l’absence de compresseurs Siemens, « seules trois unités de compression de gaz peuvent actuellement être utilisées » à la station de compression de « Portovaïa », près de la ville de Vyborg dans la région de Léningrad (nord-ouest de la Russie), où se fait le remplissage de Nord Stream.
Les exportations de gaz russe vers l’Europe sont en baisse depuis le début des sanctions contre la Russie en raison de son intervention militaire en Ukraine. Gazprom a interrompu ses livraisons de gaz à plusieurs clients européens ayant refusé de payer en roubles. En réplique aux sanctions imposées par l’Union européenne à la suite de l’offensive russe en Ukraine, le président russe Vladimir Poutine a réclamé que les acheteurs de gaz russe de pays « inamicaux » payent en roubles depuis des comptes en Russie sous peine d’être privés d’approvisionnement, en dépit de contrats prévoyant des paiements en euros ou en dollars. Or, un certain nombre de clients européens ont refusé.
Le gazoduc Nord Stream 1 livre du gaz russe à l’Allemagne via la mer Baltique. Il avait été mis en service en 2012. L’ex-chancelier allemand Gerhard Schröder en avait été l’un des principaux architectes. Le deuxième gazoduc de ce système, Nord Stream 2, est mort-né : très controversé en Europe, il avait été achevé mais attendait le feu vert du régulateur allemand pour être mis en service, avant que le début de l’offensive russe en Ukraine ne signe son arrêt de mort.
L’UE se tourne vers Israël
L’Union européenne veut « renforcer » sa coopération énergétique avec l’État hébreu en réponse au « chantage » de la Russie, qui a coupé ses livraisons de gaz à des pays européens, a soutenu mardi en Israël la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.
« Le Kremlin a utilisé notre dépendance aux énergies fossiles russes pour nous faire du chantage (...) la Russie a délibérément coupé ses approvisionnements de gaz à la Pologne, la Bulgarie et la Finlande, à des entreprises néerlandaises et danoises en représailles à notre soutien à l’Ukraine », a-t-elle accusé lors d’un discours à l’Université Ben-Gourion du Néguev. « Le comportement du Kremlin ne fait que renforcer notre volonté de nous libérer de notre dépendance aux énergies fossiles russes », a affirmé Mme von der Leyen.
« Par exemple, nous explorons actuellement des voies pour renforcer notre coopération énergétique avec Israël », a-t-elle expliqué, citant un projet de câble électrique sous-marin reliant l’État hébreu, Chypre et la Grèce et un « pipeline » en Méditerranée orientale. Israël travaille d’arrache-pied pour pouvoir exporter une partie de ses vastes ressources gazières en mer vers l’Europe, qui cherche à remplacer les achats de combustibles fossiles russes depuis l’invasion de l’Ukraine fin février et les sanctions contre Moscou.
Mme von der Leyen a rencontré lundi soir les ministres israéliens des Affaires étrangères et de l’Énergie, Yaïr Lapid et Karine Elharrar, et doit s’entretenir mardi soir avec le chef du gouvernement Naftali Bennett.
Selon un porte-parole de la ministre Elharrar, Mme von der Leyen a répété que « l’UE a besoin du gaz israélien », alors que des discussions sont en cours depuis des mois pour parvenir à un accord permettant d’exporter du gaz israélien vers l’Europe via l’Égypte.
Des « annonces » concernant une coopération énergétique « avec Israël et d’autres partenaires dans la région » doivent être faites « dans les prochains jours », a indiqué de son côté une porte-parole de la Commission européenne, précisant que Mme von der Leyen se rendrait en Égypte après Israël.
De la mer à la terre
Israël a commencé à produire du gaz après la découverte au début des années 2010 de plusieurs réservoirs au large de ses côtes en Méditerranée, avec des réserves chiffrées à environ 1 000 milliards BCM (milliard de mètres cubes).
Mais deux problèmes de taille se posent pour Israël : l’absence de gazoduc pour relier ses plateformes de forage en Méditerranée aux marchés du sud de l’Europe et un différend avec le Liban voisin sur la délimitation d’une partie de sa zone de droit exclusif.
Trois grandes options s’offrent à Israël pour exporter son gaz vers l’Europe : l’acheminer vers l’Égypte pour ensuite le liquéfier et le transporter par bateau en Europe ; construire un gazoduc vers la Turquie ; ou construire une nouvelle route des hydrocarbures directement vers le sud européen, en passant par Chypre et la Grèce.
Mais ce dernier projet, baptisé EastMed, est chiffré à près de six milliards d’euros et pourrait prendre du temps à se concrétiser. Aussi, des responsables israéliens ont plaidé pour que l’Italie s’y greffe.
En visite aussi en Israël, le Premier ministre italien Mario Draghi a plaidé pour une coopération gazière bilatérale sans lever le voile sur la route que pourrait emprunter le gaz israélien pour rejoindre l’Italie.
« Nous travaillons ensemble afin d’utiliser les ressources gazières de la Méditerranée orientale et pour développer des énergies renouvelables. Nous voulons réduire notre dépendance au gaz russe », a déclaré M. Draghi aux côtés de M. Bennett.
Et le Liban ?
La découverte de vastes gisements gaziers en Méditerranée orientale a attisé le contentieux frontalier entre le Liban et Israël. En octobre 2020, les deux pays, techniquement en état de guerre, avaient entamé des pourparlers pour délimiter leur frontière maritime et lever les obstacles à la prospection d’hydrocarbures.
Mais ces discussions sont suspendues depuis mai 2021 en raison de différends concernant la zone contestée de Karish.
Des tensions ont ressurgi la semaine dernière avec l’arrivée d’un navire affrété pour le compte de l’État hébreu par la société d’exploration Energean Plc, le Liban accusant Israël d’opérer dans une zone contestée.
Mais Israël assure que le gisement gazier n’était pas dans les eaux contestées, ce que porte aussi à croire une analyse des images satellites réalisée par le quotidien israélien Haaretz.