La crise de la zone euro a été interprétée à tort comme une crise des dettes souveraines. Mais la cause de la crise, comme le reconnaît The Economist, n’était pas l’endettement public, alors en baisse, mais bien plus la monnaie unique et un excès de dettes du secteur privé. Problème qui s’est amplifié depuis.
Un problème deux fois plus important
Bien sûr, l’endettement public a atteint 91 % du PIB dans la zone euro, 30 points de plus qu’il y a 5 ans. Mais la montagne de dette privée est presque deux fois plus importante, à environ 160 % du PIB. The Economist affirme qu’« on dit toujours que l’Europe traverse une crise des dettes souveraines. Et c’est le cas. Mais les origines du désastre de l’euro ont moins à voir avec une débauche de dépenses des gouvernements qu’avec un excès de dettes privées », à l’exception de la Grèce (encore que l’on peut incriminer le rôle des marchés qui ont prêté à Athènes à des taux proches de Berlin).
De plus, alors que les ménages et les entreprises aux États-Unis et en Grande-Bretagne ont réduit le poids de leur dette en rapport du PIB, ce n’est pas le cas en Europe, à l’exception de l’Espagne, où il a baissé d’environ 12 points. Ce qui frappe, c’est la disparité entre les pays européens. Selon Eurostat, c’est le Luxembourg qui a la médaille d’or, avec une dette privée de 317 % du PIB ! Le Portugal et les Pays Bas dépassent 220 % du PIB. L’Espagne est autour de 200 %, la Grande-Bretagne au-delà de 180 %. La France (140 %), l’Italie (130 %) et l’Allemagne (115 %) sont bien plus prudentes.
Un risque de crise financière
Parce que le montant des dettes privées n’a cessé de monter (il était encore de 96% en France en 1999), il y a un danger de crise financière. D’ailleurs, plusieurs pays sont d’ors et déjà en crise. En Espagne, le taux de défaut sur les créances des banques a atteint 12 %, chiffre qui ne cesse de progresser. The Economist soutient que pas moins de 30 % des créances en Italie sont dues par des entreprises dont les bénéfices avant impôts sont inférieurs aux intérêts ! Le chiffre atteint 40 % en Espagne et 50 % au Portugal. Le PIB des Pays Bas subira une baisse aussi importante que l’Espagne cette année du fait de la crise financière. Un quart des ménages doivent plus que leur maison ne vaut !
The Economist soutient que « les hommes politiques de la zone euro, même dans la supposée prudente Allemagne, ont été réticents à regarder trop profondément dans les bilans des banques, et encore moins de les forcer à les nettoyer ». Cela revient tout de même à admettre que les banques telles qu’elles sont organisées aujourd’hui restent des boîtes noires qui peuvent faire ce que bon leur semble et camoufler un état de quasi-faillite, ce qui en dit long, à la fois sur le caractère ubuesque du système actuel mais aussi sur les efforts affichés pour le réguler, largement vains depuis 2009.
Tout ceci ne signifie pas que nous allons vers une crise à court terme. En effet, les excès de liquidités produits par plusieurs banques centrales et les faibles taux d’intérêt consécutifs permettent de limiter les dégâts à date. Pire, étant donnée la légère et illusoire reprise de l’économie, il est possible que les acteurs privés ne réduisent pas leur endettement, et finissent, au contraire, par l’augmenter. Tout ceci devrait alors entretenir une bulle (et nourrir une faible reprise) qui connaîtra alors le destin de toute bulle financière, à savoir exploser lors d’un nouveau krach financier dans quelques temps.
Le point positif est que notre pays apparaît comme un des plus raisonnables avec une dette totale privée plus publique de 234 % du PIB. Seule l’Allemagne, l’Autriche et la Finlande sont plus bas. Le problème est qu’avec une finance mondialisée, les problèmes des uns sont aussi les problèmes des autres.