L’enseignement de Jésus de Nazareth parut révolutionnaire à son époque. Était-il absolument original ?
Pas tout à fait. En son temps, soit treize siècles avant la naissance de Jésus et un siècle avant l’Exode des Hébreux mené par Osarseph-Moïse, Akhénaton avait révélé un Dieu unique, père de l’humanité. Moïse a capté l’idée monothéiste, mais a fait de son Dieu une essence sectaire, irritable, inspirant à ses ouailles des pratiques racistes et de multiples génocides, que l’Ancien Testament étale sans vergogne. À l’époque de Jésus, le souvenir d’Akhénaton était encore perceptible en Égypte, ayant été ravivé par les écrits de l’historien Manéthon, trois siècles plus tôt. En revanche, la notion d’un Dieu d’amour, père de l’ensemble de l’humanité, contredisait absolument les fondements de la religion juive, ethnocentrée.
Qui a condamné Jésus de Nazareth et pourquoi ?
Le sanhédrin de Judée l’a condamné à mort pour deux « sacrilèges ». Il avait parlé du Dieu des juifs aux goyim, contrevenant à un interdit de Moïse, et, en fin de procès, répondant à une question du grand prêtre, il avait déclaré être le Messie attendu depuis trois siècles par les juifs pieux.
Le préfet de Judée n’a fait qu’entériner le jugement et autoriser son exécution, non sans avoir tenté de gracier Jésus à trois reprises, si l’on en croit le récit d’un témoin auditif et oculaire, l’apôtre Jean (que la rédaction de son Évangile ait suivi de quelques dizaines d’années l’enseignement oral – qu’il donnait à ses propres disciples en la ville d’Éphèse ou ailleurs en Asie Mineure – n’est d’aucune importance, quoi qu’en disent les contempteurs du christianisme, d’autant que l’on ignore si, avant la rédaction définitive du texte évangélique, n’ont pas existé diverses versions écrites, aujourd’hui perdues ou inaccessibles).
Même à un athée, le débat sur l’historicité de la personne de Jésus paraît une insulte au bon sens. La chronologie de la semaine sainte adoptée dans ce livre, conformément aux usages esséniens et à la pratique juridique juive de l’époque, est très différente de la conception classique.
Peut-on parler de « religion judéo-chrétienne » ?
Sûrement pas. Le Dieu de Jésus, Dieu de parfait amour, père de l’humanité (ce qui implique la fraternité des humains, soit un message d’essence antiraciste), n’a rien de commun avec le Yahwé de Moïse, réservant ses faveurs (et quelques colères) à son seul « peuple élu », qui a entre autres devoirs celui de préserver « sa pureté raciale », les copulations entre juifs et non-juifs (les goyim) étant formellement prohibées. Les mariages mixtes et les enfants issus de ces unions étaient considérés par les juifs racistes comme autant de « souillures » pour le peuple d’Israël (consulter les livres d’Esdras et de Néhémie et divers autres, non repris par les Bibles juive et chrétienne).
De la même façon, le juif ne devait ni manger, ni boire en compagnie de goyim et ne devait pas les fréquenter en dehors de ses exigences professionnelles. Encore de nos jours, pour un puriste, n’est juif que celui dont le père et la mère sont juifs. La tradition rabbinique, née au IIe siècle de notre ère, est moins exigeante : seule compte l’origine de la mère pour déterminer l’appartenance ou la non-appartenance au peuple juif…
Que vous inspire l’histoire de Jésus de Nazareth après l’avoir étudiée avec autant de passion ?
Même pour un athée, elle est celle du plus beau (moralement et spirituellement) des fils des hommes, toutes époques et races confondues. Cette destinée humaine, cette aventure qui finit si tristement est singulièrement à méditer en notre époque matérialiste de déréliction, de consumérisme et de naïveté dans la propagande officielle confinant à la bêtise.
Bernard Plouvier est membre de l’Académie des sciences de New York et auteur d’une dizaine d’essais historiques.