En novembre 2014, l’OPEP (Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole) décidait de ne pas réduire sa production malgré une offre mondiale excédentaire par rapport à la demande. Motif : en cas de marché excédentaire, c’est aux producteurs les moins compétitifs de sortir du jeu. Sont alors directement visés les pétroles de schiste américain et les sables bitumineux canadien.
Depuis, un bras de fer s’est engagé entre les États-Unis et l’OPEP, et chacun essaye d’expliquer régulièrement pourquoi il est en train de gagner le combat. Dernier exemple en date : on apprenait début juillet que 17 des 30 compagnies interrogées par Reuters avaient augmenté la couverture de leur production pétrolière. Ces opérations de « hedging », qui consistent à s’assurer un prix de vente pour sa production de pétrole future dès maintenant, permettent de s’assurer une visibilité sur les revenus à venir. Cela permettrait notamment d’obtenir davantage de financement et ainsi de pouvoir relancer sa production.
Cela pose néanmoins plusieurs questions. D’abord, celle de l’ampleur de la hausse de ces couvertures. Sur ce sujet, les informations sont rares. Et si le hedging est au plus haut de 1 an pour nombre d’entre elles, il ne faut pas oublier que la baisse continue des cours de l’or noir depuis 2014 n’avait pas incité les producteurs à se hedger pendant l’année 2015. L’effet de base que cela induit peut donc fausser la perception de l’ampleur des positions de couverture initiées en 2016. Avec une couverture annoncée de 55 millions de barils, pour une production de pétrole de schiste de l’ordre de 4,9 millions de barils par jour en 2015, l’assurance prise couvre une dizaine de jours de production, ce qui reste bien faible…
Se pose également la question du cours auquel ces couvertures ont été réalisées. Le dernier trimestre a vu les cours du pétrole osciller entre 35 et 50 dollars le baril. Cela signifie que beaucoup des positions initiées l’ont été, comme pour Marathon Oil ou Denbury Resources, autour des 40 $. S’il semble bien que certains gisements puissent être rentables à ce prix, cela reste malgré tout l’exception, les plus gros gisements restant à des prix supérieurs à 50, voire 60 $ le baril.
En effet, si les coûts de production restent une donnée très difficile à obtenir dans la guerre de communication que se livrent les différents acteurs du marché pétrolier, Wood Mackenzie, l’un des principaux consultants du secteur des matières premières, a publié récemment une étude qui pose question sur la réalité de la baisse des coûts de production opérationnels de l’industrie pétrolière. Si, au niveau mondial, les coûts de production ont bien été abaissés de 9 % l’an dernier, ce chiffre cache une grande disparité. Ainsi, si l’on enlève la Russie, dont la baisse des coûts provient notamment de la dépréciation du rouble, la réduction au niveau mondial n’est plus que de 4 %. Mais surtout, si l’on se concentre sur la production américaine « onshore », on constate que les coûts opérationnels sont, dans l’ensemble restés stables !
Variation des coûts de production entre 2014 et 2015 (par baril équivalent pétrole)
La réalité de la baisse des coûts dans le secteur des shale oil est indiscutable et a pu être obtenue grâce à la renégociation des contrats de service dès 2014. Mais cette baisse n’est sans doute pas à la hauteur de ce qu’essayent de nous faire croire les producteurs de schiste. Le problème est que si, comme l’indique le directeur de Schlumberger, l’essentiel de ces gains vient de la renégociation des contrats de services. Cela implique également qu’en cas de reprise de l’activité, le coût des services remontera rapidement. Peut-être même plus rapidement qu’il n’a baissé. En effet, au problème de retrouver de la main d’œuvre qualifiée malgré un taux de chômage faible outre-Atlantique, vient s’ajouter le fait que l’industrie pétrolière aborde un « tournant démographique ». La crise pétrolière qui a touché l’industrie dans les années 80 a éloigné toute une génération de ce secteur, laissant aujourd’hui un manque de main d’œuvre âgée de 30 à 50 ans, alors que les compagnies voient les « baby boomers » préparer leur départ en retraite.
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