Quelques jours après le raid américain en territoire pakistanais visant Oussama Ben Laden, le général Kayani a annoncé la réduction de la présence militaire américaine dans le pays.
Le général Ashfaq Parvez Kayani contre-attaque. Mettant un terme à 72 heures d’un silence lourd de colère et d’embarras, le chef des armées pakistanaises a dit jeudi soir tout le mal qu’il pensait de l’opération "Geronimo" menée par les États-Unis en territoire pakistanais. Il a aussi annoncé des rétorsions : la présence militaire américaine au Pakistan sera réduite, a-t-il tempêté et si Washington s’avise une nouvelle fois de lancer des raids du type de celui qui a tué Ben Laden, la coopération américano-pakistanaise en souffrira, a-t-il menacé. Enfin, il a ordonné une enquête sur les "ratés" des services secrets de l’ISI, stigmatisés pour n’avoir pas "localisé" le chef d’al-Qaida alors qu’il coulait des jours tranquilles dans la ville-garnison d’Abbottabad.
Pour la plupart des Pakistanais, le plus choquant n’est pas que le numéro un du terrorisme international ait pu trouver refuge des années durant à deux heures de voiture d’Islamabad. Ce qui les traumatise, c’est l’apparente facilité avec laquelle les hélicoptères américains ont réussi à pénétrer au Pakistan sans que leur sacro-sainte armée s’en aperçoive.
Les critiques pleuvent. "Les Américains sont venus, descendant en piqué au cœur du compound, après avoir franchi les montagnes. Et après avoir terminé leur opération, ils se sont envolés de nouveau dans la nuit sans lune sans que nos formidables gardiens de la sécurité nationale ne s’aperçoivent de quoi que ce soit", lance l’analyste politique Ayaz Amir, dans une tribune intitulée "la mère de tous les embarras", publiée par The News. Il s’interroge au passage sur la sécurité de la "fameuse capacité nucléaire pakistanaise".
Pour ce qui est de la réduction des personnels militaires américains au Pakistan, Kayani en avait déjà exprimé le souhait près de trois semaines avant l’épisode Ben Laden. Les relations entre Islamabad et Washington étaient déjà très tendues. Cette réduction vise notamment des officiers déployés par Washington dans la province de Khyber-Pakhtunkhwa, frontalière de l’Afghanistan, pour former des paramilitaires pakistanais. Le chef des armées envisagerait aussi de réduire de 25 à 40% les effectifs des forces spéciales américaines au Pakistan.
Si l’élimination du chef d’al-Qaida était une priorité pour les États-Unis, le travail est loin d’être terminé au Pakistan. Les Américains continuent d’exiger de l’armée pakistanaise qu’elle démantèle les bastions des militants islamistes sur son territoire. Dans la Zone tribale du Nord-Waziristan, où se cache le réseau Haqqani. Ou encore à Quetta, au Baloutchistan, où campe le mollah Omar, chef spirituel des talibans afghans, entouré de sa choura (conseil). À maintes reprises, des responsables américains ont laissé entendre que si les militaires pakistanais ne se décidaient pas, ils pourraient faire le travail eux-mêmes. Vendredi, pour la première fois depuis l’opération « Geronimo », des drones de la CIA ont tué 15 personnes au Nord-Waziristan.