À une semaine du procès du fils Daniel Legrand [photo] devant la cour d’assises des mineurs à Rennes pour des viols présumés, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) à Strasbourg étudie une requête de partie civile visant à faire condamner la France pour « procès inéquitable » lors des assises en appel à Paris en 2005 sur les viols de mineurs commis à Outreau, selon des sources proches du dossier.
À l’issue des procès de Saint-Omer en 2004 et de Paris l’année suivante, 4 adultes accusés avaient été condamnés à la prison, et 13 autres – dont le fils Daniel Legrand – avaient été acquittés, au terme d’audiences iniques pour les 18 enfants violés, insultés par les avocats de la défense et confinés dans le box des accusés à leur place (cf. mon livre Retour à Outreau. Contre-enquête sur une manipulation pédocriminelle, éditions Kontre Kulture, 2013). Douze des enfants avaient été reconnus comme victimes de viols et indemnisés, à hauteur de 25 000 euros chacun en moyenne, contre 300 000 euros pour chacun des acquittés.
Les assises de Rennes vont juger du 18 mai au 5 juin le fils Legrand, âgé de 34 ans aujourd’hui, pour les viols présumés commis avant 1999 sur les quatre enfants du coupe Myriam Badaoui et Thierry Delay (deux des quatre condamnés), lorsqu’il était lui-même mineur, soit quinze ans après les faits.
La requête écrite de partie civile – qui a requis l’anonymat – a été admise pour étude par la Cour européenne des droits de l’homme, qui peut rendre ses conclusions à tout moment. Si la recevabilité de la plainte est reconnue, une instruction est ouverte, dans les conditions du contradictoire, avant qu’un arrêt ne soit pris par la Cour, en faveur ou non du plaignant.
Selon la requête déposée à Strasbourg, en vertu de l’article 6 de la CEDH :
« Le procès de la Cour d’assises de Paris a été totalement inéquitable. Le Procureur général, Yves Bot, et son adjoint, Yves Jannier, lequel avait faire taire les parties civiles durant le procès, ont organisé dans la salle des Assises, la veille de la dernière audience, une conférence de presse publique qui a été très largement relayée dans les médias nationaux. Ils ont présenté leurs excuses aux accusés avant que le jury de la Cour d’assises ne délibère le lendemain.
Les jurés de la Cour d’assises, qui pour la plupart ne sont pas des professionnels mais de simples citoyens, ont été directement influencés dans leur délibéré par cette intervention, très préparée, qui a été faite par deux très hauts magistrats qui se sont présentés à la conférence de presse.
Les jurés ont nécessairement eu connaissance de cette conférence de presse puisqu’ils ont regagné leurs domiciles avant le délibéré et avaient accès aux médias. C’était d’ailleurs l’objectif de ces deux magistrats : de faire pression sur la Cour d’assises afin d’obtenir avec certitude une décision d’acquittement général. Ceci a été rendu possible parce que le parquet général, en France, est dépendant du pouvoir politique. En effet, le Procureur général de Paris dépend du Directeur des affaires criminelles et des grâces qui lui-même prend ses instructions directement auprès du Ministre de la justice française.
Pression a été faite sur les jurés dans cette affaire pour faire acquitter des accusés au détriment de nos intérêts à nous, les victimes. »
Cette même requête a invoqué également un délai de procédure déraisonnable dans le dossier du fils Legrand lorsqu’il était mineur, et jugé seulement en 2015.
« (…) La Cour d’assises des mineurs ne s’est jamais réunie à ce jour. Une audience de première instance est prévue en mai 2015, soit plus de 14 ans après que la justice française eut été informée des faits de viols et plus de 12 ans depuis la clôture du dossier d’instruction. Pendant ces 12 années, que rien ne justifie, il ne s’est strictement rien passé d’un point de vue judiciaire. La seule explication à ce délai, insupportable pour les victimes, c’est que le pouvoir politique a entendu étouffer l’affaire en attendant la prescription du dossier (10 ans) afin que Daniel Legrand fils ne soit jamais jugé. Un avocat de la défense a expliqué publiquement qu’un accord secret sur le dos des victimes, qui étaient toutes à l’époque mineures, a été fait à la demande du ministre de la Justice, par l’intermédiaire du procureur général, pour que cette partie de dossier ne soit jamais audiencée.
Ce n’est qu’après une vive protestation de quelques victimes devenues majeures, auprès d’un nouveau ministre de la Justice, que ce dossier a été enfin pris en compte. Il semble que ce délai ait également été utilisé pour détruire des preuves. Les cassettes d’audition aux Assises des enfants victimes ont disparu.
Ce délai, parfaitement injustifié, a été intolérable pour les victimes qui, pour certains, ont multiplié les tentatives de suicide, et éprouvent aujourd’hui une profonde défiance envers la justice française. »