Célia, Samuel, Nicole et Patrick sont tous précaires du secteur public. Ils racontent l’injustice, le salaire de misère, l’angoisse du lendemain et leur travail… indispensable. Faire un travail utile mais être pour cela beaucoup moins bien payé que ses collègues et surtout avoir pour épée de Damoclès la fin inexorable de son contrat est la plupart du temps très mal vécu par les intéressés. Surtout à l’issue de nombreuses années de précarité.
Ce n’est pas vraiment le cas de Célia, secrétaire médicale dans un établissement hospitalier du Var, spécialisée en gériatrie de court et moyen séjour. Elle aime son travail et en parle volontiers : « Je m’occupe de l’accueil des familles, je tiens le standard, je gère les dossiers, je tape les courriers et je prends les rendez-vous pour les docteurs. Le travail est vraiment bien car je m’entends avec tout le monde. » C’est grâce à sa mère, qui travaille à l’hôpital Font-Pré de Toulon, que Célia a eu vent de l’opportunité d’embauche, un contrat d’accompagnement dans l’emploi à 20 heures hebdomadaires : « Je suivais une formation et j’ai su qu’ils cherchaient quelqu’un en urgence », raconte la jeune Varoise qui a interrompu ses études pour saisir l’aubaine. En août dernier, son contrat a été renouvelé, cette fois un contrat unique d’insertion pour 26 heures par semaine qui prendra fin en février mais qu’elle espère voir une nouvelle fois reconduit. « J’y crois. Ce que j’aimerais évidemment, c’est avoir un temps plein. Je suis jeune mais quand j’avais un appartement, ça me causait beaucoup trop de problèmes. Avec 600 euros par mois, c’était un peu juste. » En effet et c’est même un des problèmes des précaires : le logement.
Samuel est moins serein. Bardé de diplômes (Bac +5) il a dû se résoudre à devenir assistant pédagogique dans l’enseignement secondaire avec un contrat de un an, renouvelable six fois… à mi temps. « Je suis susceptible de donner des cours de soutien, d’aider les profs mais je n’ai eu aucune formation, alors j’improvise. » Pour ce travail, il gagne 560 euros par mois. « J’ai de la chance, ma mère est fonctionnaire », confie-t-il, mais à 28 ans, ce n’est pas vraiment une chance que d’être aidé par sa mère. Il en est bien conscient. Et celui à qui l’on dit toujours, quand il recherche un emploi ou une formation, qu’il est trop diplômé, vit très mal cette précarité dans laquelle il voudrait surtout ne pas s’installer. Ce qui est difficile car l’Education nationale n’accepte de libérer ses précaires ni pour un stage lors d’une formation, ni pour un mois d’essai dans une entreprise. Nicole, plus âgée, est marquée par sa longue période de précarité. En 2006, cette titulaire d’une maîtrise et d’une licence, a été embauchée en contrat d’avenir dans le premier degré. N’étant ni handicapée, ni cinquantenaire, elle n’a pas pu bénéficier d’une rallonge de contrat et en juin 2009, elle a pris la porte vers le Pôle emploi. « Avec sept jours de carence », note-t-elle avec colère. Sans un merci, sans une reconnaissance pour ses séances d’apprentissage du français à des enfants étrangers, ses animations pédagogiques, ses cours d’anglais… ses 26 heures par semaine pour 807 euros par mois. « Aujourd’hui au chômage, je touche 607 euros par mois, bientôt 400. Est-ce qu’on se demande comment on mange ? » La retraite elle n’y pense même pas. « On sera mort de faim avant ». C’est pourquoi elle a créé avec ses collègues un Collectif des précaires de l’éducation nationale qui demande « la titularisation de tous les précaires sans condition de concours ou de nationalité. Trois ans de travail, ça vaut bien un concours », dit celle qui dénonce « les postes qu’on occupe sont souvent très vagues sur le papier. Nos postes n’existent pas, seulement on a vingt gamins devant nous. »
Cette injustice, Patrick la connaît, lui qui répartit chaque jour en moyenne 110 colis à La Poste de Marseille, depuis son embauche en CDD il y a deux ans et demi. Avec 35 heures hebdomadaires et tout en travaillant six jours sur sept sans aucun repos, il n’a pas droit aux journées de récupération que génère la RTT, comme ses collègues fonctionnaires ou titulaires d’un CDI. Il a moins de temps également pour réaliser sa tournée puisque sa vacation quotidienne est de 5h50, chaque matin, alors que les agents ont 7 heures. « Je dépasse quotidiennement les horaires en faisant 1h30 à 2 heures de plus, mais c’est rarement payé ». Entre deux contrats à durée déterminée s’applique la règle du tiers temps. « C’est-à-dire que je m’arrête de travailler pendant un mois et ne touche des Assedic qu’un demi salaire alors que je gagne, en temps normal, à peine 1 100 euros mensuellement ». A cela s’ajoute le fait qu’en fin de contrat les indemnités englobant les congés payés, les heures supplémentaires et la précarité ne lui sont pas versées régulièrement. « Je me retrouve dans la m... pécuniaire car je ne sais jamais quand ça va tomber ni le montant ». Sans compter les pressions sur celui qui travaille dans l’incertitude du lendemain. « On me demande tout et n’importe quoi comme de rester les après-midi ou de faire de la manutention. On te fait sentir qu’en cas de refus, on met fin à ton CDD ».