Le samedi 31 décembre 2011, Barack Obama a promulgué la tristement célèbre National Defense Authorization Act (NDAA) conférant au Président des Etats-Unis des prérogatives anticonstitutionnelles similaires aux pleins pouvoirs donnés à Hitler en 1933. La NDAA contient des articles permettant la détention militaire sans limite et sans procédure judiciaire de toute personne, y compris de citoyens américains, suspectée d’être en relation de près ou de loin avec des groupes terroristes ou toute organisation leur étant liée. Dénoncée par de nombreux hauts gradés de l’armée américaine et par l’Union américaine pour les libertés civiques, cette loi va encore plus loin que les lois Patriot de l’ère Cheney-Bush et confère de véritables pouvoirs dictatoriaux à un Président qui avait promis d’effacer les abus de ses prédécesseurs.
En même temps qu’il a promulgué cette loi, Obama l’a accompagné d’une déclaration présidentielle (« signing statement ») émettant de « sérieuses réserves sur certaines provisions réglementant la détention, l’interrogation et le jugement de terroristes présumés ». Se référant à la section 1021 de la NDAA, Obama affirme que « cette loi ne doit pas être interprétée comme affectant les lois ou les autorités existantes sur la détention de citoyens des Etats-Unis, de résidents étrangers légaux ou de toute personne arrêtée aux Etats-Unis ». Non seulement c’est ce qu’autorise expressément la NDAA, mais c’est l’administration Obama qui est intervenue pour s’assurer que ce soit bien le cas, alors qu’un groupe de législateurs mené par le sénateur démocrate Carl Levin, président de la Commission des services armés, avait fait supprimer ces passages.
Le texte de la NDAA a désormais force de loi et la déclaration présidentielle n’y change rien, à moins de vouloir croire à cette promesse de ne pas y recourir. Mais alors pourquoi l’avoir fait adopter puis promulguer ? Souvenons-nous que quand Adolf Hitler avait promulgué sa propre Loi de protection du peuple et du Reich le 24 mars 1933, il avait promis au Zentrum, le parti catholique allemand dissout en juillet, de ne pas s’en servir contre ses opposants.
De surcroît, Obama écrit dans sa déclaration que « certains au Congrès continuent d’insister sur la restriction des options disponibles pour nos spécialistes de l’antiterrorisme et de vouloir interférer avec les opérations mêmes qui ont assuré notre sureté ». Donc, au nom de « la sécurité et de la liberté du peuple américain », le Président décrète, dans la plus pure tradition de Carl Schmitt et de la doctrine d’exécutif unitaire, que son gouvernement ignorera certaines dispositions de la loi, celles qui justement doivent assurer un minimum de sauvegardes.
En voici quelques exemples :
- La section 1024 a été insérée par le Congrès pour spécifier que le secrétaire à la Défense, dans les 90 jours de l’entrée en vigueur de la NDAA, soumettra un rapport établissant les procédures « déterminant le statut des personnes détenues en application de la Authorization for Use of Military Force » en vigueur (la loi de 2001 promulguée par Bush). Lors du débat au Sénat, le sénateur républicain Lindsey Graham avait déclaré : « Je veux pouvoir dire à tous ceux qui sont concernés, qu’aucune personne détenue dans une prison américaine, qu’elle soit civile ou militaire, comme membre présumé d’Al Qaida, ne le sera sans examen judiciaire. Nous ne permettons pas à la branche exécutive de prendre cette décision sans contrôle. » Dans sa déclaration qui a force de décret-loi, Obama dit « accorder au secrétaire à la Défense toute discrétion pour déterminer quelles décisions de statut des prisonniers d’Afghanistan sont sujettes aux conditions de cette section de la loi » ; l’exécutif crée ainsi une exception affaiblissant le contre-pouvoir.
- La section 1028 de la NDAA limite la capacité à « transférer des détenus vers un pays étranger », une pratique mise en place par l’administration Cheney-Bush afin de délocaliser la torture vers des prisons secrètes en Egypte, en Libye, en Syrie et en Pologne. Pour Obama, cette limitation « entrave la capacité de l’exécutif à mener ses activités militaires, de sécurité nationale et de relations étrangères », ainsi que sa « capacité à agir promptement dans la conduite des négociations avec des pays étrangers ». Obama déclare donc que son gouvernement ne sera pas tenu de respecter la section 1028.
- La section 1029 de la NDAA requiert que « le Procureur des Etats-Unis consulte le directeur du renseignement national et le secrétaire à la Défense avant de déposer des charges criminelles ou de mettre en accusation certains individus ». Dans son décret-loi, Obama écrit que cela diminuerait « l’intégrité et l’indépendance du ministère de la Justice » et qu’en conséquence, son gouvernement ne s’y soumettra pas.
Il est on ne peut plus clair, pour ceux qui n’ont pas voulu voir la réalité en face jusqu’ici, que le syndrome narcissique aigu de Barack Obama en fait un dictateur en puissance. Alors qu’il avait attaqué tous les errements légaux de l’administration Bush-Cheney et qu’il s’était engagé lors de sa campagne électorale à les réparer, il est désormais plus fasciste que les fascistes, déterminé à utiliser le pouvoir de la Maison Blanche et de l’armée des Etats-Unis pour assouvir ses illusions de puissance et compenser ses frustrations intérieures par des conflits militaires à l’extérieur. Tel est le rôle qu’il joue pour le compte de l’empire financier de la City et Wall Street, pour qui la guerre est désormais le seul moyen d’éviter la faillite.