La facilité avec laquelle la force d’intervention militaire française a chassé les groupes armés jihadistes des localités qu’ils contrôlaient au Nord-Mali, a suscité l’euphorie à Paris au point que l’Élysée en était arrivé à prétendre que l’opération « Serval » ayant atteint l’objectif pour lequel elle a été montée, ce qui reste à terminer au Nord-Mali peut l’être par l’armée malienne et les contingents militaires que les États de la CEDEAO ont déjà dépêchés au Mali ou en voie de le faire.
Optimiste, François Hollande avait même fixé le délai au désengagement des soldats français sur le terrain au profit des forces africaines déployées au Nord-Mali. Au plus tard début mars avait-il affirmé dans l’euphorie de la « débandade » des groupes jihadistes qu’il pensait avoir été rendus incapables d’opérer leur retour dans les zones d’où ils ont été chassés.
Ce qui se passe au Nord-Mali depuis une semaine démontre que le scénario envisagé par l’Élysée est loin d’être réalisable et que c’est celui redouté de « l’ensablement » de la France au Nord-Mali qui est en train de s’imposer. Les jihadistes que l’on pensait réduits à se terrer dans le plateau des Iforas et dans l’impossibilité d’opérer leur retour dans les zones d’où ils ont été chassés ont lancé des raids dans celles-ci, qui ont démontré qu’ils ont toujours leur capacité de nuisance et que sans l’intervention des militaires français, l’armée malienne, qui a réoccupé les localités du nord du pays, est incapable de défendre celles-ci contre eux. Dans ces conditions, le désengagement rapide de la force d’intervention française envisagé par Hollande et les stratèges militaires de l’hexagone tournerait à l’échec de l’opération Serval.
Non seulement la France est désormais contrainte de renoncer à son scénario optimiste, mais obligée d’admettre qu’elle s’est fourvoyée dans une opération militaire dont le bout n’est pas près d’être atteint. Il est passé le temps des « cocoricos » triomphalistes lancés en France et de l’unanimisme favorable dont ont bénéficié Hollande et son gouvernement quand ils ont ordonné l’opération Serval. L’on reconnaît désormais en France que le pays s’est piégé en lançant seul celle-ci. Pire, l’on s’interroge si la France a « bien fait » d’engager une guerre en train de prendre une tournure à laquelle l’armée française est manifestement incapable de faire face si elle ne reçoit pas les renforts d’États alliés.
C’est que les jihadistes qui sévissent au Sahel font preuve qu’ils obéissent à une stratégie de combat qui contraint la force d’intervention française à disperser sa puissance de feu, mais aussi à monter des opérations de diversion qui obligent Paris à ne plus penser à quitter la région. L’enlèvement de 7 ressortissants français au Cameroun en est l’une d’elles, même si les autorités françaises se refusent à faire un lien entre lui et l’opération Serval menée au Nord-Mali.
Ils n’ont pas tort, les experts et observateurs militaro-médiatiques qui estiment que la guerre dans laquelle la France s’est engagée au Nord-Mali commence en fait maintenant, et que les groupes armés jihadistes qui la mènent contre elle ont surmonté le « désarroi » qui a été le leur devant la puissance de feu qu’ils ont subie en voulant opposer une défense statique à l’offensive de la force d’intervention française. L’opération Serval, qui s’annonçait un triomphe pour le président français en mal avec les sondages de popularité, risque par la tournure qu’elle prend de l’enfoncer encore plus bas dans ceux-ci.
Kharroubi Habib
Source : Le Quotidien d’Oran, 23 février 2013