En Espagne comme en France, la question de l’avortement est revenue dans le débat public.
En France, la loi Veil de 1975 a été renforcée et l’expression « femme enceinte que son état place en situation de détresse » a été remplacé par « le droit des femmes à choisir ou non de poursuivre une grossesse ». Inversement, en Espagne, le gouvernement de Mariano Rajoy revient sur ce « droit » voté sous le gouvernement socialiste de José Luis Rodríguez Zapatero en 2010, le limitant aux cas de viol ou de danger pour la santé physique de la mère. Heureusement pour nos libertés, une (un ?) « Intellectuelle » vigilante veille au grain : Beatriz Preciado.
Directrice du Programme d’études indépendantes au Musée d’art contemporain de Barcelone, Béatriz sévit aussi en France puisqu’elle « enseigne » à Paris VIII. Mais la compagne de Virginie Despentes est surtout une militante homosexuelle, queer et transgenre. Accessoirement, elle s’injecte de la testostérone et porte une moustache à la Zorro. Dans une tribune parue dans Libération du 17 janvier, Béatriz nous éclaire de ses lumières. Morceaux choisis :
« Les politiques de l’utérus sont, comme la censure et la restriction de la liberté de manifester, de bons détecteurs des dérives nationalistes et totalitaires. Dans un contexte de crise économique et politique de l’État espagnol, confronté à la réorganisation du territoire et de son “anatomie” nationale (pensons au processus de sécession de la Catalogne, mais aussi au discrédit croissant de la monarchie et à la corruption des élites dirigeantes), le gouvernement cherche à récupérer l’utérus comme lieu biopolitique dans lequel fabriquer à nouveau la souveraineté nationale. Il imagine qu’en le possédant il parviendra à figer les vieilles frontières de l’État-nation en décomposition. »
« Corps né avec utérus, je ferme les jambes devant le national catholicisme. Je dis à Rajoy et Varela qu’ils ne mettront pas un pied dans mon utérus : je n’ai jamais enfanté, ni n’enfanterai jamais au service de la politique espagnoliste. Depuis cette modeste tribune, j’invite tous les corps à faire la grève de l’utérus. Affirmons-nous en tant que citoyens entiers et non plus comme utérus reproductifs. Par l’abstinence et par l’homosexualité, mais aussi par la masturbation, la sodomie, le fétichisme, la coprophagie, la zoophilie… et l’avortement. Ne laissons pas pénétrer dans nos vagins une seule goutte de sperme national catholique. N’enfantons pas pour le compte du PP, ni pour les paroisses de la Conférence épiscopale. Faisons cette grève comme nous ferions le plus “matriotique” des gestes : une façon de déconstruire la nation et d’agir pour la réinvention d’une communauté de vie post-État nationale où l’expropriation des utérus ne sera plus envisageable. »
Voir aussi, sur E&R : « Sexualité des enfants : où s’arrêtera Libération ? (Extraits d’une tribune de Beatriz Preciado, "philosophe") »