Jean Parvuleco est né en Roumanie (Valachie) en 1929 et vient de mourir à Paris le soir du dimanche 21 novembre 2010. De la Nouvelle Vague à la littérature, sa vie très singulière a représenté une trajectoire personnelle à la fois solitaire et engagée collectivement.
Avant l’âge de 20 ans, vers 1948, il décide de fuir le régime communiste et traverse le Danube à la nage. Il est emprisonné dans des camps politiques de travaux forcés en Yougoslavie et parvient à rejoindre finalement Paris, en 1950, qu’il ne quittera presque plus. Il suit les séminaires de Jean Wahl à la Sorbonne puis fréquente les milieux les plus divers, dans une pauvreté contre laquelle il se débattu toute son existence.
Débute alors ce destin étrange et riche, où se mêleront l’écriture et l’action, et de nombreuses rencontres avec des cinéastes, des écrivains, des activistes, et des personnalités de zones différentes de l’échiquier politique. Proche de certains milieux de la Nouvelle Droite, il fut également lié à certains gaullistes, mais aussi à l’OAS, chiraquien atypique, apologiste du traditionalisme de René Guénon, influença le politologue russe Alexandre Douguine... Personnalité indépendante, il fut ami avec Raymond Abellio, Aurora Cornu, avec Louis Pauwels, discuta avec Martin Heidegger, Ezra Pound, Julius Evola... et connut Ava Gardner, Carole Bouquet et bien d’autres. Journaliste, il commence à écrire dans les années 60 et jusqu’à sa mort en passant de Combat à Pariscope, de Nouvelle Ecole à l’Athenaeum, de Rébellion à la Place royale ou Matulu : la tendance politique, l’objet ou la diffusion d’un média ne le préoccupait jamais. Pour lui, seul comptait ce qu’il appelait la littérature, l’acte de dire par le texte, véritable "expérience de la clandestinité".
Il mena cette expérience jusqu’à des retranchements personnels toujours mystérieux, où l’écrivain ne se distinguait plus vraiment du personnage, et le personnage de l’homme lui-même. Ce caractère unique, cet esprit qui semblait au-delà de toutes les difficultés du quotidien, à la vitalité exceptionnelle, à la culture secrète et souvent magnifique, lui valut d’être remarqué et apprécié par Eric Rohmer, Jean-Luc Godard ou Barbet Schroeder. Dans A bout de souffle, Jean-Luc Godard fait interpréter par Jean-Pierre Melville le rôle de Parvulesco, qui aura cette réplique restée célèbre à une question sur son "ambition dans la vie" : "Devenir immortel... et puis mourir". Dans L’Arbre, le maire et la médiathèque d’Eric Rohmer, il joue le rôle de « Jean Walter », proche de celui qu’il était en vrai, au côté d’Arielle Dombasle et de François-Marie Banier.
Au-delà de cette présence au cinéma, l’œuvre qui restera est son œuvre littéraire. Il commence à écrire des livres vers 50 ans, avec notamment le Traité de la chasse au faucon (L’Herne, 1978), recueil de poèmes remarqué, et un premier roman, La servante portugaise (L’Age d’Homme, 1987), publié récemment en Russie. Une trentaine de romans et une dizaine d’essais composent son œuvre. Deux éditeurs jouèrent un rôle primordial dans la publication de celle-ci : Guy Trédaniel et Vladimir Dimitrijevic. Sa façon d’écrire, rejetée ou adulée, intéressa fortement des personnalités comme Guy Dupré, pour qui elle constitue "l’entrée du tantrisme en littérature", Dominique de Roux, Michel Mourlet, Michel Marmin, Jean-Pierre Deloux ou Olivier Germain-Thomas (qui lui consacra une émission "Océaniques" sur FR3 en 1988).
Le 8 juin 2010, il est invité sur le plateau de l’émission "Ce soir (ou jamais !)" par Frédéric Taddéï sur France 3. Auprès de Dominique de Villepin, de Marek Halter ou Philippe Corcuff, il restera étonnamment silencieux. Son dernier livre, Un retour en Colchide, vient de paraître chez Guy Trédaniel. Il y notait, à sa façon, que « ce n’est pas nous qui décidons de l’heure. Moi, par exemple, je fais tout ce que je peux faire, mais je ne sais pas s’il ne faudra pas que je sois obligé d’abdiquer. D’ailleurs, j’ai l’impression que le moment de la fin arrive ».
Jean Parvulesco
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