Dimanche, à 16:17 GMT, j’ai lancé mon soulier contre l’écran de télévision en visant le président US Barak Obama quand il a commencé à expliquer que dans son discours de jeudi au département d’État, c’était à l’interprétation israélienne des frontières de 1967 qu’il s’était référé en parlant de frontières.
Ce n’est pas que son discours m’avait enthousiasmé, mais au moins il était aussi dénué de sens que les précédents sur la question. Toutefois, à 4:17 il a dit que l’on "ne reviendra pas aux frontières du 4 juin 1967" , à quoi les milliers de personnes qui assistaient à l’assemblée de l’AIPAC l’ont éperdument acclamé.
L’annexion des blocs de colonies israéliennes construites illégalement sur les terres occupées de Cisjordanie, et la création d’un petit bantoustan palestinien dans les espaces intercalaires, correspondait essentiellement à la manière dont Obama envisageait vraiment la paix.
Mon soulier était souple et il s’est contenté de rebondir de l’écran. Comme il s’agissait d’une arme inoffensive, elle visait aussi mes amis palestiniens qui depuis vendredi expliquaient publiquement combien le discours prononcé par Obama au Département d’État était unique et important.
C’est déjà assez dur de savoir qu’à la Maison-Blanche siège quelqu’un qui a trahi non seulement les Palestiniens, mais tous les peuples opprimés de la planète et des USA dont il avait épousé la cause et qu’il avait promis de représenter.
J’ai toutefois rallumé le poste et je me suis tourné vers la Puerta del Sol à Madrid où des milliers de jeunes reformulaient le puissant message sorti de la place Tahrir au Caire, message qu’on a également entendu sur les frontières de la Palestine le jour de la Nakba, ainsi qu’à Trafalgar Square, lors des dernières manifestations d’étudiants.
C’était un défi lancé contre de tels discours politiques et leurs effets empoisonnés. Oui, ils ont dit à Madrid, tout comme ils l’ont fait aux frontières palestiniennes, que nos vies sont règlementées et touchées par des politiciens occidentaux arrogants, cyniques et indifférents dont l’immense pouvoir permet de maintenir l’injustice dans le monde pendant les années à venir ; toutefois, nous en avons assez et nous résisterons.
Partout où cette élite politique et économique occidentale nous affecte, nous avons deux options : soit fatalistes, nous acceptons que nous n’avons d’autre choix que de battre en retraite dans de petits paradis personnels pour essayer de les ignorer autant que possible et nous sustenter sans eux dans les limites existantes. Ou, si nous n’avons ni ce tempérament ni ce luxe, nous pouvons nous joindre à tous ceux qui refusent de succomber pour dire à cette élite que son programme et son monde ne lui appartiennent pas.
Dans certains lieux, les autorités tirent sur les manifestants porteurs d’un tel message ; dans d’autres, elles l’ ignorent. Il est prématuré de savoir si ces protestataires échoueront ou réussiront, mais il est évident que jusqu’ici ils font tache d’huile. Ils contestent les diktats politiques hégémoniques des gouvernements et perdent patience, voire s’indignent, des jeux manipulateurs des entreprises et des stratagèmes macro-économiques.
Les habitants de la Cisjordanie occupée et de la bande de Gaza sont victimes de ces politiques et de cette économie travesties en processus de paix. Toutefois, en Palestine, les politiciens locaux ont récemment fini par entendre la demande populaire d’unité et de fermeté après l’avoir ignorée pendant des années.
Il s’ensuit que le soutien fourni à l’effort vers une nouvelle phase de la résistance populaire contre l’occupation israélienne, galvanise le mouvement mondial de solidarité avec la Palestine et dégage la même énergie que celle qu’a générée auparavant le mouvement Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS).
Comme l’initiative sera reprise par des gens ordinaires dans le monde arabe et en Europe, nous devrions pouvoir éviter le piège de la paralysie et de l’inaction face à un tel cynisme. Il reste donc encore beaucoup à faire, au mépris total du discours hégémonique et de l’inaction des élites politiques occidentales à l’égard de la Palestine. Nombreuses sont les réalisations de la résistance contre la destruction par Israël de la terre et de son peuple.
Nous pouvons continuer à boycotter les marchandises israéliennes et les représentations culturelles en France, en dépit de la nouvelle loi contre ce type d’action. Si les Palestiniens d’Israël peuvent défier les lois israéliennes contre la commémoration de la Nakba, il nous faut également ignorer des lois et des règlements européens insidieux.
Il est possible d’entraver tout rapport universitaire institutionnel entre les universités britanniques et Israël en dépit de l’embarras causé au Foreign Office et à la position officielle des universités à la matière. Et enfin, nous pouvons continuer à diffuser, par le biais des médias alternatifs, le tableau véridique et plus complet de la situation en dépit de la manière honteuse dont les médias US et européens « libéraux » décrivent la réalité sur le terrain.
Le monde d’après les deux discours d’Obama est un endroit bizarre. L’écart entre Obama, Berlusconi, Nétanyahou, Cameron, Merkel et leurs semblables s’est estompé. Pendant un instant, il y avait le danger de voir certains dirigeants palestiniens s’associer à ce groupe indigne de dirigeants occidentaux. Mais il semblerait que ce danger se soit dissipé.
Tout comme dans le cas d’Israël, il est douteux que le changement puisse s’opérer depuis l’intérieur des systèmes politiques occidentaux et y consacrer trop d’énergie peut se révéler inutile. Toutefois, toutes les entités extérieures à ces systèmes - églises, mosquées, synagogues progressistes, ashrams dotés d’une vue mondiale, centres communautaires, réseaux sociaux et organisations non gouvernementales - montrent qu’il existe une alternative.
La lutte infatigable contre le nettoyage ethnique de la Palestine se poursuivra à l’extérieur des corridors occidentaux du pouvoir. Ce que nous ont appris l’Égypte et la Tunisie, bien que nous ne soyons pas certains du résultat final, est que la lutte à l’extérieur des corridors du pouvoir n’attend pas que ce soient des dirigeants, des organisations et des personnes bien huilées qui parlent au nom des gens.
Si vous faites partie de cette lutte, manifestez-vous aujourd’hui et faites ce que vous pouvez en dépit de l’Obamafication regrettable de notre monde.