Des affrontements ont eu lieu mardi dans un bidonville de Casablanca, au Maroc, entre les forces de l’ordre et des habitants s’opposant à la démolition de baraques dans le cadre d’un vaste programme de relogement, ont affirmé mercredi une ONG et des témoins.
Une cinquantaine de personnes ont été interpellées et 19 se trouvaient toujours en garde à vue mercredi soir, selon un responsable local de l’Association marocaine des droits humains (AMDH, indépendante), Nourredine Ryadi. Les violences ont également fait un nombre indéterminé de blessés, dont quatre policiers, d’après le quotidien As-Sabah.
Ces chiffres n’ont pu être confirmés auprès des autorités marocaines.
Interrogés, des habitants de Carrières centrales, où se sont produits les heurts, ont expliqué à l’AFP que des bulldozers et un grand nombre de policiers étaient intervenus mardi très tôt, procédant à la démolition de 42 baraques au total, en application d’une décision de justice.
"Ils sont entrés dans les maisons et nous ont demandé d’évacuer. Certains ont refusé et ont été sortis de force", a dit l’un d’eux sous couvert d’anonymat. "Des jeunes ont riposté par des jets de pierres. Des personnes ont été blessées, d’autres arrêtées", a-t-il ajouté.
"Les bulldozers ont détruit notre maison et nos vies. Les policiers ont emmené mes trois fils !", s’est exclamée, en pleurs, une femme d’une cinquantaine d’années.
Selon le photographe de l’AFP, des habitants fouillaient encore les ruines mercredi après-midi, manifestement à la recherche d’effets personnels.
"Ils n’ont pas fini, ils reviendront pour enlever les autres baraques. Que pouvons-nous faire ?" a commenté un homme d’une trentaine d’années, également sous couvert d’anonymat.
Villes sans bidonville
Le Maroc a entrepris depuis une dizaine d’années un programme intitulé villes sans bidonville, qui prévoit le relogement de près de deux millions de personnes au total, sur l’ensemble du territoire.
A Casablanca, capitale économique de cinq millions d’habitants, plus de 100 000 ménages sont concernés et en début d’année le taux de réalisation dépassait les 50%, un niveau toutefois inférieur à la moyenne nationale en raison notamment de contentieux avec certains habitants sur les modalités de leur relogement.
Carrières centrales, un bidonville de plusieurs dizaines de milliers d’âmes, figure parmi les foyers de contestation. Malgré les démolitions, plusieurs habitants ont confirmé mercredi à l’AFP qu’ils n’avaient pas l’intention de quitter les lieux.
"Les gens vont encore passer la nuit dehors. L’un des problèmes est que les relogements se fondent sur d’anciennes statistiques qui ne tiennent pas compte du fait que certains enfants sont devenus adultes et ont fondé leur propre famille", a déclaré le responsable de l’AMDH.
Les autorités locales ont récemment fait part de leur volontés d’éradiquer l’ensemble des bidonvilles de l’agglomération d’ici 2017.
Au Maroc, cette question s’est retrouvée au coeur des débats en 2003, après la vague d’attentats perpétrés par 12 kamikazes à Casablanca, qui ont fait 33 morts. Leurs auteurs étaient tous originaires de Sidi Moumen, un bidonville de plusieurs centaines de milliers d’habitants, en périphérie de la capitale économique.
Engagé l’année suivante, le programme villes sans bidonville représente un coût global de plus de deux milliards d’euros.