Pays de transit vers l’Europe, le Maroc est progressivement devenu un pays d’immigration du fait du resserrement des politiques migratoires de l’UE. Provenant du Cameroun, du Mali, du sénégal, de la RDC et d’autres pays, ils vivotent de petits travaux. Certains finissent dans la mendicité ou des réseaux de prostitution.
Abdoulay avait à peine 21 ans quand il a quitté Dakar pour Rabat en 2011. Il est l’aîné d’une fratrie de douze enfants. Son père, ne travaillant qu’occasionnellement comme maçon, est marié à trois femmes. Abdoulay quitte l’école et, poussé par son père qui lui donne une somme d’argent, il met le cap sur le Maroc à la recherche d’un travail.
« Je ne pouvais plus vivre dans un taudis à Dakar, nous manquions de tout. On nous disait que les Sénégalais sont bien traités au Maroc et y trouvent facilement du travail, je n’ai pas hésité. Je suis jeune et en bonne santé. Mais depuis un an que je suis là, je n’ai fait que des petites bricoles. Ma famille m’a envoyé ici pour travailler et lui envoyer de l’argent, j’ai honte de ne pas pouvoir le faire », raconte Abdoulay d’une voix à peine audible, l’air chétif, à cause de la faim, la fatigue et du manque de sommeil. Où dort-il ? « Dans le vestibule d’un immeuble dont le concierge a eu pitié de moi », répond-il.
Lutumba, lui, est originaire de la République démocratique du Congo. Avec un père mécanicien auto et une mère infirmière, sa vie à Kinshasa n’était pas aussi malheureuse que celle d’Abdoulay à Dakar. Après un bac obtenu en 2000, il voulait même poursuivre des études de commerce. Mais son rêve depuis qu’il était enfant était de regagner l’Europe, comme ses cousins.
Son pays étant politiquement instable, il le quitte pour aller au Cameroun voisin. De là, il franchit les frontières du Nigéria, passe par le Niger et traverse le désert pour se retrouver en Algérie, puis au Maroc, au bout de cinq années de périgrinations.
Depuis, il y vit sans papiers, sa demande de carte de réfugié auprès du Haut commissariat aux réfugiés (HCR) lui ayant été refusée. « Pas de travail stable, j’ai travaillé dans des call center à Rabat et Casablanca, j’ai été ramassé, avec d’autres subsahariens, dans plusieurs rafles de police et j’ai même été en prison ».
Malgré ses tribulations, faute de pouvoir partir en Europe, Lutumba ne veut pas entendre parler d’un éventuel retour dans son pays. Employé dans un call center, vendeur ambulant ou mécanicien, il se sent mieux qu’à Kinshasa. « Ici, au moins, les possibilités de travail existent, et les Marocains ne sont pas trop méchants même s’ils se méfient souvent. Le fait que j’aie appris l’arabe m’a beaucoup aidé. A Casablanca on est presque en Europe », confie le Congolais.
Il a un seul objectif : trouver un travail stable pour dénicher un titre de séjour. Un parcours du combattant que peu de sans-papiers accomplissent jusqu’au bout.
Lire la suite de l’article : lavieeco.com