Le ministère de la Justice a récemment transmis au Parlement européen une demande de levée de l’immunité parlementaire de Marine Le Pen, liée à l’enquête sur ses propos faisant un parallèle entre les prières de rue de certains musulmans et l’Occupation, en décembre 2010.
Cette "requête pour une mainlevée parlementaire" de la présidente du FN a été transmise le 26 novembre au président du Parlement européen, Martin Schulz, a indiqué mardi Pierre Rancé, porte-parole de la Chancellerie.
Elle émane d’une juge d’instruction du tribunal de Lyon, chargée de l’information judiciaire ouverte en janvier 2012 après une plainte pour "provocation à la discrimination, à la violence et à la haine envers un groupe de personnes en raison de leur religion", selon une source judiciaire.
Selon cette même source, la magistrate a fait cette demande car la dirigeante du parti d’extrême droite "a jusqu’à présent refusé de répondre aux convocations en vue de sa mise en examen, en invoquant le bénéfice de son immunité parlementaire". Mme Le Pen est eurodéputée depuis 2004.
La demande de mainlevée fera l’objet d’un examen de la commission des Affaires juridiques du Parlement européen, puis d’un vote en plénière, mais pas avant le printemps 2013, a indiqué le service de presse du Parlement à Strasbourg. L’examen de la requête se déroulera à huis clos et Mme Le Pen "pourra être entendue, si elle accepte", a ajouté cette source.
Le 10 décembre 2010, Mme Le Pen avait dénoncé lors d’une réunion publique devant des sympathisants frontistes les "prières de rue" effectuées par des musulmans dans certains quartiers. Elle était alors en pleine campagne pour prendre la présidence du parti et se trouvait sur les terres lyonnaises de son rival, Bruno Gollnisch.
"Je suis désolée, mais pour ceux qui aiment beaucoup parler de la Seconde Guerre mondiale, s’il s’agit de parler d’occupation, on pourrait en parler, pour le coup, parce que ça, c’est une occupation du territoire", avait-elle déclaré. "Certes y’a pas de blindés, y’a pas de soldats, mais c’est une occupation tout de même et elle pèse sur les habitants", avait-elle ajouté.
Ces propos avaient soulevé un tollé politique et le parquet de Lyon avait ouvert en janvier 2011 une enquête préliminaire pour "incitation à la haine raciale", après le dépôt d’une plainte du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap).
Mme Le Pen a affirmé à l’AFP que cette enquête avait été classée sans suite par le parquet.
Mais une plainte avec constitution de partie civile pour "provocation à la discrimination, à la violence et à la haine envers un groupe de personnes en raison de leur religion", émanant cette fois du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), a déclenché l’information judiciaire.
Dans un communiqué, le FN a estimé que cette procédure révélait "la crainte du système face à sa première opposante" et que le procès permettra "de reposer la question des dérives communautaires".
De son côté, le coprésident du Mrap, Pierre Mairat, s’est félicité que la procédure continue, "ne serait-ce qu’à cause de l’extrême gravité des faits", qui relèvent selon lui d’"une exhortation à la haine manifeste".
Ces dernières années, M. Gollnisch, lui aussi député européen FN, s’était vu privé de son immunité parlementaire à deux reprises, après des propos qui avaient donné lieu à des poursuites en France.
Cette procédure avait aussi touché Jean-Marie Le Pen en 1998, après ses propos, un an plus tôt à Munich, où il avait assimilé les chambres à gaz nazies à "un détail de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale".