A l’université Paris-Dauphine (fac d’économie et de gestion de l’ouest de Paris), d’habitude, rien ne bouge. Il n’y a jamais de manifestation, même dans les moments les plus chauds (lutte contre le CPE).
Et puis là, Marine Le Pen a été invitée à débattre par l’association Dauphine discussions débat (« DDD »), apolitique, et ça a dérapé. Elle devait venir à 17h15. Grégoire de Rugy, le président de l’association, a téléphoné à Marie-Christine Arnautu, proche de Marine Le Pen, à 16h55 pour leur dire de ne pas venir.
Des militants extérieurs à Dauphine
A 16h45, environ 200 personnes étaient réunies devant l’amphi numéro quatre de Dauphine, pour crier « Marine Le Pen à Dauphine, pas question » ou « Nous sommes tous des enfants d’immigrés ».
Quelques étudiants de Dauphine étaient mobilisés. Mais ce sont surtout des militants venus de l’extérieur qui ont mené le mouvement, dont des membres de plusieurs associations et partis politiques (Unef, UEJF, SOS-Racisme, NPA). Parmi eux :
Jonathan Hayoun, président de l’UEJF (Union des étudiants juifs de France) : « Elle est en recherche de légitimité dans le monde universitaire et dans la communauté juive. Nous sommes là pour éviter cette instrumentalisation » ;
Amel Djerdoubi, présidente de l’Assemblée générale des étudiants de l’Unef à Paris-III : « Ce n’est pas normal qu’une université, même semi-publique, accueille un leader d’extrême droite » ;
Marouane Zaki, responsable national des étudiants de SOS-Racisme. « Il faut appeler la police ! »
Les élèves de l’association DDD qui protégeaient l’amphi quatre se sont fait bousculer. Nicolas, un grand blond, a été saisi par le col. « Il faut appeler la police », ont crié ses copains de l’asso. Puis le président de l’université Dauphine, Laurent Batsch, est venu constater le bordel. Il a décidé que la visite de Marine Le Pen serait annulée. Il n’a pas souhaité s’exprimer.
De nombreux étudiants de Dauphine ont hué les militants antifascistes à leur sortie. Nadir, 19 ans, « un musulman », en première année :
« Je suis déçu. J’étais venu ici pour écouter. On écoute puis on argumente. Là, ils descendent au niveau de Le Pen et ils tuent la réputation de Dauphine. »
Paul, un membre de l’Unef :
« Je trouve l’effort de manifestation positif, mais j’aurais aimé que le débat ait lieu. »
« Pas de liberté pour les ennemis de la liberté »
Grégoire de Rugy, président de DDD, était au bord des larmes :
« Ils ont cassé du matériel. [...] “Là, c’était la phrase de Robespierre : ‘Pas de liberté pour les ennemis de la liberté’ [la citation est en fait de Saint-Just, proche de Robespierre, ndlr]. Ce n’est pas acceptable.”
En partant, deux filles tout étonnées :
“T’as vu ? Il y avait des mecs du NPA. Il y a des gens au NPA à Dauphine ? ”