Face à la tentative de Sarkozy de contourner la volonté populaire clairement exprimée le 19 mai 2005 à l’occasion du référendum sur la constition européenne, et ce avec l’appui non dissimulé du PS comme de l’UDF-Modem ou encore des médias, ER a décidé de s’associer à l’ensemble des initiatives politiques permettant d’alerter le peuple français sur cette forfaiture. ER invite donc ses membres et sympathisants mais aussi l’ensemble des français à s’associer à la manifestation du 19 octobre prochain aux cotés de Paul Marie Couteaux et invite l’ensemble des forces nationales et patriotiques, de gauche comme de droite à faire de même.
Manifestation le vendredi 19 Octobre à Paris
Contre le
"traité simplifié" à l’appel de
Paul Marie Couteaux, député européen indépendant.
RV Place des victoires à 18 heures.
Les membres et sympathisants d’ER sont invités à s’y rendre en masse !
Contre le
"traité simplifié" à l’appel de
Paul Marie Couteaux, député européen indépendant.
RV Place des victoires à 18 heures.
Les membres et sympathisants d’ER sont invités à s’y rendre en masse !
Mémorandum de Paul-Marie Coûteaux du 24 juin 2007
Ce que contient la Constitution européenne remaquillée :
Une Constitution remaquillée est toujours une Constitution. Bon connaisseur
du débat institutionnel européen, M. Bourlanges s’émerveille du " traité
modificatif " adopté le 23 aux petites heures : " Toute la Constitution est
là ! Il n’y manque rien ! " ; et le Monde (24 et 25 juin) peut titrer : "
Les symboles disparaissent, le fond reste ". Quelques jours après la fin du
cycle électoral privant les Français de toute expression nationale avant
longtemps, le sommet n’avait d’autre but que de reprendre le texte rejeté en
2005 en le remaquillant assez pour éviter un nouveau référendum. La manœuvre
a donc réussi.
Je mets en garde les Français : ne nous laissons pas abuser par les
malicieuses déclarations des partisans les plus acharnés de la
supranationalité qui font mine de regretter la Constitution, ici quelques
mots, là quelques symboles, ni par une presse dupée par le maquillage, qui
évoque une victoire diplomatique de M. Sarkozy, comme si la France qui a dit
Non sortait victorieuse de l’épreuve : en réalité les nonistes sont refaits,
ce que montre toute étude précise dudit "compromis" et de ses cinq
points-clefs :
1-Personnalité juridique accordée à l’Union : point cardinal du fédéralisme
qui permettait au texte Giscard de s’intituler Constitution, il est repris
tel quel, certes discrètement. A lui seul, il crée en effet un nouvel Etat
qui peut désormais être reconnu comme tel sur la scène internationale, ce
qui permet de parler de nouveau de Constitution.
2-Présidence stable de l’Union : si ce traité était ratifié, l’Union se
trouverait aussitôt placée sous l’autorité d’un Président, réputé "stable"
en raison d’un mandat allongé - de six mois à deux ans et demi, et
vraisemblablement porté ensuite à 5 ans comme le mandat parlementaire
européen. Surtout, ce Président est désormais indépendant de tout Etat -
alors qu’il était auparavant un chef de gouvernement en exercice ; il sera
doté d’une autorité propre, ainsi que d’un secrétariat, puis d’un cabinet,
etc... Gageons que cet instrument supranational se révèlera d’autant plus
efficace que, à la différence des autres institutions, il sera incarné…
3-Haut Représentant pour la politique étrangère : comme l’a avoué
imprudemment Nicolas Sarkozy lors de son allocution télévisée du 20 juin,
c’est un "ministre des relations extérieures sans le nom" ; mais, à l’instar
du texte Giscard, il sera dès 2009 vice-président de la Commission, ce qui
lui donnera un grand poids auprès des autres Commissaires, et se verra doté
d’un "service diplomatique" - en clair d’ambassades, les quelque 120 actuels
bureaux de l’Union dans les capitales étrangères étant débaptisées et
étoffées, leurs agents bénéficiant (grâce à la personnalité juridique)
d’immunités et privilèges diplomatiques. A terme, lorsque ce super-ministère
aura pris son allure et son poids, les ministères nationaux seront
marginalisés, ce que symbolise déjà la délocalisation du Quai d’Orsay
annoncée par M. Kouchner. Quant à la référence à l’OTAN, elle peut
disparaître puisque le nouveau texte renvoie explicitement au traité de
Maestricht, dont le titre V fixait que "Les Etats veillent à la conformité
de leurs politiques nationales avec les positions communes" (art. J-2), et
précisait que celles-ci devaient être compatibles avec "les cadres de
l’OTAN". A la politique étrangère commune, il manquait un instrument : le
voici.
4- Décisions à la majorité qualifiée. Quel que soit le mode d’adoption
(système de Nice ou système appliqué partir de 2014), l’essentiel est que le
cercle des questions échappant à l’unanimité s’élargisse considérablement ;
outre les affaires communautaires (politique agricole, commerciale,
douanière et, surtout, industrielle - dite "de concurrence", où la
commission est pleinement compétente), il inclut quarante nouveaux domaines,
les uns d’ordre économique (marché intérieur, énergie, recherche, politique
sociale "partagée" avec les Etats) et d’autres plus régaliens : coopération
judiciaire en matière pénale, porte ouverte au Parquet européen, et
coopération policière, amorce d’une "police fédérale" . Désormais, la
compétence de l’Union concerne quelque 70 domaines, soit l’essentiel des
décisions et de la responsabilité politique - manquent encore la culture,
l’éducation…
Schéma fédéral classique, d’autant que le compromis de Luxembourg permettant
à un Etat d’invoquer ses intérêts vitaux, dont le candidat Sarkozy avait
fait grand cas au cours de sa campagne, n’apparaît plus : une décision
adoptée à la majorité s’appliquera dans tous les cas, et même un Etat qui
n’y est pas favorable devra le mettre en œuvre sous peine de sanctions.
Régime de fer, dont plusieurs Etats s’exemptent : la Grande-Bretagne,
l’Irlande et le Danemark ; pas la France.
5-Charte des droits fondamentaux. Elle s’applique désormais de droit (sauf
pour la Grande-Bretagne, qui jouit d’une dérogation) ; non reprise in
extenso, elle fait cependant l’objet d’une référence dans le texte, ce qui
en droit revient au même - d’autant que le droit est ici interprété par la
très supranationale Cour de Luxembourg. Ses dispositions justifient les
critiques que nous avions développées en 2005 : comment admettre par exemple
le droit pour tout citoyen de saisir la Cour européenne des Droits de
l’Homme aux fins de condamner un Etat pour non respect de principes très
généraux - tel celui de l’égalité, qui inspire déjà la reconnaissance de
l’homoparentalité ou du mariage homosexuel, ou celui de la liberté
religieuse contre un Etat appliquant une législation laïque - telle la loi
sur le voile ?
Il n’est pas question d’accepter un tel traité ; contrairement à ce que
prétend une propagande bien orchestrée, les concessions aux souverainistes
n’en sont pas. Certes, ne figurent plus les symboles de l’Union, drapeau,
hymne et devise ; mais ils ont déjà été adoptés en Conseil et s’imposent
sans qu’il soit besoin de les rappeler. Il en va ainsi de l’ancien art.6 du
texte Giscard posant la supériorité de la norme européenne sur la loi
nationale : si celle-ci ne figure plus dans le traité proprement dit, il y
est cependant renvoyé explicitement dans une déclaration additionnelle, qui
elle-même rappelle la jurisprudence de la Cour de Justice, ce qui revient au
même. D’ores et déjà, outre les juges de Luxembourg, toutes les juridictions
nationales admettent la supériorité du droit européen, écartant lois
françaises, principes et dispositions constitutionnels chaque fois qu’ils
entrent en contradiction avec une norme européenne. De même, c’est une
escroquerie intellectuelle de prétendre, comme le fait M. Sarkozy, que le
principe de "concurrence libre et non faussée" a disparu du traité, puisque
celui-ci renvoie à un protocole additionnel qui le proclame, et le présente
même comme un "instrument politique majeur" au service des objectifs du
nouveau traité - la gauche semble n’y voir que du feu. Habiletés qui sont
autant d’escroqueries morales, la pire étant de nommer traité simplifié un
texte qui crée juridiquement un Etat et lui attribue de nombreuses
compétences : il s’agit bien d’une Constitution, moins ronflante que le texte
Giscard et d’autant plus habile
Il y a deux ans, les supranationaux étaient décontenancés par le double non
français et hollandais ; nous savions qu’ils chercheraient une parade. Elle
fut simple et terrible : le problème venant de la France, c’est elle et ses
Français qu’il fallait circonvenir ; pour les oligarchies européennes, il
aura suffit d’attendre l’élection présidentielle et de trouver un homme
assez rusé pour s’imposer, avec leur aide, et capable, une fois doté d’une
fraîche légitimité d’annihiler en leur nom le Non des Français : la
supercherie a parfaitement fonctionné. Restait à faire quelques concessions
aux récalcitrants : un plus long délai pour la consultation des parlements
nationaux, à la demande des Pays-Bas (et de partis danois) ; la prolongation
pendant dix ans d’un système de pondération des voix qui avantage beaucoup
une Pologne qui, elle, s’est bien battue - essuyant des quolibets
innombrables : on moqua une phrase de son Président rappelant que, sans
l’agression allemande de 1939, la Pologne aurait aujourd’hui quelque vingt
millions d’habitants supplémentaires : un pays qui en détruit un autre
peut-il, soixante ans plus tard, arguer de sa faiblesse pour le faire taire
? Il est vrai que l’habitude est désormais installée de tourner en dérision
tout pays qui prétendra affirmer ses droits et ses principes.
Il y a quelque chose d’insupportable dans l’actuelle fanfaronnade de M.
Sarkozy assurant que "en un mois et demi, il s’est passé plus de choses
qu’en deux ans", ce qui est vrai : il s’est passé ceci que la France a été
trahie par un ensorceleur qu’elle a pour son malheur placé à sa tête et qui
peut désormais parler en son nom. Ceux qui, en votant pour M. Sarkozy ont
permis cette supercherie portent une lourde responsabilité devant notre
histoire.
J’appelle solennellement les Français qui ont dit Non à déjouer les
propagandes - d’abord pour eux-mêmes ; je les appelle à étudier de près les
informations qui filtreront de la prochaine Conférence Intergouvernementale
et le texte définitif signé en octobre ; je les appelle à se mobiliser pour
exiger que sa ratification soit soumise à référendum ; je les appelle à
exiger pour la France un statut à tout le moins comparable à celui de la
Grande-Bretagne, et des protections pour les droits, les principes et les
intérêts de la France et des Français - et d’abord le respect de la
démocratie, c’est-à-dire de la souveraineté populaire, dont on ne voit que
trop qu’elle disparaît avec la souveraineté nationale ; je les appelle à
agir sur les partis ou les solidarités diverses qui peuvent permettre de
faire barrage lors du Congrès qui devra modifier une nouvelle fois notre
Constitution ; je les appelle à manifester les troisièmes vendredis de
chaque mois, à compter du 19 octobre, quelles que soient leurs opinions ou
leurs inclinations, pourvu qu’ils soient attachés à la survie de la France
comme Nation libre parmi les Nations du monde.
Addendum au 17 septembre
Comme il était prévisible, les travaux de la Conférence Intergouvernementale
ont rapidement progressé - cela d’autant plus que, pour une bonne part, ils
avaient été discrètement préparés depuis 18 mois - ce dont témoigna par
exemple une phrase prononcée par l’un des négociateurs lors d’une réunion de
la commission des Affaires constitutionnelles du Parlement européen : "Nous
avons préparé ce texte depuis 18 mois, on peut penser à des dérogations mais
pas de renégociation globale".
De surcroît, le mandat du sommet de juin était fort précis : aux 5
éléments-clés développés dans le présent mémorandum, se sont ajoutés,
semble-t-il (les informations filtrant de la CIG de Lisbonne étant rares et
imprécises) 2 éléments nouveaux : le nombre des membres de la Commission
serait ramené à 18 - soit moins d’un part Etat membre - tandis que les
domaines passant de l’unanimité à la majorité seraient encore étendus. Il
semble que le nouveau texte aille plus loin que la Constitution Giscard
quant aux champs de compétence de l’Union par rapport aux Etats...
Quoi qu’il en soit, un mois avant le prochain sommet européen réuni à
Lisbonne les 18 et 19 octobre 2007, 90 % du texte est prêt, en sorte que
après les derniers arbitrages et les travaux de traduction il sera proposé à
la signature des chefs d’Etat et de gouvernement en octobre et ratifié au
cours des mois suivants.
Comme cela avait été annoncé par M. Sarkozy, la ratification de ce qui doit
passer pour un "mini-traité" sera, elle aussi, rapide : la réforme
constitutionnelle préalable se glissera vraisemblablement dans la réforme de
la Constitution française, qui fera suite aux conclusions de la commission
Balladur (remise quelques jours plus tard, le 1er novembre), et qui
nécessitera la réunion d’un Congrès, cela en décembre ou janvier prochain.
L’aspect européen de la réforme constitutionnelle passera sans nul doute au
second plan, l’essentiel de l’attention étant portée sur la revalorisation
du Parlement et autres modifications prétendument spectaculaire d’une
Constitution qui en elle-même n’aura pourtant plus grand sens. On peut
penser d’ailleurs que la réforme constitutionnelle n’a pas d’autre but que
de camoufler la question européenne, la suppression de l’article 88-5 de la
Constitution prévoyant un référendum préalable à l’adhésion à l’Union de
tout nouvel Etat s’ajoutant aux modifications constitutionnelles nécessaires
à la ratification de la nouvelle Constitution, l’une et l’autre passant
ainsi en catimini.
Cette étape une fois franchie, il est possible que la ratification
parlementaire intervienne dans la foulée, soit en janvier ou février
prochains, en sorte que le débat européen, aussi crucial soit-il, sera
peut-être clos dans 5 mois, sans avoir jamais été véritablement organisé.
Tout montre que, contrairement à ce qui s’était passé en 2005, le débat sur
la Constitution européenne, bien qu’il surplombe toute autre question
politique (l’actuelle polémique sur l’engagement français en Iran aussi bien
que la plupart des réformes sociales sera bientôt réglé exclusivement à
Bruxelles), sera escamoté. On dirait que la presse, droite et gauche
confondues, refuse obstinément de l’évoquer, sans doute en raison d’une
certaine lassitude, mais aussi d’une désinformation de fond (les Français
croient avoir eu raison de la Constitution Giscard, et les très mensongers
propos de M. Sarkozy les confortent, le personnage parvenant même à se parer
des plumes de l’euroscepticisme en lançant des diatribes, certes sans
conséquence ni portée, contre la Banque Centrale Européenne). A cela
s’ajoute la très grande complexité du traité dit "simplifié", lequel
pourrait compter près de 3000 pages : contrairement au texte Giscard rejeté
en 2005, ce nouveau traité ne reprendra pas en un seul texte l’ensemble des
dispositions régissant l’Union européenne mais modifiera les 5 traités
antérieurs (le traité de Rome de 1957, l’Acte Unique de 1986, le traité de
Maëstricht de 1992, celui d’Amsterdam de 1997 et celui de Nice de 2000) :
pour comprendre le nouveau traité, il faudra donc se référer constamment aux
gros volumes des traités antérieurs, ce qui a l’avantage, pour les
constitutionnalistes en chambre, de rendre quasiment impossible tout débat
public et bien entendu tout référendum sur le traité lui-même.
La conjoncture politique française, organisée autour de M. Sarkozy, se prête
à un tel escamotage : fraîchement élu, le nouveau Président peut se targuer
de parler et d’agir en ce domaine au nom des Français quand bien même
ont-ils exprimé deux ans plus tôt un avis contraire ; l’opposition
socialiste, d’ailleurs vouée à la supranationalité (certes sans en mesurer
la profondeur et les implications), est tétanisée par ses débats internes et
tout entière polarisée, quant aux affaires constitutionnelles du moins, par
les perspectives que trace la commission Balladur dont l’un des siens, M.
Lang, est vice-président. Le débat sur la Constitution française cache donc
sans peine le débat sur la Constitution européenne. Quant aux souverainistes
de droite, ils sont pris au piège de leur ralliement à Nicolas Sarkozy et
réduits au silence. Seul peut marquer son opposition un Front National qui,
par ailleurs affaibli, va jouer le rôle du dernier carré des Non, rôle fort
utile au système, comme on sait.
Ainsi sera parachevée dans l’indifférence ou l’ignorance générale la
création d’un nouvel Etat qui privera les Etats démocratiques d’Europe de
l’immense majorité de leurs compétences, les réduisant à des coquilles vides
et à cette impuissance publique dont on aperçoit déjà de multiples signes.
On peut certes compter sur l’éventualité de référendum dans d’autres pays ;
mais cette éventualité n’a rien de sûre et ne pourra que se traduire par des
dérogations accordées à tel ou tel, la France ne formulant plus d’objection
sur aucun sujet. En somme, souverainistes et républicains sont refaits à
moins qu’ils ne parviennent à se mobiliser, ce qui étant donné qu’aucun
signe n’est venu de leur part depuis juin dernier, doit se faire désormais
dans une urgence extrême.
Paul Marie Couteaux
Ce que contient la Constitution européenne remaquillée :
Une Constitution remaquillée est toujours une Constitution. Bon connaisseur
du débat institutionnel européen, M. Bourlanges s’émerveille du " traité
modificatif " adopté le 23 aux petites heures : " Toute la Constitution est
là ! Il n’y manque rien ! " ; et le Monde (24 et 25 juin) peut titrer : "
Les symboles disparaissent, le fond reste ". Quelques jours après la fin du
cycle électoral privant les Français de toute expression nationale avant
longtemps, le sommet n’avait d’autre but que de reprendre le texte rejeté en
2005 en le remaquillant assez pour éviter un nouveau référendum. La manœuvre
a donc réussi.
Je mets en garde les Français : ne nous laissons pas abuser par les
malicieuses déclarations des partisans les plus acharnés de la
supranationalité qui font mine de regretter la Constitution, ici quelques
mots, là quelques symboles, ni par une presse dupée par le maquillage, qui
évoque une victoire diplomatique de M. Sarkozy, comme si la France qui a dit
Non sortait victorieuse de l’épreuve : en réalité les nonistes sont refaits,
ce que montre toute étude précise dudit "compromis" et de ses cinq
points-clefs :
1-Personnalité juridique accordée à l’Union : point cardinal du fédéralisme
qui permettait au texte Giscard de s’intituler Constitution, il est repris
tel quel, certes discrètement. A lui seul, il crée en effet un nouvel Etat
qui peut désormais être reconnu comme tel sur la scène internationale, ce
qui permet de parler de nouveau de Constitution.
2-Présidence stable de l’Union : si ce traité était ratifié, l’Union se
trouverait aussitôt placée sous l’autorité d’un Président, réputé "stable"
en raison d’un mandat allongé - de six mois à deux ans et demi, et
vraisemblablement porté ensuite à 5 ans comme le mandat parlementaire
européen. Surtout, ce Président est désormais indépendant de tout Etat -
alors qu’il était auparavant un chef de gouvernement en exercice ; il sera
doté d’une autorité propre, ainsi que d’un secrétariat, puis d’un cabinet,
etc... Gageons que cet instrument supranational se révèlera d’autant plus
efficace que, à la différence des autres institutions, il sera incarné…
3-Haut Représentant pour la politique étrangère : comme l’a avoué
imprudemment Nicolas Sarkozy lors de son allocution télévisée du 20 juin,
c’est un "ministre des relations extérieures sans le nom" ; mais, à l’instar
du texte Giscard, il sera dès 2009 vice-président de la Commission, ce qui
lui donnera un grand poids auprès des autres Commissaires, et se verra doté
d’un "service diplomatique" - en clair d’ambassades, les quelque 120 actuels
bureaux de l’Union dans les capitales étrangères étant débaptisées et
étoffées, leurs agents bénéficiant (grâce à la personnalité juridique)
d’immunités et privilèges diplomatiques. A terme, lorsque ce super-ministère
aura pris son allure et son poids, les ministères nationaux seront
marginalisés, ce que symbolise déjà la délocalisation du Quai d’Orsay
annoncée par M. Kouchner. Quant à la référence à l’OTAN, elle peut
disparaître puisque le nouveau texte renvoie explicitement au traité de
Maestricht, dont le titre V fixait que "Les Etats veillent à la conformité
de leurs politiques nationales avec les positions communes" (art. J-2), et
précisait que celles-ci devaient être compatibles avec "les cadres de
l’OTAN". A la politique étrangère commune, il manquait un instrument : le
voici.
4- Décisions à la majorité qualifiée. Quel que soit le mode d’adoption
(système de Nice ou système appliqué partir de 2014), l’essentiel est que le
cercle des questions échappant à l’unanimité s’élargisse considérablement ;
outre les affaires communautaires (politique agricole, commerciale,
douanière et, surtout, industrielle - dite "de concurrence", où la
commission est pleinement compétente), il inclut quarante nouveaux domaines,
les uns d’ordre économique (marché intérieur, énergie, recherche, politique
sociale "partagée" avec les Etats) et d’autres plus régaliens : coopération
judiciaire en matière pénale, porte ouverte au Parquet européen, et
coopération policière, amorce d’une "police fédérale" . Désormais, la
compétence de l’Union concerne quelque 70 domaines, soit l’essentiel des
décisions et de la responsabilité politique - manquent encore la culture,
l’éducation…
Schéma fédéral classique, d’autant que le compromis de Luxembourg permettant
à un Etat d’invoquer ses intérêts vitaux, dont le candidat Sarkozy avait
fait grand cas au cours de sa campagne, n’apparaît plus : une décision
adoptée à la majorité s’appliquera dans tous les cas, et même un Etat qui
n’y est pas favorable devra le mettre en œuvre sous peine de sanctions.
Régime de fer, dont plusieurs Etats s’exemptent : la Grande-Bretagne,
l’Irlande et le Danemark ; pas la France.
5-Charte des droits fondamentaux. Elle s’applique désormais de droit (sauf
pour la Grande-Bretagne, qui jouit d’une dérogation) ; non reprise in
extenso, elle fait cependant l’objet d’une référence dans le texte, ce qui
en droit revient au même - d’autant que le droit est ici interprété par la
très supranationale Cour de Luxembourg. Ses dispositions justifient les
critiques que nous avions développées en 2005 : comment admettre par exemple
le droit pour tout citoyen de saisir la Cour européenne des Droits de
l’Homme aux fins de condamner un Etat pour non respect de principes très
généraux - tel celui de l’égalité, qui inspire déjà la reconnaissance de
l’homoparentalité ou du mariage homosexuel, ou celui de la liberté
religieuse contre un Etat appliquant une législation laïque - telle la loi
sur le voile ?
Il n’est pas question d’accepter un tel traité ; contrairement à ce que
prétend une propagande bien orchestrée, les concessions aux souverainistes
n’en sont pas. Certes, ne figurent plus les symboles de l’Union, drapeau,
hymne et devise ; mais ils ont déjà été adoptés en Conseil et s’imposent
sans qu’il soit besoin de les rappeler. Il en va ainsi de l’ancien art.6 du
texte Giscard posant la supériorité de la norme européenne sur la loi
nationale : si celle-ci ne figure plus dans le traité proprement dit, il y
est cependant renvoyé explicitement dans une déclaration additionnelle, qui
elle-même rappelle la jurisprudence de la Cour de Justice, ce qui revient au
même. D’ores et déjà, outre les juges de Luxembourg, toutes les juridictions
nationales admettent la supériorité du droit européen, écartant lois
françaises, principes et dispositions constitutionnels chaque fois qu’ils
entrent en contradiction avec une norme européenne. De même, c’est une
escroquerie intellectuelle de prétendre, comme le fait M. Sarkozy, que le
principe de "concurrence libre et non faussée" a disparu du traité, puisque
celui-ci renvoie à un protocole additionnel qui le proclame, et le présente
même comme un "instrument politique majeur" au service des objectifs du
nouveau traité - la gauche semble n’y voir que du feu. Habiletés qui sont
autant d’escroqueries morales, la pire étant de nommer traité simplifié un
texte qui crée juridiquement un Etat et lui attribue de nombreuses
compétences : il s’agit bien d’une Constitution, moins ronflante que le texte
Giscard et d’autant plus habile
Il y a deux ans, les supranationaux étaient décontenancés par le double non
français et hollandais ; nous savions qu’ils chercheraient une parade. Elle
fut simple et terrible : le problème venant de la France, c’est elle et ses
Français qu’il fallait circonvenir ; pour les oligarchies européennes, il
aura suffit d’attendre l’élection présidentielle et de trouver un homme
assez rusé pour s’imposer, avec leur aide, et capable, une fois doté d’une
fraîche légitimité d’annihiler en leur nom le Non des Français : la
supercherie a parfaitement fonctionné. Restait à faire quelques concessions
aux récalcitrants : un plus long délai pour la consultation des parlements
nationaux, à la demande des Pays-Bas (et de partis danois) ; la prolongation
pendant dix ans d’un système de pondération des voix qui avantage beaucoup
une Pologne qui, elle, s’est bien battue - essuyant des quolibets
innombrables : on moqua une phrase de son Président rappelant que, sans
l’agression allemande de 1939, la Pologne aurait aujourd’hui quelque vingt
millions d’habitants supplémentaires : un pays qui en détruit un autre
peut-il, soixante ans plus tard, arguer de sa faiblesse pour le faire taire
? Il est vrai que l’habitude est désormais installée de tourner en dérision
tout pays qui prétendra affirmer ses droits et ses principes.
Il y a quelque chose d’insupportable dans l’actuelle fanfaronnade de M.
Sarkozy assurant que "en un mois et demi, il s’est passé plus de choses
qu’en deux ans", ce qui est vrai : il s’est passé ceci que la France a été
trahie par un ensorceleur qu’elle a pour son malheur placé à sa tête et qui
peut désormais parler en son nom. Ceux qui, en votant pour M. Sarkozy ont
permis cette supercherie portent une lourde responsabilité devant notre
histoire.
J’appelle solennellement les Français qui ont dit Non à déjouer les
propagandes - d’abord pour eux-mêmes ; je les appelle à étudier de près les
informations qui filtreront de la prochaine Conférence Intergouvernementale
et le texte définitif signé en octobre ; je les appelle à se mobiliser pour
exiger que sa ratification soit soumise à référendum ; je les appelle à
exiger pour la France un statut à tout le moins comparable à celui de la
Grande-Bretagne, et des protections pour les droits, les principes et les
intérêts de la France et des Français - et d’abord le respect de la
démocratie, c’est-à-dire de la souveraineté populaire, dont on ne voit que
trop qu’elle disparaît avec la souveraineté nationale ; je les appelle à
agir sur les partis ou les solidarités diverses qui peuvent permettre de
faire barrage lors du Congrès qui devra modifier une nouvelle fois notre
Constitution ; je les appelle à manifester les troisièmes vendredis de
chaque mois, à compter du 19 octobre, quelles que soient leurs opinions ou
leurs inclinations, pourvu qu’ils soient attachés à la survie de la France
comme Nation libre parmi les Nations du monde.
Addendum au 17 septembre
Comme il était prévisible, les travaux de la Conférence Intergouvernementale
ont rapidement progressé - cela d’autant plus que, pour une bonne part, ils
avaient été discrètement préparés depuis 18 mois - ce dont témoigna par
exemple une phrase prononcée par l’un des négociateurs lors d’une réunion de
la commission des Affaires constitutionnelles du Parlement européen : "Nous
avons préparé ce texte depuis 18 mois, on peut penser à des dérogations mais
pas de renégociation globale".
De surcroît, le mandat du sommet de juin était fort précis : aux 5
éléments-clés développés dans le présent mémorandum, se sont ajoutés,
semble-t-il (les informations filtrant de la CIG de Lisbonne étant rares et
imprécises) 2 éléments nouveaux : le nombre des membres de la Commission
serait ramené à 18 - soit moins d’un part Etat membre - tandis que les
domaines passant de l’unanimité à la majorité seraient encore étendus. Il
semble que le nouveau texte aille plus loin que la Constitution Giscard
quant aux champs de compétence de l’Union par rapport aux Etats...
Quoi qu’il en soit, un mois avant le prochain sommet européen réuni à
Lisbonne les 18 et 19 octobre 2007, 90 % du texte est prêt, en sorte que
après les derniers arbitrages et les travaux de traduction il sera proposé à
la signature des chefs d’Etat et de gouvernement en octobre et ratifié au
cours des mois suivants.
Comme cela avait été annoncé par M. Sarkozy, la ratification de ce qui doit
passer pour un "mini-traité" sera, elle aussi, rapide : la réforme
constitutionnelle préalable se glissera vraisemblablement dans la réforme de
la Constitution française, qui fera suite aux conclusions de la commission
Balladur (remise quelques jours plus tard, le 1er novembre), et qui
nécessitera la réunion d’un Congrès, cela en décembre ou janvier prochain.
L’aspect européen de la réforme constitutionnelle passera sans nul doute au
second plan, l’essentiel de l’attention étant portée sur la revalorisation
du Parlement et autres modifications prétendument spectaculaire d’une
Constitution qui en elle-même n’aura pourtant plus grand sens. On peut
penser d’ailleurs que la réforme constitutionnelle n’a pas d’autre but que
de camoufler la question européenne, la suppression de l’article 88-5 de la
Constitution prévoyant un référendum préalable à l’adhésion à l’Union de
tout nouvel Etat s’ajoutant aux modifications constitutionnelles nécessaires
à la ratification de la nouvelle Constitution, l’une et l’autre passant
ainsi en catimini.
Cette étape une fois franchie, il est possible que la ratification
parlementaire intervienne dans la foulée, soit en janvier ou février
prochains, en sorte que le débat européen, aussi crucial soit-il, sera
peut-être clos dans 5 mois, sans avoir jamais été véritablement organisé.
Tout montre que, contrairement à ce qui s’était passé en 2005, le débat sur
la Constitution européenne, bien qu’il surplombe toute autre question
politique (l’actuelle polémique sur l’engagement français en Iran aussi bien
que la plupart des réformes sociales sera bientôt réglé exclusivement à
Bruxelles), sera escamoté. On dirait que la presse, droite et gauche
confondues, refuse obstinément de l’évoquer, sans doute en raison d’une
certaine lassitude, mais aussi d’une désinformation de fond (les Français
croient avoir eu raison de la Constitution Giscard, et les très mensongers
propos de M. Sarkozy les confortent, le personnage parvenant même à se parer
des plumes de l’euroscepticisme en lançant des diatribes, certes sans
conséquence ni portée, contre la Banque Centrale Européenne). A cela
s’ajoute la très grande complexité du traité dit "simplifié", lequel
pourrait compter près de 3000 pages : contrairement au texte Giscard rejeté
en 2005, ce nouveau traité ne reprendra pas en un seul texte l’ensemble des
dispositions régissant l’Union européenne mais modifiera les 5 traités
antérieurs (le traité de Rome de 1957, l’Acte Unique de 1986, le traité de
Maëstricht de 1992, celui d’Amsterdam de 1997 et celui de Nice de 2000) :
pour comprendre le nouveau traité, il faudra donc se référer constamment aux
gros volumes des traités antérieurs, ce qui a l’avantage, pour les
constitutionnalistes en chambre, de rendre quasiment impossible tout débat
public et bien entendu tout référendum sur le traité lui-même.
La conjoncture politique française, organisée autour de M. Sarkozy, se prête
à un tel escamotage : fraîchement élu, le nouveau Président peut se targuer
de parler et d’agir en ce domaine au nom des Français quand bien même
ont-ils exprimé deux ans plus tôt un avis contraire ; l’opposition
socialiste, d’ailleurs vouée à la supranationalité (certes sans en mesurer
la profondeur et les implications), est tétanisée par ses débats internes et
tout entière polarisée, quant aux affaires constitutionnelles du moins, par
les perspectives que trace la commission Balladur dont l’un des siens, M.
Lang, est vice-président. Le débat sur la Constitution française cache donc
sans peine le débat sur la Constitution européenne. Quant aux souverainistes
de droite, ils sont pris au piège de leur ralliement à Nicolas Sarkozy et
réduits au silence. Seul peut marquer son opposition un Front National qui,
par ailleurs affaibli, va jouer le rôle du dernier carré des Non, rôle fort
utile au système, comme on sait.
Ainsi sera parachevée dans l’indifférence ou l’ignorance générale la
création d’un nouvel Etat qui privera les Etats démocratiques d’Europe de
l’immense majorité de leurs compétences, les réduisant à des coquilles vides
et à cette impuissance publique dont on aperçoit déjà de multiples signes.
On peut certes compter sur l’éventualité de référendum dans d’autres pays ;
mais cette éventualité n’a rien de sûre et ne pourra que se traduire par des
dérogations accordées à tel ou tel, la France ne formulant plus d’objection
sur aucun sujet. En somme, souverainistes et républicains sont refaits à
moins qu’ils ne parviennent à se mobiliser, ce qui étant donné qu’aucun
signe n’est venu de leur part depuis juin dernier, doit se faire désormais
dans une urgence extrême.
Paul Marie Couteaux