Dans quelques mois, Luz ne sera "plus Charlie Hebdo". Le dessinateur, devenu un symbole du journal depuis le drame du 7 janvier, a confirmé lundi à Libé qu’il avait décidé de partir en septembre.
"Oui, il va bien falloir le dire. C’est un choix très personnel. J’essaie de garder le plus possible la maîtrise de ma vie, notamment de la temporalité, d’autant plus après ce qu’on a vécu. C’est devenu une de mes obsessions après tout ce bazar, pour me reconstruire, de reprendre le contrôle de moi-même."
Cette décision, il l’a prise "il y a longtemps". "Après les attentats, il a fallu recommencer très vite", explique Luz.
"Faire le numéro vert [celui avec Mahomet, ndlr], c’était très bien. Après, il y a eu une volonté collective de continuer très vite. Moi, j’avais besoin de temps, mais j’ai suivi par solidarité, pour laisser tomber personne. Sauf qu’à un moment donné, ça a été trop lourd à porter. Il n’y avait plus grand-monde pour dessiner : je me suis retrouvé à faire trois unes sur quatre. Chaque bouclage est une torture parce que les autres ne sont plus là. Passer des nuits d’insomnie à convoquer les disparus, à se demander qu’est-ce que Charb, Cabu Honoré, Tignous auraient fait, c’est épuisant."
Luz évoque brièvement Jeanne Bougrab, l’ex-compagne de Charb. "Je n’ai pas envie de répondre à Bougrab, je m’en branle de cette conne." Le dessinateur, qui vient de sortir une BD intitulée "Catharsis", ne se voit pas comme un héros.
"Ça fascine les gens de nous regarder comme des héros qui foncent dans le tas, ils oublient qu’avant de faire un dessin, on réfléchit. Tout le monde invoque l’esprit Charlie pour tout et n’importe quoi. À Charlie, finalement, on est les seuls à pas le faire, à être pudique, ce n’est peut-être pas un mal. Après, dans quelques mois, je ne serai plus Charlie Hebdo, mais je serai toujours Charlie."