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Loi sur le renseignement : une crise de régime ?

La loi sur le renseignement n’aura finalement pas agité l’opinion publique et ne constitue pas, en elle-même, l’un de ces motifs de rupture ouverte entre les Français et la République. Mais elle est passée comme un rouleau compresseur, y compris au Conseil Constitutionnel, contre les valeurs et les convictions de tous ceux qui voient dans Internet un espace de liberté et de progrès. En ce sens, elle manifeste une fois de plus le décalage grandissant entre la France de 1958 qui est encore aux manettes, et la France de demain qui tarde tant à éclore.

 

La loi sur le renseignement et l’illusion de l’antiterrorisme

Redisons-le si nous ne l’avons pas assez dit, la loi sur le renseignement utilise le prétexte émotionnel du terrorisme pour instaurer une surveillance extrêmement large du citoyen, dont l’essentiel n’a rien à voir avec la prévention du terrorisme. Citons ici le Conseil Constitutionnel :

7. Considérant que l’article L. 811-3 du code de la sécurité intérieure énumère les finalités pour lesquelles les services spécialisés de renseignement peuvent recourir aux techniques définies aux articles L. 851-1 à L. 854-1 du même code tels qu’ils résultent des articles 5 et 6 de la loi déférée, pour le seul exercice de leurs missions respectives, afin de recueillir des renseignements ; que ces finalités correspondent à « la défense et la promotion des intérêts fondamentaux de la Nation suivants :

1° L’indépendance nationale, l’intégrité du territoire et la défense nationale ;
2° Les intérêts majeurs de la politique étrangère, l’exécution des engagements européens et internationaux de la France et la prévention de toute forme d’ingérence étrangère ;
3° Les intérêts économiques, industriels et scientifiques majeurs de la France ;
4° La prévention du terrorisme ;
5° La prévention :
a) Des atteintes à la forme républicaine des institutions ;
b) Des actions tendant au maintien ou à la reconstitution de groupements dissous en application de l’article L. 212-1 ;
c) Des violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique ;
6° La prévention de la criminalité et de la délinquance organisées ;
7° La prévention de la prolifération des armes de destruction massive » ;

8. Considérant que les députés requérants font valoir que les finalités énumérées par le législateur sont trop larges, au regard des techniques de recueil de renseignement prévues par la loi déférée, et insuffisamment définies ; qu’il en résulterait une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée ainsi qu’à la liberté d’expression ; (…)

11. Considérant que les dispositions de l’article L. 811-3 doivent être combinées avec celles de l’article L. 801-1, dans sa rédaction résultant de l’article 1er de la loi déférée, aux termes desquelles la décision de recourir aux techniques de renseignement et les techniques choisies devront être proportionnées à la finalité poursuivie et aux motifs invoqués ; qu’il en résulte que les atteintes au droit au respect de la vie privée doivent être proportionnées à l’objectif poursuivi ; que la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement et le Conseil d’État sont chargés de s’assurer du respect de cette exigence de proportionnalité.

Contrairement à ce qui est colporté, la loi sur le renseignement ne porte donc pas prioritairement sur la lutte contre le terrorisme, mais sur des sujets bien plus vagues et bien plus vastes : la défense nationale, la politique étrangère, la mafia, la contestation du régime, le trafic d’armes… Le terrorisme n’en est que l’un des sujets, et la grande victoire du gouvernement est d’avoir réduit la question de la loi sur le renseignement à une question simple : êtes-vous pour ou contre un nouveau Charlie Hebdo ? quand la question réellement débattue était bien plus large.

 

Les libertés entre les mains du Conseil d’État

Cette grande loi fourre-tout constitue incontestablement un pivot dans l’histoire policière française : elle légalise très largement et dans tous les domaines du Net la surveillance policière traditionnelle héritée de Fouché et de l’Empire. C’est en effet probablement l’héritage spécifique de l’épisode bonapartiste que d’avoir structuré une « haute police » en charge des intérêts supérieurs de l’Etat et d’une surveillance intérieure destinée à éviter la répétition de troubles révolutionnaires.

Cette surveillance ne s’est jamais véritablement arrêtée, même si elle subit des pics plus ou moins intenses. Paradoxalement, le quinquennat de Sarkozy, avec son obsession (relative) de la maîtrise des dépenses publiques, avait produit une période de disette policière. Le paradoxe de la situation est de voir la gauche redonner des moyens importants à une police politique, en lui permettant de mettre Internet en coupe réglée.

Lire la suite de l’article sur eric-verhaeghe.fr

Sur la mise en place progressive de la surveillance généralisée,
chez Kontre Kulture :

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2 Commentaires

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  • #1236298
    Le 26 juillet 2015 à 22:06 par fred89
    Loi sur le renseignement : une crise de régime ?

    "La droite défend les nantis, la gauche défend le petit peuple" qu’il disait mon papy.

    Sacré papy, il avait une culture politique, j’vous dit pas !

     

    Répondre à ce message

    • #1236522
      Le Juillet 2015 à 11:43 par savinkov
      Loi sur le renseignement : une crise de régime ?

      Papy 2.0 affirme donc :

      "Paradoxalement, le quinquennat de Sarkozy, avec son obsession (relative) de la maîtrise des dépenses publiques, avait produit une période de disette policière. Le paradoxe de la situation est de voir la gauche redonner des moyens importants à une police politique, en lui permettant de mettre Internet en coupe réglée."

      La deuxième phrase n’est pas fausse. La première est trompeuse, car s’il y eut "disette policière", cela n’affecta en rien les officines de contrôle social et idéologique, bien au contraire.