A l’occasion du dernier 14 juillet, un détachement du 1er Régiment d’Infanterie de Marine (RIMa) d’Angoulême est allé à la rencontre des habitants du 18ème arrondissement de Paris en disposant quatre véhicules sur la place de la mairie. Ce genre de manifestation permet ainsi de maintenir le lien entre la nation et son armée.
Seulement, cela n’a pas été du goût des élus Europe Ecologie/Les Verts (EE/LV) du conseil municipal du 18ème arrondissement. Dans leur ligne de mire, les traditions du 1er RIMa, et plus généralement, celles des Troupes de Marine.
Or, il se trouve que ces dernières ont changé plusieurs fois d’appellation. En 1900, alors qu’elles dépendaient du ministère de la Marine, elles furent rattachées à celui de la Guerre. Conséquence, elles prirent le nom de Troupes coloniales, étant donné qu’elles servaient principalements dans les colonies françaises.
Par la suite, et après la fin de l’Empire français, elles retrouvèrent leur appellation d’origine, tout en gardant certaines traditions, comme celle consistant à lancer un « Et au nom de Dieu, vive la Coloniale » (les marsouins et les bigors ayant pour saint patron, Dieu lui-même, les cavaliers se référant à Saint-Georges, les parachutistes à Saint Michel, les artilleurs à Sainte Barbe ou encore les transmetteurs à Saint Gabriel).
Voilà donc ce qui a provoqué la ire des élus écologistes : cette référence à Dieu (contraire à la laïcité selon eux) et à la Coloniale, laquelle a été perçue, par extension, à une improbable propagande en faveur du « colonialisme ». D’où le dépôt, à l’initiative de Pascal Julien, professeur d’histoire de son état, du voeu n°31 au conseil d’arrondissement du 19 septembre dernier, dont voici le texte :
« Le 14 juillet dernier, à l’initiative personnelle du Maire du 18e, des éléments du 1er Régiment d’infanterie de marine (Rima) basé à Angoulême a stationné avec quatre véhicules militaires sur le parvis de la Mairie.
Créé en 1822, le 1er Rima est le plus ancien régiment des troupes de marine. Il a participé aux principales conquêtes coloniales puis à la première guerre mondiale. Détruit par l’offensive allemande de 1940, il est recréé le 8 mai 1945 pour participer aux guerres de défense de l’empire colonial. Depuis la chute de l’empire français, il a été au cœur de différentes opérations militaires en Afrique.
Le 14 juillet 2011, quelques officiers et sous-officiers répondaient aux questions des passants qui pouvaient aussi, par exemple, s’installer dans les véhicules ou se faire photographier avec leurs enfants en position de tir.
Une brochure de 53 pages (en couleur et en papier luxueux non-recyclé) du 1er Rima était à cette occasion largement et gratuitement distribuée au public.
Intitulée « 1er de Marine, année 2009-2010 », elle présente notamment l’état-major, les escadrons et l’amicale du régiment. Une page centrale, détachable pour en faire un poster, reprend le titre de la couverture : « Un seul objectif, faire but ! »
Plusieurs articles insistent sur la nécessité de « maintenir la tradition ». Quelle est cette tradition ?
P 3 : le chef de bataillon signe « 1er Rimacolonialement » P 4 : le Président des sous-officiers conclut son article par « Et au nom de Dieu, vive la Coloniale » P 18 : le capitaine du 2e escadron : « Debout les hommes et sonne le clairon, À l’assaut Marsouin, pour la France en danger » P 34 : titre de l’article : « Nous sommes de la Coloniale » P 38 : Le capitaine du EEI 3 conclu ainsi : « Fiers de porter l’Ancre d’Or comme les couleurs de sa nouvelle brigade, sous toutes les latitudes, les éclaireurs de marine repartent de plus belle pour de nouvelles aventures »
Estimant que la colonisation n’a pas été une aventure, qu’elle fut contraire au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, qu’elle ne devrait pas faire l’objet d’une célébration patriotique,
Estimant que l’invocation de Dieu est incongrue dans une brochure présentant au public l’armée laïque de la République,
Estimant que le militarisme n’est pas une valeur de la République française,
Pascal JULIEN et les élu-e-s EELV 1e demandent au Maire de veiller à ce que désormais les unités militaires qu’il invite personnellement le 14 juillet s’abstiennent de toute propagande à caractère religieux, colonialiste et militariste. »
Rejeté une première fois lors du Conseil d’arrondissement, ce voeu a été nouvelle fois présenté à l’occasion du dernier Conseil de Paris du 26 septembre dernier, par l’écologiste Sylvain Garel, colistier de Pascal Julien, également professeur d’histoire lui et accessoirement critique de cinéma. Au cours de son intervention, cet élu a dénoncé « l’idéologie que véhicule ce régiment (ndlr, le 1er RIMa) ».
Mais là encore, le texte a été repoussé, après une brillante intervention, par ailleurs pleine d’humour, de Mme Odette Christienne, correspondante Défense et membre du Groupe PSRGA (Socialistes, Radicaux de gauche et apparentés). Comme elle l’a fait remarquer, l’expression utilisée par les aviateurs, « Et à la Chasse bordel ! » n’est « pas une incitation à fréquenter certains lieux », comme « Et au nom de Dieu, vive la Coloniale » n’est pas du prosélytisme religieux.