Note : pour respecter l’ordre chronologique des événements, cet article est à lire de bas en haut.
« Mon but n’est pas de faire un carnage mais de faire passer un message. » Un informaticien de 45 ans retenait deux employés d’une agence parisienne de Pôle emploi.
La ligne du portable était restée ouverte depuis plus de deux heures. Christian Denisot, le preneur d’otages de Pôle emploi, nous dit :
« Bon, je vais arrêter là. Je crois que mon message est passé. »
CHRISTIAN DENISOT ACCEPTE DE SE RENDRE http://www.rue89.com/sites/news/fil...
Quelques minutes plus tard, au téléphone, la police judiciaire lui donne la marche à suivre :
« Vous ouvrez la porte, vous faites sortir les otages, vous éloignez bien l’arme, et vous vous allongez comme vous l’avez dit. »
Ainsi a pris fin, ce lundi en début d’après-midi, la prise d’otages dans une agence Pôle emploi du XIe arrondissement de Paris.
CHRISTIAN DENISOT, INTERROGÉ PAR PIERRE HASKI SUR L’ISSUE DE LA PRISE D’OTAGES http://www.rue89.com/sites/news/fil...
L’affaire avait commencé, pour nous, avec un coup de fil à la rédaction ce lundi matin :
« Allô, j’ai pris deux otages à l’agence Pôle emploi de Beaumarchais, dans le XIe arrondissement de Paris. Voici mes revendications. »
Christian Denisot, 45 ans, a appelé Rue89 d’une voix calme mais déterminée pour revendiquer un geste qu’il a qualifié lui-même de « critiquable » avec un « objectif légitime ».
Lors d’un second coup de téléphone – qui devait, lui, se terminer en même temps que la prise d’otages –, il nous a dit apercevoir des policiers cagoulés, hors et dans l’agence, prêts à donner l’assaut :
« Je n’utiliserai pas les otages pour me protéger mais je viderai mon chargeur pour me défendre. [...] Mon but n’est pas de faire un carnage mais de faire passer un message [l’arme s’est avérée être factice, ndlr]. »
CHRISTIAN DENISOT SE DIT NON-VIOLENT http://www.rue89.com/sites/news/fil...
A partir de ce moment, le preneur d’otages nous dit qu’il restera en ligne avec Rue89, « jusqu’au bout ». Ce qu’il a fait.
CHRISTIAN DENISOT SUR SON COUP DE FIL À UNE RÉDACTION http://www.rue89.com/sites/news/fil...
Christian Denisot, qui se disait armé d’un pistolet, nous a dit retenir la directrice de l’agence Pôle emploi, ainsi que le sous-directeur.
CHRISTIAN DENISOT SUR SON ARME http://www.rue89.com/sites/news/fil...
Sur place, notre reporter Sébastien Leban a pu s’entretenir avec deux employées présentes ce lundi matin :
« Cet homme avait rendez-vous avec sa conseillère. Il lui a demandé de rencontrer un directeur et c’est à ce moment-là qu’il s’est enfermé avec lui et la directrice, dans un bureau du rez-de-chaussée. »
Tout en discutant au téléphone, Christian Denisot nous a adressé, à partir de l’e-mail de la directrice, un très long texte de revendication.
Ses demandes étaient doubles : elles portaient sur la précarité et le mépris dont il se dit l’objet de la part de l’administration Pôle emploi, mais aussi, « la dissolution des groupuscules sionistes violents » en France.
Son exigence : que ses revendications soient diffusées à l’échelle nationale.
CHRISTIAN DENISOT DEMANDE À LA POLICE SI SES REVENDICATIONS ONT ÉTÉ DIFFUSÉES SUR TF1 ET FRANCE2 http://www.rue89.com/sites/news/fil...
Le preneur d’otages nous a expliqué qu’il est informaticien, mais qu’à son âge – 45 ans – il ne parvient plus à trouver du travail.
CHRISTIAN DENISOT ET SA PRATIQUE D’INTERNET http://www.rue89.com/sites/news/fil...
Dans son texte, en pièce jointe, il se présente ainsi :
« Je ne représente aucune idéologie politique, aucune religion (je suis laïc et athée), je ne représente que moi-même, un simple citoyen avec ses convictions et sa conscience.
Je m’appelle Christian Denisot, 45 ans, intelligence moyenne, culture moyenne, sans talents particuliers, français moyen.
Depuis le début des années 2000, comme pas mal de citoyens Français, je galère ; mais depuis quelques années, j’ai amorcé les étapes ultimes qui mènent à la précarité :
Mon âge est, à l’évidence, devenu un handicap certain dans ma recherche d’emploi (en fait, dès 35 ans vous êtes trop vieux).
Les CDI sont introuvables.
CDD de plus en plus rares, de moins en moins qualifiés et rémunérés. »
Le preneur d’otages nous dit avoir pris sa décision cet été, alors qu’il arrivait en fin de contrat.
CHRISTIAN DENISOT : LA DÉCISION DE CETTE PRISE D’OTAGES http://www.rue89.com/sites/news/fil...
Mais ses revendications ne s’arrêtent pas à la précarité et à ses mésaventures avec Pôle emploi qui lui ont déjà valu quelques ennuis avec la police.
Des 20 pages de son manifeste, Christian Denisot en consacre 5 à ses problèmes de chômeur. Le reste, soit 15 pages, est voué à « provoquer une prise de conscience nationale sur une situation inacceptable » : celle qui permettrait, selon lui, aux tenants du sionisme le plus violent d’agir en France en toute impunité.
Dans son viseur, on trouve principalement quatre cibles :
- le Betar, un mouvement de jeunesse juif radical, fondé en Lettonie en 1923 par Wladimir Jabotinsky, leader de l’aile droite du sionisme à l’époque. La branche française du Betar est considérée comme proche du Likoud, le parti conservateur israélien qui dirige la coalition de droite au pouvoir dans ce pays ;
- la Ligue de défense juive, mouvement jumeau du parti israélien Kahane Chaï, considéré comme terroriste en Israël et aux Etats-Unis. En France, la LDJ n’a pas d’existence légale ;
- Sammy Ghozlan, président du Bureau national de vigilance contre l’antisémitisme (BNVCA) ;
- Le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif).
Sur quinze pages, il liste de nombreux événements survenus depuis une dizaine d’années qui prouvent, selon lui, d’une part que ces organisations ne sont pas objectives dans leur dénonciation de l’antisémitisme, qu’elles confondent avec l’antisionisme et la critique de la politique israélienne, et d’autre part qu’elles bénéficient d’une totale impunité pour le faire.
Toujours en ligne avec Pierre Haski, il a dénoncé « la différence de traitement entre les différents racismes » :
« Je ne vois pas pourquoi on traite différemment la vie d’un Noir, d’un Arabe et celle d’un juif. »
CHRISTIAN DENISOT SUR LE POUVOIR DE LA COMMUNAUTÉ JUIVE EN FRANCE http://www.rue89.com/sites/news/fil...
Le preneur d’otages a aussi dénoncé le fait que la France ne commémore pas officiellement le massacre du 17 octobre 1961, une date qu’il semble mal connaître, mélangeant la démission de Nicolas Sarkozy, les accusations d’antisémitisme, dont il aurait fait l’objet parce qu’il soutient les Palestiniens, accusation qu’il récuse.
CHRISTIAN DENISOT SUR L’ACCUSATION D’ANTISÉMITISME http://www.rue89.com/sites/news/fil...
Le preneur d’otages a reconnu, dans la longue conversation que nous avons eue avec lui, qu’il n’y a pas de rapport entre ses deux revendications, la sociale et celle qui est liée à la question proche orientale.
En appelant la rédaction de Rue89, il avait d’ailleurs demandé à parler au « spécialiste du Proche Orient », et pas à la rubrique sociale ou sociétale.
Il souhaitait que ses revendications soient relayées à la télévision – il demandait directement le 13 Heures de TF1 et France 2 –, mais a appelé Rue89 « pour éviter d’être manipulé ou ignoré ».