Amira Haas raconte comment les villageois palestiniens en sont réduits à brûler en plein air leurs détritus dans des décharges nauséabondes. L’administration d’occupation leur a interdit de bâtir une installation de traitement - ou toute autre construction - sur les terres classées depuis l’accord d’Oslo dans la catégorie C, sous contrôle israélien, soit 60% de la Cisjordanie.
Amira Hass, Haaretz, 5 décembre 2007
Le tableau n’a rien de bucolique : les deux chefs de conseils villageois sont là, devant le dépôt d’immondices de l’un des villages, Beit Liqia, et énumèrent toutes les menaces environnementales. Les maisons du village sont à deux cents mètres. Il y a des gens qui brûlent les déchets (essentiellement pour récupérer le métal des vieux câbles ou le fer des pneus) et alors, s’élève une fumée noire qui parvient aux fenêtres des maisons surpeuplées du village. Tout autour de la décharge, des plantations d’oliviers. Plus personne n’y cueille encore les olives. Sur la décharge du village de Beit Anan, on brûle les immondices. Il est vrai qu’elle est relativement éloignée des maisons du village, mais située elle aussi au milieu des oliviers et en bordure de la route étroite. La fumée et l’odeur de plastique brûlé et de déchets organiques accompagnent ceux qui parcourent cette route.
On ne peut accuser les deux chefs des conseils - Hassan Mafarjah de Beit Liqia et Naji Jamhour de Beit Anan - de ne pas être conscients de l’importance de la préservation de l’environnement. Ils ont suivi des formations, ils ont étudié le fonctionnement de décharges modernes au Japon, ils savent tout sur le tri des ordures et ils savent ce qui arrive aux eaux souterraines.
Ils avaient un rêve : ouvrir un site convenablement aménagé et éloigné des zones bâties, qui aurait servi à sept villages de la région et aurait permis une meilleure protection de l’environnement. Mais l’Administration civile [israélienne] a barré la route qu’ils avaient tracée jusqu’au site et confisqué le camion. C’est un territoire de catégorie C, leur a-t-on dit. Or l’Administration civile est le maître absolu dans le territoire C ( qui est sous complet contrôle israélien) et plus de 95% des terres de ces villages proches de la Ligne Verte sont incluses dans ledit territoire C.
Le territoire C (60% de la Cisjordanie, selon ce qui a été fixé dans les années Oslo) est exactement le territoire qu’Israël lorgne avec l’espoir d’en annexer un bon morceau dans le cadre d’un « accord définitif ». Un développement palestinien de ce territoire menacerait ses chances d’être judaïsé. C’est pourquoi Israël n’autorise pas les Palestiniens à bâtir sur leurs propres terres, à élargir le plan directeur (c’est comme ça que Beit Liqia a des airs de camp de réfugiés) ni à relier des villages au réseau de distribution de l’eau.
Pendant environ quatre ans, les Palestiniens ont mené d’épuisantes négociations avec l’armée et l’Administration civile, sur l’établissement d’une décharge principale et très perfectionnée, sous financement allemand, dans le district de Ramallah. Les autorités militaires et l’Administration civile ont finalement été d’accord pour qu’elle soit établie en territoire C non bâti et non pas juste au milieu des villages en territoire B (sous contrôle administratif palestinien mais contrôle sécuritaire israélien). Cette décharge perfectionnée ne s’ouvrira pas avant 2010, peut-être même 2011. Que se passera-t-il d’ici là ? Dans le district de Ramallah, d’une superficie de 960 km², il y a environ 85 décharges, toutes du même acabit : autorisées mais irrespectueuses de l’environnement. Avant septembre 2000, il y avait 45 décharges locales. Leur nombre a quasiment doublé du fait de la multiplication des checkpoints et des routes barrées.
Aller jusqu’au site de Ramallah, plein à ras bord, ou jusqu’à la décharge d’Al-Azariya à l’est de Jérusalem, ce serait un suicide financier pour les conseils locaux palestiniens. Ils n’ont pour ainsi dire aucun revenu (à cause de l’interdiction de bâtir en territoire C et du manque de rentrées liées aux taxes, du fait de l’accumulation des dettes des habitants qui tardent essentiellement à payer les factures d’eau, à cause de l’appauvrissement général dû à la politique de bouclage).
Aujourd’hui, le conseil ne peut financer le trajet d’un camion à ordures sur une distance supérieure à 10 km, explique Hassan Mafarjah. Outre que, dans toutes les directions, il y a au moins cinq barrages militaires qui garantissent que le chauffeur du camion ne pourra pas effectuer plus d’un trajet le même jour. Il apparaît donc que la convoitise pour les terres palestiniennes l’emporte sur la préservation de la qualité de l’environnement.
Source : http://contreinfo.info
Amira Hass, Haaretz, 5 décembre 2007
Le tableau n’a rien de bucolique : les deux chefs de conseils villageois sont là, devant le dépôt d’immondices de l’un des villages, Beit Liqia, et énumèrent toutes les menaces environnementales. Les maisons du village sont à deux cents mètres. Il y a des gens qui brûlent les déchets (essentiellement pour récupérer le métal des vieux câbles ou le fer des pneus) et alors, s’élève une fumée noire qui parvient aux fenêtres des maisons surpeuplées du village. Tout autour de la décharge, des plantations d’oliviers. Plus personne n’y cueille encore les olives. Sur la décharge du village de Beit Anan, on brûle les immondices. Il est vrai qu’elle est relativement éloignée des maisons du village, mais située elle aussi au milieu des oliviers et en bordure de la route étroite. La fumée et l’odeur de plastique brûlé et de déchets organiques accompagnent ceux qui parcourent cette route.
On ne peut accuser les deux chefs des conseils - Hassan Mafarjah de Beit Liqia et Naji Jamhour de Beit Anan - de ne pas être conscients de l’importance de la préservation de l’environnement. Ils ont suivi des formations, ils ont étudié le fonctionnement de décharges modernes au Japon, ils savent tout sur le tri des ordures et ils savent ce qui arrive aux eaux souterraines.
Ils avaient un rêve : ouvrir un site convenablement aménagé et éloigné des zones bâties, qui aurait servi à sept villages de la région et aurait permis une meilleure protection de l’environnement. Mais l’Administration civile [israélienne] a barré la route qu’ils avaient tracée jusqu’au site et confisqué le camion. C’est un territoire de catégorie C, leur a-t-on dit. Or l’Administration civile est le maître absolu dans le territoire C ( qui est sous complet contrôle israélien) et plus de 95% des terres de ces villages proches de la Ligne Verte sont incluses dans ledit territoire C.
Le territoire C (60% de la Cisjordanie, selon ce qui a été fixé dans les années Oslo) est exactement le territoire qu’Israël lorgne avec l’espoir d’en annexer un bon morceau dans le cadre d’un « accord définitif ». Un développement palestinien de ce territoire menacerait ses chances d’être judaïsé. C’est pourquoi Israël n’autorise pas les Palestiniens à bâtir sur leurs propres terres, à élargir le plan directeur (c’est comme ça que Beit Liqia a des airs de camp de réfugiés) ni à relier des villages au réseau de distribution de l’eau.
Pendant environ quatre ans, les Palestiniens ont mené d’épuisantes négociations avec l’armée et l’Administration civile, sur l’établissement d’une décharge principale et très perfectionnée, sous financement allemand, dans le district de Ramallah. Les autorités militaires et l’Administration civile ont finalement été d’accord pour qu’elle soit établie en territoire C non bâti et non pas juste au milieu des villages en territoire B (sous contrôle administratif palestinien mais contrôle sécuritaire israélien). Cette décharge perfectionnée ne s’ouvrira pas avant 2010, peut-être même 2011. Que se passera-t-il d’ici là ? Dans le district de Ramallah, d’une superficie de 960 km², il y a environ 85 décharges, toutes du même acabit : autorisées mais irrespectueuses de l’environnement. Avant septembre 2000, il y avait 45 décharges locales. Leur nombre a quasiment doublé du fait de la multiplication des checkpoints et des routes barrées.
Aller jusqu’au site de Ramallah, plein à ras bord, ou jusqu’à la décharge d’Al-Azariya à l’est de Jérusalem, ce serait un suicide financier pour les conseils locaux palestiniens. Ils n’ont pour ainsi dire aucun revenu (à cause de l’interdiction de bâtir en territoire C et du manque de rentrées liées aux taxes, du fait de l’accumulation des dettes des habitants qui tardent essentiellement à payer les factures d’eau, à cause de l’appauvrissement général dû à la politique de bouclage).
Aujourd’hui, le conseil ne peut financer le trajet d’un camion à ordures sur une distance supérieure à 10 km, explique Hassan Mafarjah. Outre que, dans toutes les directions, il y a au moins cinq barrages militaires qui garantissent que le chauffeur du camion ne pourra pas effectuer plus d’un trajet le même jour. Il apparaît donc que la convoitise pour les terres palestiniennes l’emporte sur la préservation de la qualité de l’environnement.
Source : http://contreinfo.info