On y est : le grand méchant catho Bolloré chasse les marchands du temple gauchiste à coups de fouet. Canal+ subit une terrible purge. Les éléments subversifs sont alignés le long du mur, et ratata, une rafale de mitraillette couche ces amis de l’humanité souffrante, du téléspectateur, des pauvres, du peuple, quoi.
Ça, c’est la version « gauche libérale avancée sociétale » des médias. Elle satisfait aux critères du catéchisme dominant, donc c’est la version officielle, qui commence logiquement à se répandre. Tous les amis de la liberté d’expression sortent de leur silence et brandissent leur pancarte poussiéreuse, qui date en général de mai 68 et qui a servi pour les manifs Charlie.
Il est vrai que Charline Vanhoenacker et Franck Annese ont été écartés du late show d’Antoine de Caunes, intitulé Antoine s’en mêle, mais ce ne sont pas exactement des subversifs amis de l’humanité. Attention, nous ne sommes pas en train d’applaudir l’éviction de deux êtres humains innocents, victimes de la vigoureuse reprise en main d’un actionnaire déterminé. Nous ne sommes pas pour, ni contre le capitalisme en marche, même quand il est appliqué à la maison du libéralisme cool. Ni pour, ni contre. Nous sommes là pour constater l’ironie de cette histoire : le libéralisme de droite qui punit le libéralisme de gauche, deux branches d’une même maison, la Maison-Mère, qui fait croire à la liberté d’expression, alors qu’elle n’existe objectivement pas en France.
Charline, la nouvelle Pascale Clark
Les chroniques matinales de Charline sur France Inter sont, comment dire, tellement ahurissantes de bien-pensance, respectant en cela les commandements non écrits des chroniqueurs de l’audiovisuel – cibles bien comprises et cibles intouchables – qu’on ne peut parler de censure. Ce sont juste de gentils propagandistes qui ont eu le malheur de se moquer de l’actionnaire, un jour qu’il était pas là. Oui, Bolloré ne plaisante pas avec son image, et punit les insolents. Nous, ça nous arrive tous les jours, et avec une puissance encore plus incommensurable, comme dirait Jean-Marie Le Pen. Quelque chose de l’ordre des foudres de Jupiter. Dans le cas qui nous intéresse, ce qui est drôle, c’est la tête de deux propagandistes virés. Stéphane Guillon et Didier Porte le furent en leur temps sur les antennes de Radio France, lorsque Philippe Val appliqua la mesquine vengeance sarkozienne. Ce qui ne faisait pas de ce duo d’humoristes… de grands subversifs.
C’est évidemment sur cette éviction que la confusion est vite faite : les Guignols ont de la même façon été euthanasiés alors qu’ils étaient à l’agonie depuis 10 ans. Nous n’allons pas relancer le débat sur la fin de vie ici, mais quand Bolloré à débranché les tubes de la quotidienne même plus drôle de Canal, qui finissait par montrer ses canines limées et ses grosses ficelles de soumission à l’Autorité dominante – le vrai CSA (Conseil supérieur de l’audiovisuel), qui n’existe pas officiellement, pas l’autre, dont tout le monde se fout –, on s’est dit qu’il y avait une Justice immanente, mais que les voies du Seigneur étaient imprévisibles. Le contre-pied parfait. Souvent, la main de la Justice se retrouve dans des bras inattendus. Ainsi, lors des batailles rangées entre dealers qui font des morts, et le public et les flics applaudissent.
Nous, avec E&R, n’avons pas les moyens de limiter l’influence des Guignols, ni d’accélérer leur disparition (programmée par l’Évolution), et puis, tout le monde droit manger ; seulement de décrypter ce rire autorisé, qui faisait passer artificiellement Canal pour une chaîne anti-élite, ce qu’elle n’est pas, fondamentalement. C’est même la pure chaîne des élites, qui ne se privent pas pour défiler en boucle sur ses plateaux. Attali et BHL sont chez eux, au Grand Journal. Il y ont chacun un haut-parleur et une paire de pantoufles avec leur prénom brodé dessus en fil d’or, et surtout une grosse bande de lèche-cul prêts à satisfaire tous leurs caprices, comme dans les hôtels de luxe (ou de charme). Non, la chose vraiment comique, pour une fois à Canal, mais hors antenne, c’est la déconvenue de deux faux trublions : Charline la mitrailleuse d’ambulances et Franck Annese, chef d’une petite entreprise de presse, dont la dernière publication, Society , s’est fortement inspirée d’un autre journal (affaire à suivre), beaucoup plus subversif celui-là… Justement, Annese a été reçu à l’Elysée.
Society, So Foot, So Cialiste
C’est pas avec le soutien de François Hollande que Society va avoir des problèmes de mise en place avec les messageries de presse, qui savent très bien relayer les ordres discrets du pouvoir ! Mais s’il n’est pas interdit d’être mainstream – ça se comprend, tout le monde ne veut pas ouvrir les yeux sur la structure réelle du pouvoir et la répression qui en résulte – c’est l’imposture des faux rebelles qui ne passe pas. La puissance du fleuve médiatique dominant arrive à faire passer de petits as du marketing, qui se déguisent en dissidents, pour des symboles de contre-pouvoir. Logique, d’une certaine façon : sans cela, ils ne vendraient pas. D’où l’utilité de la « gauche », un concept flou qui consiste juste à enfiler un masque de mouton sur sa tête de loup. La gauche, c’est un sourire humaniste sur le visage de la prédation. Et le rapport avec Annese et Charline, il est où ?
Vous ne voyez pas ? De bons petits prédateurs qui savent parfaitement cacher leurs objectifs derrière un discours anti-élite superficiel et indolore. Ainsi, So Foot fait-il l’éloge des footballeurs de gauche, ou de la gauche dans le foot. N’importe quel vrai footeux sait que c’est de la footaise, et que Cantona peut se permettre d’être de gauche car il bénéficie d’une rente à vie. Être de gauche, c’est possible, mais uniquement quand on n’a pas de soucis économiques. D’où l’importance du bobo. D’ailleurs, So Foot est un magazine bobo avec un masque popu.
Quant à Charline, elle fait (des sketches) où on lui dit de faire. Le même job que Gaccio à l’époque des Guignols : il dégommait sur ordre ce qui déplaisait à la chaîne. Charline applique le logiciel libéral-sociétal de France Inter : on peut les yeux fermés établir la liste de ses cibles, et de ses intouchables. C’est à ça qu’on reconnaît un imposteur dans ce sport très spécial qu’est « la liberté d’expression ». Ceux qui ont les mêmes listes cibles/intouchables ne sont que des petits valets de la propagande. Dites-nous qui, en télé ou en radio, ose défendre Dieudonné ? Soral ? Ce n’est pas qu’on focalise sur ces deux énergumènes, mais qui sont ceux qui combattent pour la justice, pour les gens, les sans-grade ?
Ah non, pas eux !
Les socialistes ? Allons, soyons sérieux deux minutes. Soral et Dieudonné, ok ça va un peu loin. Alors qui pour défendre Jean-Marie Le Pen sur France Inter, radio de « service public » ? Les électeurs du Front national ne sont pas hors-la-loi, cela se saurait. Alors descendons d’un cran dans l’échelle de diabolisation : qui pour défendre Marine Le Pen sur les antennes d’Inter (le France ayant disparu depuis longtemps) ? Personne ? Et Philippot ? Philippot c’est pas un voyou ni un rouge-brun, que diable ! Non, même pas ? Pourquoi Charline vise-t-elle toujours les mêmes ? Le pape et les beaufs ? Les fachos et les patriotes ? Les cathos et les muslims ?
Ah, mais il y a la liberté d’expression, et il y a la carrière, ma bonne dame. Il faut choisir, ou panacher. Un peu trop de parole non alignée, et c’est le frein sur la carrière, qui ne se débloque qu’en cas de « demande de pardon ».
La vraie différence entre la liberté d’expression de Charline et la liberté d’expression sur E&R, c’est que nous, on a renoncé à toute carrière. C’est pour ça qu’on fera carrière… dans l’esprit des gens. Pas elle. Quand son masque tombera, elle tombera aussi. Nous, on n’a pas de masque. Si on tombe, ce ne sera pas pour imposture.
Allez, les subversifs à la petite semaine, à la gamelle ! Allez écrire vos chroniques sulfureuses sur le pape, sur Sarko, sur Bolloré, sur Le Pen, sur la grande distrib, sur Monsanto, Morano !… mais ne touchez pas à la dream team du système médiatico-politique. Il pourrait vous en cuire, et vous carboniser.
Allez, les pétochards subventionnés, pourfendeurs de lions morts, bon courage quand même dans le drame que vous traversez, n’oubliez pas que l’Évolution en matière politico-médiatique a toujours été une conséquence de la liberté d’expression, établie par des précurseurs, et pillée par des exploiteurs…
On ne doute pas que vous allez retrouver du « travail » très vite, avec votre nouveau CV de dissident compatible avec le système. Nous, c’est pas la même histoire.
Deux articles qui illustrent notre propos :