Les « Panama Papers », analysés par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) et le quotidien israélien Haaretz, ont mis en lumière le curieux mélange des genres de l’Autorité palestinienne et de l’un des fils de son président, Mahmoud Abbas.
L’affaire est née dans le secret du cabinet fiscal Mossack Fonseca, au Panama. Il immatricule en septembre 1994 la société Arab Palestinian Investment Company (APIC) aux îles Vierges britanniques. Yasser Arafat est alors le chef de la Palestine, Mahmoud Abbas a conduit la délégation palestinienne qui a signé les accords d’Oslo un an plus tôt.
Les actionnaires d’APIC se réunissent la première fois le 24 mai 1995 à l’hôtel Sheraton de Dubaï. Le cheikh Omar Aggad, un homme d’affaires saoudien d’origine palestinienne, est nommé administrateur. Il évoque, selon le procès-verbal, « les objectifs généraux de la société, la situation économique dans le monde arabe et les territoires occupés, ainsi que les obstacles rencontrés par les investisseurs. Il a souligné qu’il leur fallait créer des emplois pour éviter que l’économie palestinienne ne pâtisse de celle d’Israël ». Effectivement, en vingt ans, APIC est devenu un géant économique en Palestine. La société a aujourd’hui des activités dans presque tous les domaines : l’alimentation, le matériel médical, la communication, les véhicules ou les centres commerciaux. Elle est même cotée depuis 2014 à la Bourse palestinienne. Son directeur général et président du conseil d’administration est Tarek Aggad, fils d’Omar Aggad.
L’Autorité palestinienne, indirectement, y pèse lourd depuis 1994. Mahmoud Abbas a en effet pris par décret le contrôle d’un puissant fonds d’investissement, le Palestinian Investment Fund (PIF). « Ce décret présidentiel place le PIF plus directement sous le contrôle du cabinet du président, écrit Jake Walles, alors consul des États-Unis à Jérusalem, dans un câble de février 2006 dévoilé par WikiLeaks. Le portefeuille d’investissement de plus d’un milliard de dollars du PIF (…) est maintenant mieux contrôlé par le président Abbas grâce à un conseil d’administration qu’il a choisi, à l’exception des postes ministériels ». L’Autorité palestinienne n’a certes pas d’actions dans APIC, mais le PIF détient 18 % du capital de la société offshore.
Des liens financiers et personnels
Les liens entre APIC et l’Autorité palestinienne ne sont d’ailleurs pas seulement financiers. Mohammed Rashid, proche confident et gestionnaire financier de Yasser Arafat, était membre du conseil d’administration d’APIC et président du PIF. En 2012, un tribunal palestinien l’a jugé coupable par contumace du détournement de plusieurs millions de dollars – dont une partie volée au PIF. Or, en 2011, un nouveau membre a fait son entrée au conseil d’administration d’APIC : Tarek Abbas, l’un des fils du chef de l’Autorité palestinienne. Sa nomination était connue, mais les « Panama Papers » révèlent qu’il détenait en juin 2013 pour 982 000 dollars d’actions dans la société des îles Vierges.
Le cabinet Mossack Fonseca n’a pas fait le lien entre Tarek Abbas et son père
Tarek Abbas est par ailleurs un homme d’affaires puissant. Il était déjà directeur général adjoint de l’agence de communication Sky, qui domine le marché publicitaire palestinien, lorsqu’APIC l’a rachetée en 1999 – il en est devenu le président du conseil d’administration, au nom d’APIC. Sky a signé en 2006 un contrat pour une campagne de communication visant à améliorer l’image des Etats-Unis dans les territoires occupés. Kareem Shehadeh, l’avocat de Tarek et de Yasser, les fils Abbas, a indiqué à l’époque que laisser entendre que le choix de l’agence reposait sur ses liens avec la famille Abbas était « contraire à l’éthique, et sans fondement ».