La jeune fille qui est censée avoir "quinze ou seize ans" joue quand même au cerceau... Je ne sais pas si chez vous les figurines Spiderman étaient encore à la mode au lycée, mais de telles distractions me semblent bien incongrues à cet âge. La chanson se termine d’ailleurs par ces paroles :
Tu reviendras me voir bientôt
Le jour où ça ne m’ira plus
Quand sous ta robe il n’y aura plus
Le Code pénal
En outre, l’extrait de "Paris je ne t’aime plus" cité par notre ami plus haut est assez révélateur du degré de pertinence de Léo Ferré en politique. Il ne faudrait pas non plus oublier qu’il n’a rien trouvé à faire de mieux, au moment où dans l’air planait un parfum d’insurrection douteuse, autour des années 70, que d’enregistrer un album avec un groupe de rock, dans lequel, entre autres choses, il célèbre la culture pop et compare ses représentants à des albatros baudelairiens...
Léo Ferré est un anarchiste en carton, opportuniste et mégalomane. C’est ce qui le distingue radicalement des authentiques chanteurs français excellents et nobles, comme Brassens ou Brel (surtout Brassens), qui ont été antimodernes avec constance, sont toujours restés humbles, et ne se sont pas jetés sur l’occasion vulgaire de séduire le jeune public en s’américanisant.
Une petite anecdote illustre le fossé qui les sépare de façon amusante : dans l’interview d’où est issue la célèbre photo qui a implanté dans les esprits l’idée que Ferré était un grand de la même essence que Brassens ou Brel, l’animateur pose la question de savoir comment ils voient leur rôle de chanteur. Ferré commence à répondre avec l’arrogance ridicule de faux poète maudit qui le caractérise : "Je vais vous dire ce qu’on est... on est..." (j’imagine qu’il s’apprêtait à se décrire, avec la grandiloquence poétique de rigueur, comme une étoile merveilleuse qui éclaire l’humanité dans sa lutte pour la liberté ou quelque chose comme ça) Mais à ce moment-là, Brassens l’interrompt en disant "on est de pauvres connards devant des micros."
Ferré avait une présomption excessive, inversement proportionnelle à son talent d’auteur et de chanteur (j’exagère un peu, je l’admets !). C’était exactement le contraire pour Brassens.
Je précise quand même que j’aime bien Ferré, j’écoute quotidiennement ses adaptations d’Aragon, j’apprécie "Avec le temps", "La the nana", "La mémoire et la mer" et quelques autres... Mais je considère que cette sale habitude de le placer aux côtés de Brel et Brassens est infondée.