C’est l’histoire d’un rabbin orthodoxe (la tendance assez radicale, qui ne rigole pas), qui arrangeait pour des Américaines de confession juive des divorces avec des maris qui ne voulaient pas divorcer, mais qui avaient visiblement de l’argent.
La méthode du rabbin Mendel Epstein était simple : il débarquait avec une dizaine de gros bras chez les maris récalcitrants, et le convainquait d’accepter le divorce – synonyme d’avantages financiers pour l’épouse « meurtrie » – avec des moyens assez peu orthodoxes.
Jugez donc : des pinces et lames chirurgicales, de celles qu’on peut voir dans le film Marathon Man, des outils divers, des paires de menottes et une corde, afin de séquestrer et de travailler un peu le mari à la moyenâgeuse. Mais le clou de l’opération, c’était ce qu’on appelle chez nous « l’aiguillon électrique », qui permet aux éleveurs de rediriger un taureau têtu, ou agressif. Cet appareil, dont le rabbin lui-même déclarait au téléphone, sans savoir qu’il était sur écoute, que si ce « pousseur de bœufs » pouvait faire « bouger un bœuf de cinq tonnes, a fortiori un homme comprendrait en moins d’une minute », était donc utilisé sans vergogne par le septuagénaire, qui a été, d’après lui, « rattrapé par son passé de gros bras ».
Epstein a été piégé par un couple d’agents du FBI déguisés en frère et sœur, sœur qui voulait pousser son mari à divorcer. La fausse sœur s’est fait extorquer 60 000 dollars pour l’opération, et les agents en question, lors du procès, ont noté qu’une petite partie seulement du butin était allée à l’équipe de gros bras embauchée par le rabbin. Au cours de ce dispositif piège, l’équipe d’agents a appris, de la bouche même d’Epstein, qu’il réalisait chaque année ce genre de « travail ».
Kidnappeur, bourreau, et rapiat
La juge Wolfson n’a pas été sensible aux arguments d’Epstein lui-même (il arguait qu’il faisait le bien, en arguant que sa « réputation de dur » aidait à décider ou punir des « dépravés »), de son avocat, ou de la fille (les rabbins comme les pasteurs peuvent se marier), qui eux demandaient à la juge de prendre en compte toutes les actions, bonnes et mauvaises, de leur client ou père, dans son « être entier ».
Car Epstein a, au cours de sa vie d’homme de Dieu, sans doute réalisé quelques œuvres charitables, comme ce livre sorti en 1989, un guide pour aider les épouses en détresse… Une sorte de constitution de clientèle future… devenue la bible de l’arnaqueur.
Malgré ces pleurnicheries, Epstein, ce père de neuf enfants, grand-père de 45 petits-enfants, et arrière-grand-père de cinq autres rejetons, à 70 ans, n’a pas ému la juge et a écopé après huit semaines de procès de 10 ans de prison ferme. Déclenchant la colère de sites juifs orthodoxes, qui parlent d’une peine disproportionnée et d’une « condamnation sans crime ». Son avocat a annoncé qu’il allait faire appel de la sentence. Mais la procédure a peu de chances d’aboutir, car la juge a voulu faire un exemple, afin de dissuader d’autres candidats à la séquestration et à la torture de se faire justice eux-mêmes. On ne plaisante pas avec la justice américaine.
Par ailleurs, un second rabbin, Binyamin Stimler, âgé de 40 ans et habitant Brooklyn, a pris lui près de quatre ans de prison pour complicité et son rôle dans les plans douteux d’Epstein. Déclaré coupable de « conspiration » comme son maître, ce qui vaut crime outre-Atlantique.