Selon les chiffres officiels, le nombre de chômeurs (dans une définition très stricte qui ne les prend pas tous en compte), vient de repasser le cap des 3 millions en métropole. Pourtant, demain, le gouvernement présentera un budget va très largement aggraver la situation.
Le cancer oublié de notre société
La question du chômage et de l’emploi est sans doute celle qui me révolte le plus, depuis plus de 20 ans. Car cela fait maintenant plus de trente ans que notre pays subit un chômage de masse, et que ce chômage abîme notre société en créant beaucoup de malheurs. En 1983, le PS a préféré défendre le cours du franc face au mark plutôt que de soutenir la croissance. En 1991, rebelote, la parité monétaire passe avant le destin de centaines de milliers de citoyens et de leur famille.
En 1995, pourtant élu sur le thème de la fracture sociale, Jacques Chirac donne la priorité au redressement rapide des finances publique. Le gouvernement Jospin fut extrêmement passif sur le sujet. Seul Villepin a semblé un minimum volontaire sur le sujet et obtenu quelques résultats. Quant à l’agitation et les quelques coups d’éclat de Nicolas Sarkozy, ils servaient surtout à donner le change dans les médias, en l’absence de véritable politique destinée à promouvoir l’emploi.
Alors bien sûr, ce gouvernement va parler des emplois de génération, des contrats aidés ou de la Banque Publique d’Investissement. Tout ceci est mieux que rien, mais malheureusement, cela est très largement insuffisant, surtout dans un contexte récessif, que l’équipe au pouvoir va très largement aggraver l’an prochain avec le budget d’austérité qui sera présenté demain. Bref, dans deux ans, notre pays pourrait bien compter au moins un demi-million de chômeurs de plus !
Le gouvernement hors-sujet
En donnant la priorité à la réduction des déficits, le capitaine Jean-Marc Ayrault remplace les ampoules usées sur un bateau qui a une voie d’eau. D’ailleurs, beaucoup d’économistes progressistes sont vent debout contre les projets du gouvernement. Extrêmement sévère, Jacques Sapir, sur le blog qu’il vient de lancer, parle du « pari stupide » de François Hollande qui « se comporte comme un enfant qui a mal aux dents mais qui a encore plus peur du dentiste ».
Mais il n’est pas le seul. Même les économistes progressistes favorables à l’euro, qui avaient largement soutenu François Hollande pendant la campagne présidentielle, sont devenus très critiques. Comme le rapporte Challenges, Thomas Piketty dénonce les « bricolages » fiscaux et ironise sur « dix ans d’opposition pour arriver à un projet aussi mal ficelé », également critiqué par Henri Sterdyniak. Philippe Aghion et Daniel Cohen dénoncent le fétichisme des 3% en 2013.
Le gouvernement prend une mauvaise direction car il est coincé dans une prison mentale. Quand on refuse de remettre en cause l’objectif de 3% de déficit budgétaire, nous imposant une récession inutile, que l’on refuse de remettre en cause le libre-échange, qui provoque des délocalisations massives de nos emplois industriels (et même de services), que l’on refuse la monétisation de la banque centrale, qui permettrait de financer les investissements, on ne peut pas faire grand chose.
Les gouvernements disent faire de la lutte contre le chômage la priorité N°1. Mais en réalité, on voit que la défense d’une monnaie chère ou de l’équilibre budgétaire viennet avant. Problème, nos déficits viennent du chômage de masse et non l’inverse. Ils combattent les conséquences en oubliant les causes.