Cristina Kirchner, qui quittera la présidence de l’Argentine après la présidentielle du 25 octobre, a redressé avec son mari Nestor l’économie du pays après la crise de 2001 et suscité un rejet de sa personne, notamment dans les classes aisées.
Le 10 décembre 2007, Cristina Kirchner reçoit le « bâton présidentiel » des mains de son mari Nestor sous le regard du vice-président de l’époque Daniel Scioli, qui pourrait maintenant devenir le prochain président de l’Argentine.
À 62 ans, elle ne pouvait pas se représenter dimanche pour un troisième mandat consécutif, mais pourrait briguer un nouveau mandat en 2019.
Elle a succédé en 2007 à Nestor Kirchner (2003-2007) pour poursuivre son action et elle aura finalement accentué la confrontation avec l’establishment économique, au premier rang desquels les fermiers exportateurs de soja et le puissant groupe de presse Clarin.
Cristina Kirchner a imprimé un style tout en confrontation, en rupture avec l’histoire politique argentine.
Sa cote de popularité dépasse les 50 %. Elle est notamment adorée des plus pauvres qui bénéficient des allocations familiales, subventions aux factures d’électricité, d’eau ou de gaz, voire d’emplois publics.
La « rénovation de la patrie » va se poursuivre avec Daniel Scioli, candidat du Front pour la victoire (FPV, gauche) au pouvoir, assure-t-elle. Lors d’un rassemblement à dix jours du scrutin, Mme Kirchner a regardé Scioli dans les yeux et l’a sommé « d’approfondir le processus d’industrialisation, de donner continuité au projet, comme le font les grands pays ».
Les milieux d’affaires estiment au contraire que l’Argentine s’est isolée en rompant avec le FMI et que les mesures protectionnistes de son gouvernement dissuadent les investisseurs.
« Elle est prétentieuse et menteuse. La seule chose que je désire est qu’elle s’en aille. C’est simple, je la déteste », confie à l’AFP Monica Gurfinkel, secrétaire dans un cabinet médical, 48 ans, qui estime avoir vu « le pire gouvernement » de l’histoire de l’Argentine.
À l’inverse, Juan Bertone, employé de banque, voit en elle une chef d’État de grande stature. « Une femme courageuse qui a amélioré nos conditions de vie grâce (à la mesure d’ajustement obligatoire des salaires sur l’inflation) et défendu les véritables intérêts du pays. On l’aime. »
Adepte des interventions télévisées, une quarantaine depuis le début de l’année, elle y fait régulièrement le bilan des années Kirchner en assommant de chiffres les téléspectateurs.
De Washington à La Havane
Sur le plan diplomatique, Cristina Kirchner s’est affichée aux côtés de Vladimir Poutine, des présidents chinois, iranien et s’est rapproché de l’axe bolivarien d’Hugo Chávez (Venezuela), Raúl Castro (Cuba) ou Evo Morales (Bolivie), s’éloignant d’alliés traditionnels comme l’Europe et les États-Unis.
Elle revendique les Îles Malouines, archipel inhospitalier de l’Atlantique Sud propriété du Royaume-Uni, et a tenu tête aux fonds « vautours » américains qui réclament en justice des résidus de dette et refusent les allègements de dette consentis par 93 % des créanciers après la crise économique de 2001.
Née à La Plata, près de Buenos Aires, elle fait la connaissance de Nestor Kirchner alors qu’elle est étudiante, à 20 ans. Ils se marient six mois plus tard. Ils auront deux enfants, Maximo et Florencia, 24 ans. Pendant la dictature (1976-1983), ils filent en Patagonie où ils font fortune comme avocats. Lui deviendra gouverneur de la province de Santa Cruz, elle sénatrice.
Cette avocate, catholique pratiquante, a légalisé le mariage homosexuel, permis aux travestis de changer de sexe à l’état civil sans opération. En revanche, elle est résolument opposée à l’avortement. Le pape François l’a reçue à diverses reprises au Vatican, à Asuncion ou La Havane. La relation était moins bonne du temps où il était encore le cardinal Jorge Bergoglio, archevêque de Buenos Aires. Les Kirchner lui reprochaient ses sermons dans lesquels le prélat leur demandait de lutter plus contre la pauvreté.
Des proches de la présidente et son fils sont soupçonnés d’enrichissement personnel dans des conditions douteuses dans la province de Santa Cruz, fief des Kirchner en Patagonie, mais la corruption ne fait pas partie des principales préoccupations des Argentins. « Des mensonges », répond Mme Kirchner, elle-même l’objet de plaintes pour corruption qui n’ont pas abouti jusqu’ici.
Veuve depuis la mort en 2010 de Nestor Kirchner, d’une crise cardiaque, Cristina Kirchner a gouverné de manière autoritaire en s’appuyant sur un cercle restreint de conseillers, dont Carlos Zanini, qu’elle a imposé comme candidat à la vice-présidence, et son fils Maximo, 38 ans, candidat à un siège de député.
Que fera-t-elle à partir du 10 décembre, quand elle cèdera le fauteuil présidentiel ? La première femme élue présidente de l’Argentine, « ne va pas se contenter de faire du jardinage et de s’occuper de ses petits enfants », avertit le chef du gouvernement, Anibal Fernandez.