Organisée à l’appel de sociétés civiles de wilayas du sud du pays, Tamanrasset, Adrar, Illizi et Ghardaïa, de Saïda Benhabylès, présidente d’association, et la revue El-Djazair.Com, une rencontre sur les prises d’otages, notamment le rapt de diplomates algériens à Gao, au nord du Mali, s’est tenue, hier, à l’hôtel El Aurassi, avec la participation de grosses pointures du renseignement, des ambassadeurs en Algérie de l’Autriche, de Cuba, du Venezuela, d’un représentant de l’ambassadeur de la République arabe du Sahara Occidental (RASD) et d’experts. Ont également participé à la rencontre, les familles de nos diplomates enlevés à Gao et des notables touaregs, dont Akhamoukh.
D’emblée, Saïda Benhabylès a déclaré qu’au Sahel « c’est une situation qui n’inspire pas confiance, qui menace la paix, la stabilité et surtout la cohésion sociale ». « On a voulu et réussi, par tous les moyens, à obtenir la caution de l’opinion publique pour l’ingérence étrangère dans la région », selon elle. « Je remercie les familles des diplomates enlevés qui sont venues, ici, pour rejeter l’ingérence étrangère », ajoute-t-elle. Intervenant à son tour, Yves Bonnet, ancien patron de la DST (services secrets français), explique « l’évolution » du terrorisme, à travers le temps, tout en rappelant que « le terrorisme n’a jamais fait fléchir une région ou lui a fait changer sa ligne de conduite ».
« L’Algérie a fait face, durant les années 1990, au terrorisme, avec ses propres moyens et par le sacrifice de ses enfants ». « L’Algérie avait alerté la communauté internationale sur le caractère transfrontalier du terrorisme, et quand je défendais la vision algérienne, on me taxait d’homme des généraux. Le temps a fini par donner raison à la juste réflexion algérienne », lance-t-il. « Il faut rendre hommage à ces généraux qui ont défendu l’Algérie quand le pays était en isolement », ajoute-t-il.
Lors de son intervention, Yves Bonnet, ancien patron de la DST, rappelle avoir, lui et d’autres personnes, fait le déplacement à Tripoli puis à Benghazi, en Libye. « Cet Etat fonctionnait nettement mieux qu’en l’état actuel », selon lui, ajoutant avoir alerté sur le fondamentalisme religieux. « Moins les forces occidentales s’occupent des affaires des autres, mieux ça ira », a-t-il dit. Yves Bonnet plaide, par ailleurs, pour
« le rapprochement total entre l’Algérie et la France, face aux menaces qui pèsent sur la région du Sahel ». « La menace n’est pas seulement terroriste, mais également liée à d’autres organisations criminelles et les narcotrafiquants, notamment latino-américains et mexicains qui inondent le Mali et la Mauritanie », selon Yves bonnet.
« L’Algérie paye pour avoir combattu le terrorisme dans les années 1990 »
Anna Marie Lisa, présidente honoraire du Sénat belge, accuse, quant à elle, ouvertement l’Arabie Saoudite « d’œuvrer à déstabiliser volontairement les frontières sud de l’Algérie à travers, notamment, le financement des salafistes et djihadistes ». « L’Algérie, et par le rapt de ses diplomates à Gao, paye pour avoir combattu le terrorisme durant les années 1990 », selon elle. « Les auteurs du rapt se sont, en particulier, attaqués au symbole de l’Algérie, en la personne des diplomates enlevés », explique-t-elle.
« Ceci, au moment où de l’argent, provenant de paiements de rançons, et autres, arrive, de la façon la plus illégale qui soit, aux terroristes sévissant dans la région », dénonce-t-elle. « C’est une œuvre de déstabilisation qui cible l’Algérie, entretenue par des bailleurs de fonds saoudiens », insiste la présidente honoraire du Sénat belge.
Prenant la parole, Eric Denussy, directeur du Centre français de recherches sur le terrorisme, et ancien officier des services secrets, tire la sonnette d’alarme : « La situation est très grave. L’Algérie est considérée par le Qatar et l’Arabie Saoudite, et par l’alliance entre les USA et les Frères musulmans, comme le domino qui n’est pas tombé et qui doit tomber, coûte que coûte. » Il accuse l’Otan d’avoir reconfiguré le terrorisme dans la région du Sahel, avec l’intervention militaire engagée dans ce pays.
« Certains pays ont même largué des armes, profitant, du coup aux terroristes du GIA, devenu GSPC puis AQMI, après que les terroristes eurent été défaits en Algérie et fui vers le Sud », ajoute-t-il. « Ils ne comprennent pas comment l’Algérie n’a pas chuté avec le printemps arabe et veulent déstabiliser ce pays coûte que coûte », lance-t-il.
Il s’interroge : « Comment l’Occident peut-il donner des leçons de démocratie à la Libye et à la Syrie en s’alliant à l’Arabie Saoudite et le Qatar ? » Comme il se demande : « Comment le Qatar donne-t-il des leçons de démocratie à la Syrie, pays à la civilisation millénaire ? » Richard Labévière, journaliste, essayiste, spécialisé dans le terrorisme, abonde dans le même sens, accusant d’autres parties de tenter de déstabiliser l’Algérie et toute la région du Sahel.