TRIBUNE « RELIGION, FÉMINISME, LAÏCITÉ » présentée par celles et ceux qui soutiennent la motion présentée par Anne, Cathy, Galia, Guillaume, Ingrid (CPN)
Dans ce débat, il nous semble que le NPA doit clarifier une série d’éléments :
1. Nous sommes face à un contexte marqué par une offensive raciste, visant en particulier les musulmans mais aussi les Roms, et une offensive antiféministe. Ce contexte rend très concrète l’obligation qui nous est faite d’unifier les oppriméEs et les exploitéEs sur un programme. Cela entraîne la nécessité permanente de prendre en charge concrètement l’ensemble des oppressions sans les hiérarchiser. L’articulation des différentes oppressions est un défi difficile, mais on ne peut se permettre d’y renoncer. Cela signifie notamment qu’on ne s’allie pas au gouvernement au nom du féminisme ni aux fondamentalistes religieux au nom de l’antiracisme.
2. Nous ne nous définissons pas par rapport à la religion, nous mettons dieu « hors-champ » tout en n’observant aucune autocensure s’agissant de la critique de la religion, et en combattant les pouvoirs religieux et les conceptions réactionnaires que les religions véhiculent.
3. Ce choix est contradictoire avec le fait de mettre nous-mêmes la religion en avant et d’en faire un axe d’intervention politique, comme l’ont parfois fait les camarades du Comité populaire d’Avignon. Le NPA doit affirmer l’unité de classe au-delà des différences « communautaires ».
4. Nous ne nous référons pas à la laïcité comme à un héritage de la iiie République, mais comme à un combat : comme enjeu plus que jamais actuel, elle est partie intégrante de notre programme et de notre projet.
5. Nous comprenons que le port du foulard islamique puisse renvoyer à des motivations individuelles très diverses. Certes, dans le cadre de la stigmatisation des musulmans, qui s’exprime avec violence, certains musulmans souhaitent publiquement affirmer qu’ils le sont. Mais nous avons un avis sur le symbole utilisé dans ce cas d’espèce : nous considérons qu’un signe religieux qui symbolise et manifeste l’oppression des femmes n’est pas un bon choix. Le foulard islamique a un sens général, largement reconnu comme tel, celui que lui donnent ceux qui en ont fait une injonction en islam (et les autres monothéismes avant lui), lui associant des pratiques sociales que nous combattons. Le voile se situe dans la longue tradition patriarcale de la plupart des religions, qui ont cherché à contrôler le corps et la sexualité des femmes, pour les assigner à un rôle spécifique et subordonné dans la société, une tradition aujourd’hui ravivée. Cette conception est contradictoire avec notre projet féministe et démocratique.
6. La contradiction liée au port du foulard islamique n’est pas en tant que telle un obstacle à l’adhésion au NPA. Il existe bien d’autres contradictions, moins visibles mais pas moins réelles. Dès lors que le NPA a un point de vue connu de toutes et tous, elles ne posent pas de problème insurmontable.
7. En revanche, les choses sont différentes dans le domaine de la représentation publique car c’est l’ensemble du parti qui se trouve alors en position d’assumer la contradiction. Le NPA ne peut être représenté par ce symbole qu’est le foulard ni par un autre signe religieux ostensible quelle que soit la religion.
DÉBATTRE, TRANCHER, SE RASSEMBLER
par Fadela (CQP13), Marga (CQP13 et CPN), Nico (CQP13), Samy (CPN) Les cinq motions que nous avons déposées ont obtenu une majorité lors du dernier CPN. Il est légitime que ceux qui en sentent la possibilité soumettent au vote des résolutions d’ensemble. Que le parti se prononce. Cela dit, nous estimons que le parti est trop divisé pour qu’une forte majorité se dégage. Nous souhaitons donc, en plus de ces votes de fond, que le NPA puisse donner, de manière la plus unie possible, des indications sur les principales questions. Deux de ces motions concernent le fait de savoir si notre parti peut admettre des partisans de croyances particulières (religieuses par exemple) et proposent une réponse positive. Elles affirment un droit de critique sans limites (y compris donc des religions) et donnent une définition globale de la laïcité qui devrait faire un large accord.
Une autre de ces motions, largement approuvée lors de ce vote, concerne la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, arme dont les classes dominantes usent plus que jamais dans le développement de la crise actuelle du capitalisme et qui s’étend à un racisme d’État. Elle condamne les attaques brutales contre les Roms et le rôle grandissant de la stigmatisation des musulmanEs et de l’islamophobie.
La motion 3 concerne la question du foulard islamique en tant que tel. On connaît maintenant la masse de questions à discuter à ce propos, dont certaines nous divisent très profondément. En particulier quant au sens global qu’a ou n’a pas le port du foulard, et sur la nature de ce symbole potentiel. Chacun se prononcera. Mais nous avons la chance de disposer par ailleurs d’une formulation qui a été adoptée à la quasi-unanimité du CE en février dernier, et qui pourrait être à nouveau énoncée en commun, donc d’une manière plus large. Elle indique que « le voile est un instrument de soumission des femmes utilisé sous diverses formes et à diverses époques par les trois monothéismes, même si certaines femmes qui choisissent de le porter ne lui donnent pas ce sens. »
La question la plus délicate concerne la représentation du parti avec des signes religieux visibles. Nous sommes opposés à ce que l’on désigne nos candidats au nom d’une religion. Pour l’instant, en France, pas plus dans le pays en général que dans l’immigration et ses héritiers, le choix de mettre en avant la religion n’est une option souhaitée, ni évidemment soutenable par le NPA, dans les quartiers populaires ou ailleurs. Ceci s’oppose à l’analyse avancée par des camarades du 84, qui disent : « La forme islamophobe que prend le racisme et la discrimination des enfants d’immigrés fait que la religion musulmane sera une des portes d’entrée en politique de ces populations. Nous devons nous en féliciter plus que le craindre ». Cette analyse a sous-tendu une partie de la campagne des régionales dans le 84, sans aucun impact sur les populations concernées, ce qui ne nous étonne pas. Par ailleurs, nous sommes opposés à un « double statut » au NPA et il en découle que tous les adhérentEs, même croyants visibles, peuvent postuler à la candidature. Notre motion indique que nous pourrions l’accepter par exemple pour unE dirigeantE grandement reconnuE dans la lutte des sans-papiers, de la grande distribution, du nettoyage, du mouvement social d’une manière plus générale. Mais à partir du moment où la croyance apparaîtrait publiquement, il est indispensable que ne subsiste aucune ambiguïté sur le sens de la candidature.
DES CHEMINEMENTS DIVERS, UN ENGAGEMENT COMMUN ANTICAPITALISTE, FÉMINISTE, ANTIRACISTE ET LAÏQUE, DES DROITS ÉGAUX (Sensibilité À Égalité)
Après le 11 septembre 2001, le « nouvel ennemi » terroriste a servi à légitimer les guerres pour le contrôle de l’or noir et à diviser les fronts de résistance aux oppressions croisées. Le climat qui a régné en France autour de (et depuis) la loi de 2004 a été marqué par une composante raciste se camouflant derrière l’hostilité à l’islam, mais aussi par l’identification croissante de la « visibilité » de l’islam à une menace contre la laïcité ou/et une trahison de la solidarité à l’égard des femmes résistant aux courants intégristes voulant imposer le port d’un foulard islamique.
Notre « sensibilité » s’exprimant sur une liste « À_Égalité » a combattu ces tendances et la vision unilatérale des rapports de force mondiaux (et c’est un débat qui se poursuivra évidemment après le congrès) : face à la montée des intégrismes, nous avons souligné les résistances intérieures provenant des croyantEs et critiqué les approches a-temporelles de « la religion », de l’islam et du foulard islamique, à partir d’une « essence » faisant fi des contextes et logiques antagonistes à l’œuvre. Enfin, nous considérons comme un acquis la séparation de l’État de tout pouvoir d’ingérence politique de l’Église et de tout clergé. Mais nous avons contesté toute identification de la laïcité à un renvoi de la religion dans l’espace privé : de ce point de vue, la visibilité du foulard (en dehors de la fonction publique) n’est pas antilaïque. Dans les motions présentées au vote du congrès, cette interprétation de la laïcité domine, et donc nous nous retrouvons en accord avec elle – ce qui laisse évidemment bien des débats à approfondir. Dans la mesure où il n’y a pas de courants défendant l’idée que le NPA doit être un parti d’athées, les divergences sur les motions présentées au congrès se concentrent sur la façon de présenter le foulard islamique et sur le statut des croyants dans le parti.
L’amendement que nous défendons sur le premier thème est le suivant : « Nous dénonçons [...] toutes les idéologies et pratiques de contrôle par les pouvoirs patriarcaux, religieux ou athées, des choix vestimentaires des femmes. Le voile a été utilisé sous diverses formes et à diverses époques par les trois monothéismes comme instrument de soumission des femmes et reste imposé aujourd’hui par certains régimes et courants intégristes. Par ailleurs, à un niveau personnel, le port comme le retrait du voile sont des choix complexes pour chaque femme concernée, selon les contextes. On ne peut donc désigner un sens global, unilatéral et univoque du voile. Pour notre part, en accord avec notre conception de la laïcité, nous opposons systématiquement à la fois à l’imposition du voile et à son interdiction. »
C’est cette interprétation sous-jacente, et l’accent sur l’accord sur notre programme politique qui fondent à nos yeux l’égalité des droits : « Un militant ou une militante manifestant une croyance religieuse a, comme tous les autres adhérentEs, le droit le droit de postuler pour représenter le parti lors d’élections. Cette candidature qui, comme toutes les autres, s’appuie sur l’engagement du-de la camarade dans les luttes sociales et locales, défend exclusivement et intégralement les principes (notamment de laïcité) et le programme du NPA ». Sur des bases programmatiques communes, le parti a tout à gagner à « montrer » sa diversité comme élément de sa cohérence et de droits égaux.