Stockholm, correspondance - Les étrangers vivant au Danemark pourraient dans un avenir proche avoir à payer leur droit aux prestations sociales, éducation ou soins par exemple, à la différence des Danois. Cette proposition, faite fin mars par le premier ministre libéral danois Lars Løkke Rasmussen, est largement soutenu par une majorité des Danois. Selon un sondage publié par le quotidien Berlingske, 59% des Danois sont de cet avis.
Mercredi 6 avril, le ministère danois de l’emploi a précisé un peu le contexte dans lequel s’inscrirait un tel dispositif, sans que les détails n’en soient encore connus. Sur le fond, le constat est simple : l’Etat-providence danois est en crise. "Dans la situation actuelle, a déclaré la ministre de l’emploi Inger Støjberg, on peut venir au Danemark et profiter dès le premier jour de pratiquement toutes nos prestations d’aide sociale, sans que l’on exige en retour de contribuer à la communauté".
Selon des informations recueillies par le journal Berlingske, le plan pourrait signifier entre autres que les étrangers devraient avoir une assurance privée pour couvrir leurs soins de santé les quatre premières années de leur séjour. "Il sera plus dur d’attirer des employés de l’étranger si ces derniers doivent payer les impôts parmi les plus élevés au monde sans avoir droit aux mêmes services que leurs collègues", critique Thomas Christensen, conseiller de Dansk Industri, le patronat danois.
SCEPTICISME DU PARTI CONSERVATEUR
La proposition du premier ministre est soutenue par son parti libéral et par l’extrême-droite. Mais l’autre parti du gouvernement, le parti conservateur, est sceptique, à l’instar du patronat. Il craint que cette discrimination ne décourage les étrangers de venir travailler au Danemark et que cela cause du tort aux entreprises danoises qui auront du mal à recruter la main d’œuvre dont elle a besoin. A l’instar de la ministre de l’économie française, Christine Lagarde, qui a pris ses distances, jeudi soir, avec le ministre de l’intérieur, Claude Guéant, qui proposait une limitation de l’immigration du travail.
"L’immigration qui est légale, évidemment il faut qu’elle soit protégée et sécurisée, a affirmé la ministre de l’économie. Dans le long terme, on aura besoin de main d’œuvre".
Mais depuis l’entrée de l’extrême-droite au parlement danois en 1998, et son soutien au gouvernement minoritaire libéral-conservateur depuis 2001, c’est une grande partie de la société danoise qui a durci son discours vis-à-vis des étrangers, même si ces derniers sont relativement peu nombreux. Les Danois sont généralement de l’avis que les étrangers doivent s’assimiler, devenir Danois, et adopter les coutumes et les valeurs danoises.
Ainsi, réagissant à l’idée du premier ministre, Villy Søvndal, président du parti de gauche, s’inquiète moins pour les étrangers que pour le processus que cela initierait, à savoir l’introduction d’un Etat-providence à la carte où le paiement de services publics pourrait être ensuite élargi à d’autres catégories de la population.
ETAT-PROVIDENCE SOUS PRESSION
Il n’empêche que l’Etat-providence danois est sous pression. La dette publique est en forte augmentation, même si elle demeure très raisonnable comparée aux autres pays de l’Union européenne. Mais la croissance danoise a aussi été parmi les cinq plus basses des pays de l’OCDE, ces dix dernières années. Et le poids du secteur public, et son coût, sont largement en cause.
"62 % des Danois sont soit employés dans les services publics ou dépendent des allocations chômage ou maladie. Cela laisse très peu d’employés du secteur privé pour financer l’Etat-providence", note Mads Lundby Hansen, économiste et vice-président du Cepos, un groupe de réflexion libéral qui prône une réforme de l’Etat-providence.
Ces dernières années, la période d’indemnisation chômage a déjà été réduite de quatre à deux ans pendant la crise financière et les chèques-enfants sont désormais réservés aux gens vivant au Danemark depuis au moins deux ans.
Le gouvernement voudrait aussi supprimer la pré-retraite et augmenter l’âge de la retraite. Les mesures restrictives concernant l’accès aux services sociaux pour les étrangers vont être discutées dans les mois à venir alors que des élections législatives doivent se tenir au plus tard en novembre prochain.