À l’extrémité de la luxuriante vallée du Drâa, se situe Zagora (Maroc), la porte du désert, à quelques kilomètres seulement des premières dunes sahariennes. « Tombouctou : 52 jours », ce panneau défraîchi croisé au cœur de Zagora signe la vocation ancienne de la ville, dernière étape de la route caravanière.
Dans les ruelles animées de Zagora où la mixité se lit sur les visages, on ne vous dira jamais qu’il existe toujours des problèmes entre les Blancs et les Noirs. « Ça n’existe plus ça maintenant, c’est révolu », avancent certains au détour d’une terrasse de café sans pour autant cacher leur malaise.
Ce que beaucoup omettent de dire c’est que les grands propriétaires terriens de la région sont toujours des Blancs qui se revendiquent de la Zaouïa Nassiria, ce qui en fait des nobles, et qu’il n’est pas rare d’entendre les mots « Abid » ou « Khemmas » proférés ici ou là à l’encontre des populations noires du sud marocain.
Le long de la vallée du Draâ, le brassage ethnique est considérable
Le long de la vallée du Drâa, ancienne route caravanière entre le Sahara et le nord du Maroc, le brassage ethnique est considérable. Outre les Drâaoua, populations noires, supposées être les autochtones, la population de la vallée se compose de descendants d’esclaves originaires du Sud de l’Afrique occidentale, des Arabes, de Berbères descendants des Ait Atta, d’anciens nomades sédentarisés, ou encore de Juifs.
Surnommés de façon générique les Haratines, les habitants noirs des oasis du nord-ouest de l’Afrique ont des origines complexes, tour à tour descendants des Bafours, un peuple agropastoral noir qui vivait dans la région avant la désertification du Sahara et l’arrivée des Berbères, mais aussi Noirs Africains affranchis ou esclaves. Un brassage qui a marqué la mémoire collective et dont la mosaïque influe toujours sur l’organisation sociale.
Au cours des siècles, des centaines de milliers de Noirs africains ont en effet été réduits à l’esclavage et acheminés au Maroc. Ils constituaient pour certains le corps militaire marocain, la garde civile, tandis que d’autres remplissaient les tâches qu’on leur attribuait sous le règne d’Ahmed El Mansour Eddahbi ou encore de Moulay Ismail au 16ème et 17ème siècles. À l’avant-garde de cette ségrégation raciale, on retrouve les confréries religieuses dont la Zaouïa Nassiria. Sans terres, ni ressources, les Noirs servaient notamment de main d’œuvre pour travailler les terres. Surnommés « Khemmas », ils ne possédaient rien et percevaient théoriquement 1/5 de la récolte agricole.
Citoyens de seconde zone
À Zagora, le sentiment d’être des Marocains de seconde zone hante toujours les Haratines. Niché au cœur de la ville, le quartier de Zaouïa El Baraka est habité en majorité par une population noire. « Ici, les facettes du racisme sont multiples, dans le passé comme dans le présent », confie Mohamed El Bachari, fonctionnaire dans la province de Zagora depuis plus de vingt ans. Dans le quartier, Mohamed ne passe pas inaperçu. À la tête de l’amicale des habitants de Zaouïa El Baraka qui milite pour faire bénéficier les Noirs des terres collectives de la région, Mohamed est devenu le porte-parole d’une population en guerre contre une forme de ségrégation raciale encore vivace.
Plus qu’une couleur de peau, le « Noir » s’est mué ici en classe sociale.
« Dans le passé, lors des mariages par exemple, les Nassiri ne se mélangeaient jamais avec les Drâaoua, ils devaient bénéficier d’une place à part et on devait leur servir leur propre nourriture. Les Noirs ne pouvaient pas marcher devant les Blancs, ils ne pouvaient pas non plus être enterrés dans les cimetières à côté d’eux. Quand un Drâaoua rencontrait un Nassiri, il devait lui baiser la main », explique Mohamed.
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