Dans une interview explosive au journal qatari « Al-Arab », le président d’Ennaha Rached Ghannouchi a déclaré que « l’Etat du Qatar est un associé dans la première révolution du printemps arabe, par le biais d’Al-Jazeera et par son soutient à cette révolution bien avant sa réussite ». Il a ajouté que « nous sommes redevable au Qatar et à son émir pour leur investissement en Tunisie ».
C’est la toute première fois que Rached Ghannouchi reconnaît le mystérieux rôle du Qatar dans une révolution que les tunisiens considèrent comme étant la leur et dont ils sont fiers. Une révolution qui a été conduite par les jeunes des régions défavorisées, par les pauvres et les chômeurs qui revendiquaient la liberté et la dignité.
Alors que certains politiciens et activistes accusent Ennahda d’être soutenue politiquement et financièrement par le Qatar, le mouvement islamiste insiste sur le fait que ses rapports à cet émirat du Golfe se limitent aux solides relations fraternelles entre l’émir et Rached Ghannouchi.
A la suite de ces déclarations, les tunisiens se sont rappelés le voyage de Ghannouchi à Doha avant les élections du 23 octobre, qui a été perçue à l’époque par les politiciens comme une « visite programmant la victoire des islamistes ». Comme ils se sont rappelés de sa visite aux Etats-Unis, après la victoire d’Ennahda, que le journaliste saoudien Abderrahmane Arrachid a qualifié de « visite de rassurance ».
Dans la même interview, Rached Ghannouchi a précisé que « l’Occident s’est comporté avec intelligence avec les révolutions arabes en les traitant de façon positive » en indiquant que « c’est dans leur intérêt et aussi dans l’intérêt des peuples de la région ».
Ces déclarations du président d’Ennahda confirment les propos d’un diplomate arabe selon lesquelles « Le Qatar mène un plan politique en collaboration avec les Etats-Unis », pour diriger le printemps arabe « selon un agenda » qui lui permet de jouer le premier rôle dans la région arabe, avec le but d’aider les islamistes à prendre le pouvoir et à « assurer leur réussite dans leur expérience à la tête de leurs Etats ». Toujours selon ce diplomate arabe, « les Etats du Golfe disposent d’informations précises et authentiques qui confirment que les Etats-Unis ont délégué à Doha la direction du dossier tunisien et libyen, avec une collaboration entre ces deux pays pour garantir la transmission du pouvoir aux islamistes ». Il a indiqué que l’Arabie Saoudite est le pays le plus contrarié par ce rôle du Qatar, pas seulement au Moyen-Orient mais aussi dans le Maghreb arabe.
Les politiciens et les observateurs tunisiens s’interrogent sur le déroulement de la révolution à la lumière des informations au sujet du rôle du Qatar dans la préparation des prochaines élections prévues au printemps 2013, qui sont sensées assurer le passage du pays de la situation provisoire dans laquelle il est, vers un gouvernement légitime, élu après la rédaction d’une nouvelle constitution et l’instauration de nouvelles institutions pour un Etat civil et une société démocratique.