Et si la guerre de l’OTAN contre la Russie en Ukraine était aussi le moyen d’asphyxier la Chine économiquement en brisant une partie des routes de la soie, la coupant ou la tenant éloignée ainsi de l’Europe ?
On vous laisse juges.
La guerre en Ukraine n’a pas seulement impacté les échanges de l’Europe avec la Russie. Elle a aussi largement redéfini les routes commerciales terrestres avec la Chine, modifiant les portes d’entrée des marchandises en Europe et incitant les entreprises à reconfigurer davantage leurs chaînes d’approvisionnement.
Avant le conflit qui éclaté fin février, 95 % du fret ferroviaire entre la Chine et l’Europe transitaient, par le corridor Nord du China-Europe Express, la route de la Soie ferroviaire reliant la Chine à l’Allemagne via le Kazakhstan, la Russie, la Biélorussie et la Pologne. À la suite des sanctions internationales contre la Russie et au risque de confiscation des marchandises transportées, les volumes de fret ferroviaire eurasiatique – constitués de PC et appareils électroniques, machines et pièces automobiles – ont baissé de 80 %.
Repenser les approvisionnements
Les entreprises doivent, en effet, réorganiser la logistique de leurs échanges Chine-Europe et repenser la carte de leurs approvisionnements. Choix radicaux ou adaptations prudentes, les options varient selon les entreprises.
L’enseigne française de distribution d’articles de sports Decathlon, présente en Chine avec plus de 300 magasins et un réseau de partenaires industriels, affrétait, depuis 2017, des trains complets porte-conteneurs (train block). Partant de Wuhan (Chine), ils arrivaient à Liège (Belgique) et alimentaient la plate-forme logistique multimodale de Dourges (Hauts-de-France). Ce trafic ferroviaire s’est interrompu après trois mois de guerre et l’entreprise est obligée de choisir entre la voie maritime et le transit par de nouvelles routes ferroviaires.
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BMW, pour qui la Chine constitue le plus grand marché, a cessé tout transport ferroviaire via la Russie depuis le début de la guerre. Les voitures produites en Allemagne sont transportées par train jusqu’au port de Bremerhaven (Allemagne) puis par bateau jusqu’en Chine. De même, Audi, dont les usines sont en Allemagne et en Hongrie, étudie les possibilités offertes par de nouvelles routes ferroviaires pour exporter sa production vers la Chine.
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Forces et faiblesses du corridor transcaspien
Le corridor transcaspien (Trans-Caspian International Transport Route ou TITR) a gagné en intérêt en tant que route ferroviaire alternative. Mais cette route est plus difficile à développer que la route Nord : elle passe par des pays de cultures et d’orientations géopolitiques très différentes comme les pays du Caucase, elle compte plus de ruptures de charge, et implique la traversée de deux mers : la mer Caspienne et la mer Noire.
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Dans ce contexte, une grande partie des entreprises tend à reporter le transport de leurs marchandises du ferroviaire au maritime bien que ce dernier se heurte encore à une saturation des ports dans le monde.
Le rôle clé de l’Europe orientale
Dans l’UE, la Bulgarie et la Roumanie sont bien placées pour bénéficier du développement des échanges via le corridor transcaspien. La liaison entre les ports de Poti en Géorgie et de Constanta en Roumanie fait l’objet de nouvelles solutions intermodales. Le transporteur Cosco Shipping Lines Romania étudie la possibilité de lancer un service de train de conteneurs entre Le Pirée (Grèce) et les terminaux roumains pour désencombrer le port de Constanta.
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La Grèce peut aussi bénéficier de la réallocation de trafic dans une logique alliant rail et mer. Le Pirée est déjà largement employé comme porte d’entrée des marchandises asiatiques en Europe. De nombreux groupes électroniques entreposent et distribuent vers l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique à partir du Pirée, les marchandises venant d’Asie pouvant atteindre, en 25 ou 26 jours, la Hongrie ou la République tchèque où ils disposent de sites d’assemblage. La connexion du port grec au réseau ferroviaire européen reste, en effet, décisive pour le transport de biens en Europe du Sud-Est et Cosco contrôle le port depuis 2016.
Un pivotement vers la Turquie
Pour augmenter les possibilités d’acheminement, les entreprises doivent surtout repenser la localisation de leurs sites de production car elle détermine largement le choix des routes de transport. S’il est encore difficile de remplacer la Chine dans plusieurs secteurs, le confinement de villes comme Shanghai ou Shenzhen et les tensions croissantes entre Pékin et Washington conduisent les entreprises à prendre en compte plus avant le scénario d’un relatif découplage entre la Chine et l’Occident.
La réorientation des routes Asie-Europe avantage déjà largement les entreprises européennes qui ont des sites de production en Turquie ou en Europe centrale et orientale. En 2021, le géant suédois Ikea a transféré en Turquie une partie de sa production de meubles. En 2022, Volvo Cars a annoncé le choix de la Slovaquie pour la création de sa troisième usine en Europe. Boohoo, enseigne anglaise d’ultra-fast fashion, a décidé, au printemps dernier, de produire plus de vêtements en Turquie ainsi qu’au Maghreb.
L’intérêt de la Turquie en matière de connectivité Asie-Europe n’avait pas échappé à Cosco qui, dès 2015, avait pris le contrôle du troisième port turc de containers (Kumport) près d’Istanbul et assure des liaisons directes entre la mer Noire, la Turquie, la Grèce et Israël.
Finalement, la guerre en Ukraine, qui a porté un coup majeur au fret ferroviaire par la route Nord, favorise l’émergence d’axes de transport alternatifs. Elle invite aussi les entreprises à vite reconfigurer leurs chaînes d’approvisionnement. Elle déplace, enfin, la porte d’entrée des échanges commerciaux Chine-Europe de la frontière polono-biélorusse vers la Turquie.
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