Personne ne s’en est aperçu, mais la première guerre mondiale vient tout juste de se terminer... Dimanche 3 octobre, s’est refermé l’ultime chapitre du conflit qui ensanglanta l’Europe de 1914 à 1918 : le remboursement par l’Allemagne des dernières dettes liées aux réparations imposées par les vainqueurs au lendemain de la guerre.
La somme, d’environ 95 millions d’euros, correspond aux intérêts des emprunts contractés par Berlin, dans les années 1920, pour financer le paiement de ces réparations.
Pourquoi a-t-il fallu quatre-vingt-onze ans avant de solder cette dette ? Pour le comprendre, il faut remonter au traité de Versailles.
Signé le 28 juin 1919, celui-ci stipulait, dans ses articles 231 et 232, que l’Allemagne était "responsable" de la guerre et qu’elle devait, en conséquence, payer la totalité des "dommages" subis par ses adversaires. Restait à établir le montant des réparations et les modalités de leur paiement.
Ces deux points furent âprement débattus. Ce n’est qu’à la conférence de Spa (Belgique), en juillet 1920, que les pays vainqueurs se mirent d’accord sur la part des réparations qui serait versée à chacun. Et il fallut attendre encore un an avant que la somme globale à régler soit fixée à 132 milliards de marks-or.
Intérêt et principal
Or l’Allemagne, qui considérait le traité de Versailles comme un humiliant "diktat", refusa de payer en l’état. En face, les Alliés étaient divisés. La France, en 1923, décida de se servir elle-même en occupant la Ruhr. La Grande-Bretagne défendait une ligne plus souple.
"Pour vendre leurs produits en Allemagne, les Anglais n’avaient pas intérêt à ce que celle-ci soit ruinée", résume l’historien Georges-Henri Soutou, membre de l’Institut et auteur de L’Or et le Sang (Fayard, 1989).
Au fil des années, la question des réparations devint secondaire. Le plan Dawes, en 1924, les allégea. Le plan Young, en 1929, échelonna leurs versements jusqu’en 1988. La conférence de Lausanne, en 1932, les ramena à 3 milliards de marks-or. Puis Hitler, en 1933, décida de cesser leur paiement. Sur les 132 milliards prévus en 1921, l’Allemagne en avait versé environ 22, dont 9 à la France.
Le dossier fut rouvert après la seconde guerre mondiale. "En 1953, le chancelier de la République fédérale d’Allemagne (RFA), Konrad Adenauer, s’engagea à rembourser les emprunts que l’Allemagne avait lancés sur le marché financier international pour payer ce qui avait été prévu par le plan Young", explique l’historien Gerd Krumeich, professeur à l’université Heinrich-Heine de Düsseldorf.
Une fois les emprunts remboursés, ce qui fut fait en 1983, restait à en payer les intérêts pour la période 1945-1952. Estimant que la République démocratique allemande (RDA) devait partager ce fardeau, la RFA avait obtenu que la question soit renvoyée à l’après-réunification. Et que les remboursements soient acquittés vingt ans, jour pour jour, après celle-ci. Soit ce 3 octobre 2010.