C’est fait ! Jean-Louis Borloo quitte l’UMP. Il s’est émancipé. Jusqu’au dernier moment, personne n’y croyait au parti où l’on vous disait : “Jean-Louis, on le connaît, il est sympa, créatif, atypique, mais vous allez voir, il restera aussi vague dans ses intentions qu’il l’est souvent dans son propos.”
Jusqu’à ses amis réunis sur le plateau de France 2 qui ont été étonnés de l’entendre parler aussi clair et surtout qu’il veuille aller aussi loin. Il a dévoilé son ambition : “Jean-Louis est parti, on ne l’arrêtera plus”, disent-ils.
Son geste est la conséquence d’une réflexion et d’un long mûrissement personnel. Même s’il ne fonctionne pas à la rancoeur, il est évident que la décision de Nicolas Sarkozy de garder François Fillon en novembre 2010, après l’avoir tant encouragé à briguer Matignon, l’a déçu.
Et malgré les protestations d’amitié, une distance s’est créée entre les deux hommes. Et ce, d’autant plus que l’ancien ministre d’État dit ne pas se reconnaître dans la stratégie délibérément « clivante » du président. La manière dont ont été lancés les débats sur la laïcité, l’islam et l’immigration l’a heurté.
Il veut faire entendre sa musique, ses credo, et faire valoir son bilan : le sauvetage de Valenciennes, la politique de rénovation urbaine louée par les maires de droite comme de gauche, le Grenelle de l’environnement : c’est lui ! Sa méthode : on se met tous autour de la table. Si tous les gars de l’Hexagone voulaient se donner la main.
Alain Juppé, cofondateur de l’UMP, exprimait sa tristesse en craignant que l’on ne reparte en arrière, et que l’on retrouve les divisions d’antan RPR-UDF.
Le ministre a raison d’être triste. La rupture en douceur de Jean-Louis Borloo est le premier signe d’un séisme plus profond. L’UDF est en train de renaître. D’ici l’été, le Nouveau Centre, le Parti radical de Jean-Louis Borloo et toute la galaxie des groupuscules centristes autour de Hervé de Charette, Jean Arthuis et Jean-Marie Bockel se seront regroupés dans une nouvelle confédération, à direction collégiale jusqu’en 2012. Les statuts sont prêts.
C’est François Sauvadet, président du groupe parlementaire Nouveau Centre, qui, en octobre dernier, en avait lancé l’idée, qui a fait son chemin. C’est la fin de l’UMP.
La question de la candidature à la présidentielle se posera alors. Jean-Louis Borloo aurait, murmure-t-on déjà, toutes ses chances d’être désigné. Mais « notre camp, c’est la majorité, prévient François Sauvadet. Pas question de revivre l’expérience Bayrou, qui, comme l’âne de Buridan, ne voulait pas choisir entre la droite et la gauche et qui, au final, aura perdu toutes ses troupes ». Jean-Louis Borloo l’a dit : s’il y va, « c’est pour gagner ».
Mais alors, sera-t-il le sauveur ou le fossoyeur du président ? Va-t-il capter un électorat tenté par la désertion, qu’il ramènerait au sortant pour le second tour, ou bien créer les conditions d’un 21 avril 2002 dans son camp ? Une nouvelle histoire de la droite a commencé. Les anciens avec terreur craignent de revivre les bagarres Chaban-Giscard, Giscard-Chirac, Chirac-Barre…
Et demain peut-être Borloo-Sarkozy ? Un cauchemar. Ce n’est pas une bonne nouvelle pour l’Élysée.