PS : et si mon parler trop catholique demeure sans lumière pour toi
raisonnons plus simplement : tu regrettes de voir les chrétiens représenter leur Dieu humilié, comme s’ils adoraient voir Dieu se faire humilier.
Mais Dieu aurait pu ne pas souffrir, s’injecter de la morphine, poser thétralement, ou glorieusement (comme tu préfères). Mais il a CHOISI de souffrir, il n’a pas voulu tricher ; il a assumé la nature humaine dans le Christ, jusqu’au bout. Alors, cette douleur, ou cette humiliation (compte tenu de sa position) lui APPARTIENT. Donc elle est adorable, et sacrement d’union entre la nature humaine et la nature divine, pour toujours. (Dieu ne fait rien ponctuellement ou contradictoirement : tout est Eternel et Immuable en Lui)
Un coupable qui subit le châtiment : sa douleur ne lui appartient pas, et c’est peut-être cela, le plus douloureux (mentalement). Un coupable (ou un innocent) qui accepte un châtiment, et donc le vit en assentiment, en adoration même de ce qui arrive (la Justice de Dieu), celui là possède sa douleur, celui-là peut l’offrir et la convertir en Bien dans le Sein de Dieu.
Si tu comprends toutes ces choses, tu comprendras la réaction des Chrétiens.
Mais tout achoppe dans le fait que pour toi, le Christ n’est pas Dieu, mais seulement une image, un personnage qui ne devrait être l’occasion que d’une mémoire agréable aux sens humains. Tu n’as pas l’habitude de considérer Dieu dans sa volonté misérable (le Tout puissant qui se fait mendiant d’amour en vagabond parmi les hommes), donc ces sentiments te sont étrangers.
Et s’ils ne l’étaient pas, tu conviendrais qu’une présence accrue de son visage parmi nous (portraits, statues, allégories) est une nécessité absolue pour supporter l’horreur et les exigences de la Sainte vie. Car Dieu est si absent, si silencieux, comment faire face au Mal avec l’exemple d’un Maître s’étant laissé tuer par lui, si nous ne pouvons nous le représenter plus proche, à côté de nous, afin de se montrer à la hauteur ? Le jeune paysan qui croisait tous les jours sur son chemin une madone de village, devait la prier tout spécialement, car il la savait proche, cette "Notre Dame de Mon village", c’est à Elle qu’il pensait en tentant d’échapper au Loup, et pas à un ciel trop immense et trop supérieur à ses passions. Il n’adorait ni la pierre, ni l’image enfermée dedans, mais bien la Sainte Vierge elle-même, abaissée jusqu’à la prière des petits, et veillant sur eux, près de tous les calvaires de France.