L’annonce à Téhéran, samedi, concernant le test réussi d’un missile balistique d’une portée de 2 000 kilomètres et capable de transporter des ogives multiples pour frapper différentes cibles, fait évoluer de manière phénoménale l’équilibre militaire au Moyen-Orient.
Israël et les quelques 45 000 soldats américains déployés au Moyen-Orient – Jordanie (1 500 hommes), Irak (5 200), Koweït (15 000), Bahreïn (7 000), Qatar (10 000), UAE (5 000), Oman (200) – entrent dans le rayon d’action du dernier missile iranien. L’Iran a démontré une capacité de dissuasion qui prive les États-Unis et Israël d’une option militaire.
Le test de missile indique la méfiance stratégique de Téhéran vis-à-vis des États-Unis, après les remarques outrageuses du président Donald Trump contre l’Iran dans son discours devant l’Assemblée générale des Nations unies. Dorénavant, Trump devra faire très attention à sa menace de déchirer l’accord nucléaire iranien. Une telle imprudence de Trump ou des législateurs au Congrès (imposer de nouvelles sanctions) pourrait être saisie par Téhéran pour reprendre son ancien programme nucléaire, ce qui aurait des implications profondes, compte tenu de ses capacités de missiles.
Le président Hassan Rouhani a pris une ligne dure après son retour à Téhéran en provenance de New York. Il a prévenu que si Trump violait l’accord nucléaire, « nous serons fermes et toutes les options seront devant nous ». Le ministre des Affaires étrangères, Mohammed Javad Zarif, a déclaré au New York Times que, si les États-Unis voulaient renégocier l’accord nucléaire, Téhéran aussi insisterait sur la renégociation de chaque concession qu’il a faite : « Êtes-vous prêt à nous rendre 10 tonnes d’uranium enrichi ? «
Rouhani a prononcé un discours véhément lors d’un défilé militaire vendredi à Téhéran en soulignant que l’Iran n’avait besoin de la permission d’aucun pays pour renforcer ses capacités de missiles. Il a ajouté :
« La nation iranienne a toujours été pour la paix et la sécurité dans la région et dans le monde, et nous défendrons les personnes opprimées yéménites, syriennes et palestiniennes que cela vous plaise ou non ».
« Tant que certains parleront avec le langage des menaces, le renforcement des capacités de défense du pays se poursuivra et l’Iran ne demandera l’autorisation d’aucun pays pour produire divers types de missiles », a déclaré samedi le ministre de la Défense, Amir Hatami.
Ce qui émerge, c’est la détermination de l’Iran à consolider son influence en Syrie. Les États-Unis devront peser attentivement les répercussions avant de faire une intervention (Israël met la pression pour cela). Encore une fois, l’Iran pourrait établir une présence à long terme en Syrie. La milice chiite aguerrie soutenue par l’Iran et qui lutte en Irak et en Syrie est une véritable armée de 100 000 hommes et l’Iran est en mesure de forcer l’éviction des forces américaines d’Irak et de Syrie.
L’administration Trump doit prendre avec le plus grand sérieux la menace à peine voilée faite mercredi par le général Mohammad Ali Jafari, commandant du corps des Gardiens de la Révolution islamique (en réaction au discours de Trump à l’ONU) :
« Il est temps de corriger les erreurs de calcul des États-Unis. Maintenant que les États-Unis ont pleinement montré leur nature, le gouvernement devrait utiliser toutes ses options pour défendre les intérêts de la nation iranienne. Prendre une position décisive contre Trump n’est que le début et ce qui est stratégiquement important, c’est que les États-Unis devraient voir des réponses plus douloureuses dans les actions, le comportement et les décisions que l’Iran prendra au cours des prochains mois. »
Le test de missile balistique a été effectué dans les trois jours qui ont suivi la menace du Général Jafari. De même, le calendrier du test de missile peut être vu dans le contexte du référendum prévu pour le 25 septembre par les Kurdes du nord de l’Irak, pour un Kurdistan indépendant. Téhéran n’a aucun doute sur le fait que le projet du Kurdistan est une entreprise israélienne et américaine pour créer une base permanente dans cette région hautement stratégique, dans le but de déstabiliser l’Iran et de saper son essor régional en Syrie et en Irak.
Sans surprise, Israël est furieux au sujet du test de missile iranien. Le ministre de la Défense, Avigdor Liberman, l’a qualifié de « provocation et de claque à la face des États-Unis et ses alliés », et une tentative de les tester. De toute évidence, Israël panique parce que l’Iran est progressivement et inexorablement en train de le dépasser comme le numéro un de la puissance régionale au Moyen-Orient. Cependant, au-delà de la rhétorique, Israël ne peut pas faire grand-chose contre la montée de l’Iran.
Israël a stupidement poussé Trump à provoquer Téhéran juste à ce moment-là, alors qu’il avait à faire face à la crise en Asie du Nord-Est. Une stratégie de confinement contre l’Iran n’est plus possible. La sagesse serait que l’administration Trump engage le dialogue avec l’Iran dans un esprit constructif pour influencer sa politique régionale. Les menaces n’ont jamais été efficaces contre l’Iran. À maintes reprises, elles se sont révélées contre-productives.