De crainte d’être pris dans la tourmente de la dette, le groupe américain avance sa prochaine tournée européenne.
Depuis trente ans, les membres de Metallica gagnent leur vie en grondant des hymnes apocalyptiques comme The Four Horsemen ou Enter Sandman. Aujourd’hui, les pionniers du heavy metal ont une autre raison de ne dormir que d’un œil référence aux paroles de Enter Sandman : la crise financière européenne.
Cliff Burnstein, le fidèle manager du groupe, a décidé de donner un coup d’accélérateur à leur prochaine tournée afin d’éviter de se faire rattraper par la crise de la dette. Alors que les investisseurs sont de plus en plus déprimés, y compris dans des pays riches comme la France, Cliff Burnstein redoute qu’une chute de l’euro ne rende les tarifs du groupe prohibitifs pour les organisateurs de concerts des 17 pays de la zone euro. Au lieu de parcourir l’Europe en 2013, comme prévu à l’origine, Metallica partira donc en “European Summer Vacation” en 2012. Il se produira notamment dans les festivals allemands Rock Im Park et Rock Am Ring, au début du mois de juin, avant de mettre le cap sur le Royaume-Uni et l’Autriche.
“Ecoutez, je ne suis pas économiste, mais j’ai un diplôme, donc ça aide”, explique Burnstein, assis dans l’antichambre de son bureau dans le centre-ville de Manhattan, vêtu d’un jean et d’un tee-shirt rouge de The Economist orné du slogan : “Pensez responsable”. “Il faut se demander quel est le meilleur moment pour faire quoi, où et quand.”
L’industrie mondiale de la musique doit déjà résister à la chute des ventes de disques, aux prix exorbitants des billets de concert et à une économie boiteuse. Aujourd’hui, les angoisses financières poussent même les plus grands rebelles du rock à se montrer prudents quand leur portefeuille est en jeu. Les Red Hot Chili Peppers, un autre groupe géré par Cliff Burnstein et son partenaire Peter Mensch, ont aussi avancé leurs projets en Europe, après avoir démarré cet automne leur première tournée depuis quatre ans en Amérique latine. Près de 75 % des revenus du groupe proviennent des tournées à l’étranger, précise le manager.
Depuis la crise financière planétaire de 2008, les groupes de rock et leurs managers s’intéressent de plus près à des détails obscurs comme le taux de change et les tendances économiques quand ils signent des contrats avec des organisateurs de concerts étrangers. Huit mois avant que Metallica ne monte sur scène en Allemagne, Cliff Burnstein se demande si le groupe devrait être payé en dollars, en euros, ou les deux.
Si l’évolution des taux de change est susceptible de porter tort aux bénéfices de Metallica, il achète des produits dérivés pour se couvrir contre le risque. Parfois, le prix des billets est revu à la hausse pour compenser d’éventuelles pertes liées au change, mais c’est une stratégie que Cliff Burnstein préfère éviter. “Personne ne cherche à miser sur les taux de change pour gagner de l’argent, mais personne ne tient non plus à se retrouver perdant”, résume le manager à la barbe broussailleuse.
Ce qu’il redoute le plus, c’est l’euro. “Dans les années qui viennent, le dollar sera plus fort et l’euro plus faible. Je veux en tirer parti en faisant davantage de tournées [européennes] maintenant, parce qu’elles seront plus profitables pour nous”, ajoute-t-il.
Il y a peu, David Rawlings, le guitariste qui joue avec la chanteuse de country Gillian Welch – une autre cliente de Cliff Burnstein –, a appelé d’Europe pour se plaindre du niveau encore élevé de l’euro [1 euro vaut actuellement 1,40 dollar]. A la différence de bien des stars, le duo se rend en voiture d’un concert à l’autre, et il a dû payer quatre fois plus qu’en Amérique pour l’essence, l’hôtel et la nourriture – des informations dont Cliff Burnstein a pris note. “Ils ont vraiment une vision directe du coût de la vie en Europe, explique-t-il.