La guerre en Syrie
Les Russes ont tendance à estimer qu’il est indigne d’eux de se battre avec les Turcs, et ils préfèrent continuer à combattre à Idlib en tant que force supplétive. La question de la dignité a son importance : traditionnellement, les Russes n’entrent en guerre qu’avec les grandes puissances. Les heurts militaires de moindre niveau relèvent du commandant local. Même la cruelle campagne d’hiver de 1940 contre la Finlande avait été conçue comme une décision du district de Leningrad ; les batailles contre les Japonais en 1936 et en 1939 ont été gérées par le district militaire de l’Extrême-Orient, et non par la Russie soviétique. La Turquie impériale était un adversaire valable pour la Russie, et les deux empires croisèrent le sabre à douze reprises au moins. Mais ce n’est plus le cas.
Lors de la crise précédente, en 2015, après que la Turquie eut abattu le Su-24 russe, les Russes cessèrent d’acheter des tomates turques, et les touristes russes furent incités à éviter les stations turques ; des visas furent annulés, et les médias fulminaient. Cela avait suffi pour faire regretter leur décision hâtive aux Turcs, parce que les Turcs ont besoin de la Russie en tant que marché pour leurs fruits et légumes, comme fournisseur de touristes, et de chantiers pour leurs promoteurs immobiliers. Lors du coup d’État manigancé par l’Occident contre Erdogan, la Russie soutint le dirigeant turc assiégé ; après quoi, les rapports entre Russes et Turcs s’étaient bien améliorés. La Turquie avait acheté le système défensif de missiles S-400, avait participé aux accords d’Astana avec la Russie et l’Iran, construit la plateforme pour acheminer le gaz russe, et la Russie protégeait ses arrières dans la confrontation avec les Kurdes.
Idlib a bien entamé la bonne volonté des deux côtés, mais la Russie ne veut pas être vue comme une nation qui combat la Turquie. Selon le livret russe, les Turcs combattent le gouvernement syrien, tandis que la Russie reste en dehors et au-dessus de la mêlée. Les Russes observent scrupuleusement le texte des accords de Sotchi. Avant le déclenchement de l’opération, la puissante frappe qui a tué des douzaines (voire des centaines) de soldats turcs, les Russes ont vérifié avec le Quartier général turc s’il y avait des Turcs dans la zone qui allait être visée ; c’est seulement après que le Quartier général a répliqué (de façon erronée) qu’il n’y en avait pas, que la zone a été bombardée avec une efficacité dévastatrice. « Ils sont morts parce qu’ils avaient rejoint les forces rebelles », ont répondu les Russes à la plainte turque.
Bachar el-Assad veut maintenant récupérer Idlib, la dernière province qui n’accepte pas l’autorité de Damas. Les Syriens considèrent que la guerre civile a trop duré, et qu’il faut en finir. Les Russes sont d’accord avec eux. À Sotchi, les Russes et les Turcs se sont mis d’accord pour laisser à Idlib un répit pour régler ses affaires. Pendant cet entracte, la Turquie était censée discipliner les rebelles, mais elle n’y est pas parvenue. Les rebelles ont continué à livrer bataille et à bombarder le gouvernement syrien et les forces russes. Ils constituaient une écharde dans leur chair pour les Syriens, pour les chiites et pour les Russes aussi.
Les Turcs avaient un problème : que faire des djihadistes d’Idlib ? Ils hésitaient, ce qui est bien compréhensible, à les accepter sur leur propre territoire, et auraient préféré qu’ils restent là où ils se trouvent. Cela serait acceptable s’ils se voyaient bien maîtrisés, mais ils ne voulaient rien savoir, et ce n’était pas possible. Il n’y a pas de solution facile à ce problème. Les Russes et les Syriens accepteraient probablement un délai supplémentaire, si les deux grandes routes M4 et M5 étaient sécurisées sous le contrôle de forces de Damas. C’est le compromis le plus probable qui pourra être mis en place par Poutine et Erdogan quand ils se rencontreront. Poutine ne voulait pas rencontrer Erdogan du tout. Il considérait que ces rencontres font du conflit Syrien par forces interposées une confrontation directe entre la Turquie et la Russie et que cela n’est pas compatible avec la dignité des Russes. Seulement, Erdogan considère pour sa part que traiter directement avec Assad bafouerait sa propre dignité. Damas était un vilayet, un simple centre de la province syrienne sous l’empire ottoman ; et le sultan (comme les gens appellent Erdogan, plus ou moins sérieusement) ne saurait négocier avec le pacha d’un vilayet. C’est l’élévation du niveau de violence à Idlib qui a forcé Poutine à accepter l’idée d’une rencontre.
Poutine et Erdogan ont besoin l’un de l’autre. Il n’y a pas de remplaçant possible pour Erdogan. Tous les autres hommes d’État qui pourraient prendre sa place seraient pires pour la Russie. Ils sont tous pro-OTAN, pro-US ou hommes de l’Amérique. Certains pourraient faire la paix en Syrie, mais à un prix élevé sur d’autres sujets, pour la Russie. Erdogan aussi a besoin de Poutine ; car c’est le seul homme d’État d’envergure qui puisse le soutenir envers et contre tout. Poutine peut protéger l’économie turque d’un effondrement. L’UE et les États-Unis aussi pourraient aider l’économie turque, certes, mais ils enverraient Erdogan en prison.
Le bon sens et la logique s’accordent donc pour dire que Poutine et Erdogan doivent trouver un modus vivendi. Erdogan pourrait se concentrer sur le sujet le plus important pour la Turquie en Syrie : prévenir l’apparition d’un Kurdistan indépendant sur la frontière turque. Poutine pourrait lui fournir un peu d’espace à Idlib, en laissant une étroite bande de terre aux mains des Turcs, à condition que les routes principales restent ouvertes à Bachar al Assad. Mais Poutine et Erdogan n’agissent pas dans le vide, et il se pourrait que d’autres urgences fassent taire la logique et le bon sens. Les forces chiites en Syrie et le gouvernement de Damas tiennent à leur victoire. Et les rebelles ne sont pas du genre à céder non plus.
J’ai un faible pour le dirigeant turc. Il n’est pas universellement populaire, certes ; bien des Turcs le haïssent ; l’économie turque bat de l’aile ; en fonçant sur la Libye, il a abusé de ses ressources. Il reste cependant un grand homme. S’il voulait reprendre ses esprits et faire la paix avec son voisin Bachar el-Assad, ses problèmes seraient réglés. Ce serait une décision difficile, si l’on garde à l’esprit les longues années de bagarre et de ressentiment ; mais les grands dirigeants, ce sont ceux qui savent trancher dans le vif.
Tel par exemple le maréchal Mannerheim tombant dans les bras de Staline en 1944. Il survécut, la Finlande survécut et devint florissante grâce à cette décision. Poutine avait essayé de faire la paix avec les présidents ukrainiens, et il a été un ami pour Erdogan. Trump avait rencontré Kim, et il a essayé de faire la paix avec les Taliban. C’est un signe de grandeur authentique.
Erdogan pourrait probablement arriver à un accord passable avec Poutine. Mais la vraie solution se trouve sur le chemin de Damas ; l’amitié avec Assad est le meilleur atout dont Erdogan pourrait jouer. Soyez ami avec vos voisins, et n’en redoutez aucun. Ramenez les réfugiés chez eux, et vos concitoyens vous aimeront à nouveau. Le danger d’un Kurdistan syrien s’évanouira. Laissez Assad se dépêtrer dans la question de la réhabilitation des combattants islamistes. La Turquie sera aimée de ses voisins arabes, comme c’était le cas avant les funestes printemps arabes. Malheureusement, les blessures causées par la radicalisation de la jeunesse musulmane dans les années 1980 mettront du temps à cicatriser. Les services de renseignement ont appris beaucoup, sur l’énorme potentiel d’énergie, sur l’activisme, sur la disposition au sacrifice de ce groupe nombreux dans la population, et ont décidé de le chatouiller dans le sens der leurs propres objectifs. Ils ont utilisé tout cela contre la Russie en Afghanistan dans les années 1980, et en Tchétchénie dans les années 1990 ; contre le monde arabe pendant ces vingt dernières années. C’est un vrai problème, parce que ces jeunes gens sont des idéalistes naïfs qui ont été égarés pour servir des desseins diaboliques, et ce n’est pas un problème facile à résoudre.
Le coronavirus, de la petite bière ?
Aucune raison de paniquer, a dit Trump sur le Corona, et il a raison. Le Corona c’est le virus mental de la peur, mais guère plus. Nous en avons une preuve en béton ; le paquebot Diamond Pincess a été séquestré, et mis dans des conditions idéales pour les virus, avec un unique système de ventilation. Bien des gens sont tombés malades, mais seules deux personnes, de plus de quatre-vingt ans, en sont mortes. Pas un enfant n’est tombé malade. Apparemment, le virus ne serait dangereux que pour les plus de soixante ans ? Il n’y avait aucune raison de paniquer.
Je suis fier d’être un négateur du virus, et c’est sympa d’avoir le président Trump dans notre camp de négationnistes. Nous savons qu’il est moins dangereux que la grippe habituelle, même si c’est plus contagieux. Ignorez-le, et tout ira bien.
La panique est apparue pour deux raisons ; les incroyables mesures de quarantaine prises par les Chinois, et les médias qui ont foncé pour répandre la peur à toute vapeur. La première de ces raisons reste quelque peu obscure. Nous ne savons pas ce qui a pris les Chinois. Il peut y avoir plusieurs explications, y compris des raisonnements valant uniquement au plan intérieur. Peut-être que certaines personnes importantes de l’équipe dirigeante ont voulu (ou veulent encore) amener les Chinois obéissants à la révolte, comme cela s’était passé en Russie soviétique à l’époque de Gorbatchev. Ou bien il s’agit d’un exercice dans le domaine de la défense civile. Ou bien le virus agit spécifiquement sur une ethnie, ou bien il y a encore autre chose. En tout cas, en dehors de sa province d’origine, le Hubei, le virus n’a pas pu se frayer un chemin en Chine.
Il y a très peu de victimes non chinoises, et la maladie se répand en Iran, l’ennemi privilégié de Trump, ce qui nous fait penser qu’il pourrait s’agir d’une arme biologique ciblée, malgré sa cruauté modérée.
Les médias en ont trop fait ; cela peut s’expliquer par les mesures de quarantaine chinoises, ou par le sensationnalisme qui est inhérent aux médias.
Autre hypothèse, ce pourrait être un substitut de la Troisième Guerre mondiale, en évènement conçu pour mettre en place un cas de force majeure pour déchirer des contrats qu’on ne saurait honorer. Ce pourrait être un outil entre les mains des suspects habituels pour rogner les libertés des citoyens, comme ce qui a été implanté après le 11 Septembre. Tôt ou tard, nous les connaîtrons, ces raisons. Quoiqu’il en soit, le danger mortel n’est pas dans le virus.
Bernie Sanders et l’AIPAC
Que de surprises, avec ces primaires démocrates ! La victoire de Sanders lors des trois premiers votes, un phénomène très rare. Puis la victoire de Joe Biden en Caroline du sud. Les Afro-américains sont des gens obéissants malgré leur réputation de rebelles. Ils ont voté pour Biden, le cambrioleur sénile de l’Ukraine, comme leurs patrons leur ont dit de le faire. C’est pour cela que la Clinton et ses semblables les aiment tellement. De vrais rebelles, comme Martin Luther King ou Cynthia McKinney, sont exceptionnels. La grande majorité fait ce qu’on lui dit de faire.
Mais la plus grosse surprise, c’et la décision de Bernie Sanders de ne pas se rendre au rassemblement de l’AIPAC. C’est un signe de sagesse, pour un homme politique. Cela signifie qu’il connaît le secret que beaucoup de gens partagent, mais ne formulent qu’à voix basse. Les Américains en ont assez de ce qu’ils voient comme une domination juive, et en particulier de son angle saillant, Israël. Ils ne l’admettront pour rien au monde, mais il faut voir comme ils ont les yeux qui brillent quand ils entendent certaines choses. Donald Trump a su toucher les cœurs américains quand il a dit à l’AIPAC, « Vous n’allez pas me soutenir parce que je ne veux pas de votre argent ». Ils n’ont pas compris ce qu’il voulait dire exactement, mais ils ont pensé que cela partait d’un sentiment noble. Sanders vient de franchir une nouvelle étape, en refusant de faire le moindre pas vers l’AIPAC. La lucidité qui fait consensus consiste à penser qu’il faut aller vers l’AIPAC chapeau bas, si l’on veut gagner, en politique US.
Mais Bernie a raison ; les gens en ont assez des politiciens ordinaires. Ils veulent quelque chose de différent. L’establishment appelle ça du « populisme ». En faisant acte de négation de l’AIPAC, Bernie a proclamé son agenda populiste. Même s’il ne gagne pas, il a fait un pas de géant pour libérer les Américains des entraves sionistes. Il y a une certaine ironie dans le fait que le populiste républicain, souvent accusé d’antisémitisme, le président Donald Trump, ait donné à Israël tout ce qu’il voulait avoir ; or voilà que le sénateur démocrate populiste Bernie Sanders, un juif de Brooklyn, va brandir l’étendard de la rébellion contre l’occupation israélienne. Les choses peuvent encore changer, mais c’est une leçon importante pour nous tous. Les gens d’origine juive sont aussi imprévisibles que tous les autres parmi nous.
Les racistes niais croient encore que les juifs sont des espèces de bio-robots, qui se rangent toujours dans un agenda juif. La réalité est différente. Le libre arbitre est le cadeau divin reçu par Adam, et nous en jouissons tous, même si tant de gens y renoncent pour des questions de convenance personnelle. Les juifs ne sont pas exceptionnels sous cet angle. Être juif, c’est aussi une question de choix, comme d’être un autochtone américain, comme le dit la sénatrice Elizabeth Warren. Des millions d’Américains que s’identifient eux-mêmes comme juifs ne sont pas considérés « juifs » par les rabbins orthodoxes ; et ils le savent. S’ils s’accrochent encore à une certaine judéité, c’est parce qu’ils pensent que c’est une valeur positive. À partir du moment où ils s’apercevront que ce n’est pas le cas, le nombre de juifs américains va rapidement baisser. Seuls les juifs orthodoxes resteront « juifs », une petite minorité pas trop prospère, comme les Amish.
Si cette fonte de l’identité judéo-américaine se confirme, la décision du sénateur Bernie Sanders d’échapper aux tamtams de l’AIPAC sera considéré comme un virage dans la bonne direction.