L’initiative populaire « Oui à l’interdiction de se dissimuler le visage » a passé l’épaule de justesse, avec une double majorité du peuple et des cantons.
Interdiction de se dissimuler le visage
L’initiative populaire « Oui à l’interdiction de se dissimuler le visage » a été acceptée dimanche par le peuple et les cantons. Les Suisses ont dit « oui » à 51,2% au texte concocté par le Comité d’Egerkingen. La participation a légèrement dépassé les 50%, ce qui est un peu plus que la moyenne de ces dernières années.
Seules quelques dizaines de femmes portent le voile intégral, soit une infime minorité des 400 000 musulmans en Suisse, a rappelé la Conseillère fédérale Karin Keller-Sutter lors de la conférence de presse. Elle a également souligné que la Suisse n’est pas seule avec son interdiction, puisque plusieurs pays en Europe ont déjà interdit le port du voile intégral, tout comme plusieurs nations où l’Islam est religion d’État.
La Conseillère fédérale Karin Keller-Sutter a donc goûté pour la première fois à la défaite en votation populaire, et à double exemplaire avec le « non » à la loi fédérale sur l’identité électronique, qui a été balayée dimanche à près de 65 %.
Le poids des Romands
Comme le souligne Martina Mousson dans une étude pour le compte de gfs.bern, les initiants doivent une fière chandelle aux cantons romands. « L’UDC n’a pas réussi à obtenir des majorités aussi facilement, mais cette fois-ci, il est probable qu’elle a obtenu un soutien au-delà des partis. Le "oui" clair de la Suisse romande s’inscrit également dans cette logique. » Elle n’exclut pas non plus que la France, où une interdiction générale du voile est déjà en vigueur depuis 2011, a pu influencer la partie francophone de la Suisse.
L’UDC n’a pas boudé son plaisir dimanche. « Comme l’a déjà relevé la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg, l’interdiction de se dissimuler le visage est légale et ne constitue pas une violation des droits humanitaires », a rappelé son président Marco Chiesa.
L’essayiste et fondatrice du Forum pour un islam progressiste, Saïda Keller-Messahli, a de son côté salué le résultat de la votation sur la burqa. « L’interdiction de se couvrir dans les espaces publics a été acceptée à 52 %. Un grand merci à tous ceux qui ont voté OUI dans l’urne ! », a-t-elle déclaré sur Twitter.
Le comité romand « À visage découvert » s’est réjoui de l’acceptation de l’initiative. À ses yeux, le peuple suisse s’est « prononcé pour une civilisation des visages » sans discriminer l’Islam. Pour le groupe, « la votation est un choix de société dans laquelle tous – hommes et femmes– assument leur identité et acceptent d’être reconnus dans leurs actes et leurs contacts sociaux », fait-il savoir dans un communiqué.
Le Conseil central islamique suisse (CCIS) a également réagi dans un communiqué publié dimanche. L’association estime que le résultat de la votation « étend encore le principe de l’inégalité juridique et envoie un signal clair d’exclusion à la minorité musulmane ». Le CCIS envisage également de régler les amendes infligées à des femmes musulmanes qui ne respecteront pas la loi. Il se dit prêt à aller jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg pour soutenir les porteuses du niqab.
Un succès pour le Comité d’Egerkingen
Le Conseil fédéral, qui s’oppose au texte élaboré par le Comité d’Egerkingen, n’a donc pas convaincu avec son contre-projet indirect, soutenu par le Parlement. À titre de rappel, les lieux de culte sont exemptés de cette interdiction. En outre, les masques d’hygiène, les écharpes en hiver ou encore les casques de moto ne sont pas non plus concernés. Les costumes de carnaval y échappent également.
Les premiers sondages sur le sujet donnaient une écrasante majorité au « oui » mais les derniers sondages ont montré un resserrement des intentions de vote. Finalement, les Suisses marquent une nouvelle fois leur méfiance à l’égard de l’islam mais moins qu’en novembre 2009, lorsqu’ils avaient approuvé l’initiative populaire « contre la construction de minarets » à 57,5 %.
La burqa et le niqab sont déjà interdits en Belgique, en France ou encore en Autriche. En Suisse, des cantons ont déjà légiféré, tels Saint-Gall et le Tessin qui ont déjà prohibé le port de vêtements dissimulant le visage. Les autres cantons ont désormais deux ans pour appliquer le résultat de la votation dans leur loi cantonale.